Ils ont été bien sages !
Justice au singulier - philippe.bilger, 17/04/2012
Certes, il y avait quelque chose de forcément scolaire dans l'émission animée sur France 2 par Yves Calvi dont le talent décidément est indéniable avec un mélange d'urbanité et d'autorité.
Bien sûr, tous les candidats n'étaient pas présents. Nicolas Sarkozy, François Hollande, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou manquaient à l'appel mais ceux qui ont soutenu leur cause l'ont fait d'une manière qui n'était ni médiocre ni indigne.
Les quatre thèmes proposés étaient sans surprise même si à nouveau le plan économique, financier et social avait la part du lion avec l'inévitable dégagement sur l'immigration. Mais rien sur la politique internationale, rien surtout sur la Justice et l'Etat de droit comme s'il n'y avait pas là un double enjeu capital pour le quinquennat à venir.
Pour ce dernier domaine d'ailleurs, il me semble que les contributions essentielles au cours de cette campagne ont été le fait de François Hollande, par l'entremise d'André Vallini dont j'ai toujours apprécié, quelles que soient nos divergences judiciaires, l'intelligence, l'équilibre et la rectitude (Le Monde), et de François Bayrou qui à ma connaissance a été le seul à consacrer un discours intégral à l'Etat de droit et à la moralisation de la vie publique. La démarche de Nicolas Sarkozy m'est davantage apparue, en dernière extrémité, comme une frénésie démagogique puisant à tout va dans le vivier du FN pour complaire à des électeurs plus soucieux du droit de la force que de la force du droit.
Ecoutant ces dix personnalités, j'ai évidemment été frappé par le hiatus entre des discours globalement raisonnables et responsables et des interventions de rupture ou d'étrangeté comme celle de Jacques Cheminade.
Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, fidèles à une ligne férocement anticapitaliste, ne nous ont pas trompés avec une prévisibilité rassurante et des propos, une fois comprise la musique de détestation, que nous aurions pu les uns et les autres anticiper. Il y a du conformisme dans le registre révolutionnaire quand il ne dévie pas d'un pouce de son paroxysme vindicatif.
Le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, avec une légère condescendance pour ceux qui ne pensaient pas comme lui, mêlait une volonté de fiabilité technique à un désir de bouleversement social. Une sorte de classicisme rude et abrupt qui tentait de se distinguer, dans un chemin très étroit, de la gauche trop réaliste et de l'extrême gauche trop subversive.
Je n'oublie pas Eva Joly dont je continue à considérer que son emploi de la langue française, et non pas son accent qui nous indiffère, est très préjudiciable à l'écoute et à la compréhension de sa cause. J'ai scrupule à accabler encore davantage la représentante d'EELV mais après tout comment ne pas percevoir comme un masochisme politique suicidaire ce chemin de croix qui l'entraîne vers le premier tour ?
En dehors de cette exception si négative au détriment de l'écologie, j'ai noté les formidables progrès des uns et des autres dans la communication politique et médiatique. Rien à voir avec les débuts et les débats hésitants des origines. Certes, chacun avec sa psychologie personnelle. Nathalie Arthaud veut dévorer la société injuste et elle ne lui fera pas grâce. Il y a une gouaille terriblement cruelle dans son attitude tandis que Philippe Poutou développe avec ironie et une timidité maintenant très calculée des analyses délibérément simplistes.
Ils ont tous appris. Sous la férule aimable d'Yves Calvi, ils ont été bien sages. Ce qui démontre qu'il est possible, quand on traite avec respect et politesse, de favoriser respect et politesse. Au moins dans l'apparence.
C'est le premier pas de la démocratie.