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Olivier Metzner a quitté la barre

Justice au singulier - philippe.bilger, 18/03/2013

C'était Olivier Metzner, ses lumières, ses ombres, ses fragilités, sa tristesse, ses peurs, sa pudeur, son courage. Sur cette île au bout de son monde.

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Longtemps je l'ai beaucoup vu. Puis les hasards de la vie nous ont rendu plus rares l'un pour l'autre. La multitude des dossiers importants qu'il traitait me donnait des nouvelles de lui sur le plan judiciaire, par l'entremise des médias. Mais là n'était pas l'essentiel pour lui. Le coeur de son existence, à l'évidence, battait pour autre chose qui nous dépassait, dont il gardait jalousement le mystère sauf sans doute pour quelques très proches.

Un choc.

La terrible information qui m'a été apprise par BFM TV m'a pétrifié. Il y a des êtres au sujet desquels on peut imaginer le pire. Mais, pour Olivier Metzner, cet effacement volontaire de soi "jurait" avec l'apparence de sa personnalité (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Libération, nouvelobs.com). Une volonté et une cohérence plus fortes que tout.

La solitude.

Cela a été dit et redit. Mais j'avais moins l'impression, pour cet homme rare de 63 ans, d'une solitude que d'une existence composée de plusieurs cercles soigneusement constitués, moi-même étant loin d'appartenir au plus proche et au plus intime. A tort ou à raison, Olivier Metzner m'était toujours apparu comme, à la fois, très soucieux de sa liberté et donc de ses secrets et déterminé à construire son existence sur un mode qui laissait chacun à la place que lui avait décidée. On ne pouvait prétendre forcer sa porte si dans son for intérieur il n'avait pas accepté de vous laisser entrer.

Cette solitude tout de même, fait mal au coeur quand on cherche à deviner ce qu'ont dû être ses deux derniers jours dans cette île du Morbihan qu'il avait magnifiquement embellie et modernisée. Quels ont été les songes qui lui ont traversé l'esprit, les détresses de son âme, les faiblesses de son corps, pourquoi, à cet instant, l'abandon et la volonté de réaliser ce que par écrit, paraît-il, il avait annoncé ? Cette solitude, en ces moments, était-elle devenue un accablement plus qu'un choix ?

Défendre.

Maintenant que ce grand avocat, avec sa palette variée de talents et d'efforts, s'est résolu à rejoindre la nuit, il serait inutile, plus qu'indécent, d'émettre des réserves sur le plaideur, sur l'orateur judiciaire. De même, recenser les conflits que sa pratique et son obsession de convaincre avait suscités serait indélicat alors que ceux s'étant opposés à lui étaient loin, eux aussi, d'avoir des caractères faciles, sereins et complaisants.

Pour sa parole, je relève que s'il s'agit d'abord de se faire écouter et de faire entendre celle-ci, il y parvenait moins par la qualité d'une éloquence intrinsèque que grâce à sa manière singulière et efficace de scander ses propos avec des silences qui venaient ponctuer fréquemment leur structuration et retenaient une attention contrainte de dominer son impatience.

Ce qui est évident tient à sa supériorité dans la maîtrise de la procédure pénale - une arme et un bouclier - et à sa parfaite organisation qui, alliée à une phénoménale puissance de travail et à son intuition pour choisir les meilleurs collaborateurs, comme par exemple Me Antonin Lévy, lui permettait d'assumer son succès sans trop de rançon.

Il s'était métamorphosé en découvrant les procès politiques. Avec l'affaire Clearstream et ses aspects grandiloquents, spectaculaires, ses joutes médiatiques impitoyables, ses débats qui ont probablement fait surgir en lui la conscience qu'il pouvait être un autre et la certitude, peut-être exagérée, qu'il était devenu le meilleur dans l'appréhension de cette justice appelant plus de clinquant narcissique et voluptueux que de lucidité et de retenue. En tout cas, une nouvelle corde à son arc professionnel.

Un mystère.

Quelles que soient les causes de son suicide - l'autopsie nous éclairera sur ses modalités physiques -, sa disparition, dans tous les cas, demeurera le mystère qui vient s'opposer à la vanité ou à l'arrogance des prétendues compréhensions. Tout ce qu'on sait se rapporte à cette donnée brute que le 17 mars, le corps d'Olivier Metzner a été découvert sur la plage de son île - ou flottant sur l'eau - et que, pour en arriver à cette terrifiante extrémité, son angoisse n'a pas trouvé d'autre porte de sortie, d'issue de secours que de s'abolir avec la vie qui l'enfermait.

Souvenirs...

Je le rencontre il y a quelques années dans la salle des pas perdus au Palais de justice à Paris. J'étais en train d'organiser un colloque sur la comparaison des procédures pénales en Europe. J'avais besoin d'argent. Le ministère de la Justice, sous Rachida Dati, n'avait évidemment pas donné suite. Je lui expose mes difficultés et immédiatement il me promet un chèque qui m'a été expédié le lendemain. C'est Olivier Metzner et sa générosité.

J'apprends qu'en 1997, au cours d'un entretien avec Denis Robert, soudain Me Metzner se met à sangloter à chaudes larmes et, défait, il avoue au journaliste sa détestation du métier d'avocat, sa passion pour la mer. Denis Robert a tenu parole. Du vivant d'Olivier Metzner, il n'a jamais raconté cette émouvante anecdote.

C'était Olivier Metzner, ses lumières, ses ombres, ses fragilités, sa tristesse, ses peurs, sa pudeur, son courage.

Sur cette île au bout de son monde.


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