Lettre aux candidats POUR l’enfance (456)
Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 2/03/2012
La jeunesse est un thème de campagne; l'enfance devrait l'être tout autant. DEI-France - branche française de Defense des enfants International - interpelle les candidats dans une Lettre ouverte que je crois opportun de proposer à chacun. Vous pourrez également lire avec interêt notre Argumentaire pour une loi POUR le bien-être des enfants, rédigé en 2008, mais qui conserve toute son actaulité. Nous avons eu simplement le souci de le mettre à jour sur des données factuelles. Cette loi pourrait faire l'objet d'un beau referendum, ne pensez vous-pas ?
Merci de vos commentaires, reactions, propositions.
Merci de faire circuler ces documents qui, dans la mesure où ils définissent en plein et en creux un projet de société, sont de nature à alimenter le débat public dans cette période électorale.
DEI-FRANCE
41 rue de la République
93200 Saint-Denis
courriel : contact@dei-france.org
site: www.dei-france.org
Saint-Denis, le 27 février 2012
We have a dream
Lettre ouverte de DEI-France aux candidats à l’élection présidentielle
Madame, Monsieur,
Vous êtes candidat(e) à l’élection présidentielle cette année.
Dans le déluge de manifestes, de plateformes diverses ou de pétitions sur lesquels on vous demande – à juste titre - de vous engager ou de vous démarquer de vos adversaires, nous avons décidé de vous offrir un temps de répit.
DEI-France[1] ne vous demandera pas de prendre 89 engagements, pas même dix, pas même un seul.
L’enfance[2] mérite bien plus que de venir quémander en son nom quelques promesses de circonstance ; travailler pour l’enfance exige de voir loin, de porter son regard à l’horizon de plusieurs générations, bien au delà d’un ou deux mandats quinquennaux, même si certaines réformes peuvent à l’inverse infléchir très rapidement, pour le meilleur ou pour le pire, la situation des enfants.
L’enfance mérite bien plus que des joutes de campagne électorale ; elle est digne qu’on mûrisse pour elle un vrai projet politique, qu’on bâtisse pour elle une grande utopie humaniste en transcendant les frontières des partis.
La Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) a été adoptée à l’unanimité par l’assemblée des Nations Unies le 20 novembre 1989 ; elle est aujourd’hui quasi universellement ratifiée. La création du Défenseur des enfants français en 2000 a été votée à l’unanimité du parlement. Et, même si la mise en œuvre des droits reconnus à l’enfant prête légitimement à débat politique, il y a, lorsque l’enfance donne lieu à des affrontements voire des détournements d’ordre purement partisan, un triste présage pour les enfants[3].
Pour ce « temps de répit » que nous vous proposons, nous vous invitons à rêver et faire rêver vos électeurs à l’enfance, à une enfance heureuse qui grandirait dans un monde d’adultes conscients de leurs responsabilités de protection et d’éducation mais conscients aussi des formidables capacités des enfants, des adultes désireux d’accompagner les enfants du mieux possible vers leur propre émancipation. Rêver à des enfants qui vivraient dans une société, ici en France, et dans un monde qui respecteraient leurs droits et se soucieraient de leur intérêt avant tout. Des enfants qui grandiraient en humanité dans une humanité qui aurait encore envie de leur donner le meilleur d’elle-même[4].
Rêver à une France où aucun enfant ne se verrait maltraiter et enfermer en raison de la situation administrative de ses parents[5], où aucun enfant ne se verrait opposer un refus de scolarisation, où aucun enfant ne sortirait du système scolaire sans perspectives citoyennes et professionnelles, où aucun enfant ne vivrait en dessous du seuil de pauvreté, dans un logement insalubre, encore moins dans la rue, où aucun enfant ne serait victime de trafic et d’exploitation ; où aucun parent ne maltraiterait son enfant car il aurait été lui-même maltraité dans son enfance, où aucun adulte ne chercherait désespérément qui il est et d’où il vient car, enfant, il aurait été privé d’une partie de son histoire. Rêver à un pays où les enfants seraient conscients de leurs droits, sauraient que ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on doit se soumettre aux volontés des grands et des adultes, iraient à l’Ecole heureux et y apprendraient à mettre en œuvre, grâce à leurs différences, les principes et les pratiques d’une société harmonieuse.
Ce n’est pas à une simple rêverie que nous vous convions aujourd’hui, mais à un rêve très politique comme celui que fit Martin Luther King en son temps. Une utopie tout à fait réalisable si l’on veut bien s’en donner les moyens de façon durable. Il ne s’agit pas nécessairement de moyens financiers : il s’agit d’abord d’une volonté soutenue car, si les droits de l’enfant ont connu des avancées certaines dans les années 90, le début du vingt-et-unième siècle a été marqué par des régressions majeures et il reste encore un chemin long et difficile à parcourir : il s’agit de transformer nos mentalités d’adultes, de nous débarrasser de nos visions étriquées voire dévoyées de l’enfance[6] ; de nous mettre d’accord, tous ensemble et avec les enfants et les jeunes eux-mêmes, sur ce que nous voulons pour eux ; il s’agit ensuite de concentrer l’énergie réformatrice sur les enfants car ils sont les plus vulnérables et ce sont eux qui souffrent le plus des situations de crises ; il s’agit également de choisir les bonnes priorités et de tenir le cap d’une politique proactive nationale cohérente dans la durée.
Cette utopie, nous en rêvons pour notre part depuis longtemps. Défense des enfants international existe depuis 1979, a participé à la rédaction de la CIDE, et DEI-France existe depuis 1998. En avril 2008, nous avions rédigé un argumentaire pour une loi d’orientation POUR promouvoir le bien-être des enfants, que certains d’entre vous auront sans doute déjà reçu. Quatre ans plus tard, nous n’avons pas un mot à en retirer. Et l’utopie que nous y développions pour servir de base à cette grande loi d’orientation est toujours la nôtre et n’a malheureusement pas progressée depuis. Elle s’est même éloignée à l’horizon.
Faire advenir cette utopie appelle un programme politique ambitieux, une profonde réforme de société à laquelle doivent être associés les enfants et les jeunes eux-mêmes, les familles, les professionnels de l’enfance, les associations, les élus territoriaux et nationaux et l’ensemble des citoyens. Qui mieux que le président de la République pourrait impulser cette grande cause commune au delà des différences culturelles, religieuses, institutionnelles ou territoriales ? Quelle plus belle empreinte un chef de l’Etat peut-il laisser aux générations futures que celle d’avoir eu cette vision d’un pays où les droits de l’homme ne sont rien s’ils ne commencent par ceux des enfants et d’avoir relancé la construction d’une société où les enfants se sentiraient d’autant mieux protégés, éduqués, accompagnés qu’ils seraient reconnus déjà sujets de droits et acteurs de leurs libertés.
Aussi DEI-France vous propose de promouvoir cette utopie et de vous saisir du projet politique ambitieux que représente son avènement. Forts des compétences des parents et professionnels de l’enfance dans nos rangs, des regards croisés avec de nombreuses autres organisations dans le domaine de l’enfance, et de notre expertise déjà ancienne sur l’ensemble des droits de l’enfant, nous avons réactualisé l’argumentaire de 2008 Pour une loi d’orientation pour promouvoir le bien-être des enfants et l’avons complété par des propositions additionnelles (cf PJ).
Nous ne prétendons pas être la voix des enfants, même si l’on peut être tenté de parler en leur nom puisqu’ils représentent le quart de notre population mais ne votent pas. Avec ces propositions, nous nous contentons d’avancer notre rêve d’adultes conscients des responsabilités collectives qui nous incombent vis à vis des enfants et soucieux avant tout de leur intérêt supérieur ; mais au premier rang de nos obligations - juridiquement consacrées - il y a celle de créer les conditions pour que les enfants et les jeunes eux-mêmes soient associés à la construction du projet de société dont nous vous proposons de poser les fondations. Au risque de nous laisser surprendre… Mais n’est-ce pas cela la démocratie ?
Les enjeux historiques d’aujourd’hui nous placent devant la responsabilité d’éduquer les enfants pour qu’ils soient capables, devenus adultes, de résoudre les immenses problèmes qui ne concernent rien moins que la survie même de l’humanité. Vous le savez : il y aura urgence, si vous êtes l’heureux(se) élu(e), à mettre en œuvre ce grand projet.
Madame, Monsieur le candidat(e), en avez-vous la volonté et le courage politique ?
PS : DEI-France, partie prenante ou signataire de plusieurs manifestes, pactes et pétitions collectifs vous invite à y porter le plus grand intérêt :
- Ø Appel de Bobigny Vers un grand projet national d’éducation pour l’enfance et la jeunesse
- Ø Plaidoyer pour la cause des enfants des états générEux pour l’enfance
- Ø Pacte contre l’échec scolaire (AFEV)
- Ø Il faut en finir avec l’enfermement des enfants étrangers (RESF et OEE)
- Ø Engageons-nous pour les enfants ! (Manifeste de l’UNICEF)
PJ : notre argumentaire Pour une loi d’orientation pour promouvoir le bien-être des enfants (version réactualisée au 20 février 2012), également téléchargeable sur :
http://www.dei-france.net/IMG/pdf/DEI_Pour_une_loi_pour_lenfance_fev_2012.pdf
[1] DEI-France est la section française de l ‘ONG Défense des Enfants International ; elle promeut et veille au respect, en France et par la France, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant dite CIDE.
[2] Le mot enfant est entendu ici au sens du droit international, à savoir tout être humain âgé de moins de 18 ans (art 1 de la CIDE)
[3] Cf communiqués DEI-France au moment des débats parlementaires sur la loi organique relative au défenseur des droits ou encore lors des votes sur les réformes du traitement pénal applicable aux enfants
[4] L’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même (extrait de la déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959)
[6] quand l’enfant (et les jeunes donc) sont présentés en permanence comme des sources de problèmes pour la société, c’est à la société de se poser la question de savoir si ce n’est pas sa vision de l’enfance qui pose problème.
PS DEI-France