La France en marche vers de gros problèmes
Actualités du droit - Gilles Devers, 9/06/2017
Il faut laisser sa chance à cette équipe, mais on n’est pas obligé d’être benêt en politique alors que ce que nous voyons ne peut que nous inquiéter.
Faire de la politique, c’est dégager des principes d’action pour le pays, organiser des équipes solides, et profiter du temps béni des élections pour faire du consensus autour de ce programme, en soudant de fortes majorités.
Nous en sommes loin.
Macron a bien gagné la présidentielle, mais ce sont d'abord les partis institutionnels qui l’ont perdue. Alors qu'ils ont planté le pays, ils n’offraient pas d'autre alternative que leur maintien : les primaires ont joué comme une destruction, destruction bien méritée.
La partition unique, c’était « moi, rempart contre Le Pen », cette Le Pen qui pourtant n’a jamais présenté le moindre risque politique. Donc, il faut voter contre Le Pen pour être un bon citoyen. Le soir du second tour, combien d’électeurs de Macron auraient-ils pu donner les bases de son programme ? Degré d’adhésion : marginal.
La partition unique pour les législatives c’est « donnez-lui une majorité ». Toute réflexion politique est formellement déconseillée, et la campagne se déroule dans l'indifférence totale. Degré d’adhésion : zéro.
Confronté au réel du terrain électoral, le FN se prépare à se ramasser. Le PS et les Rep ne font aucune campagne nationale, chacun tentant sa chance dans son coin. Et les électeurs de Mélenchon peuvent méditer sur l’impossibilité de changer le jeu politique à partir de l’ultra-personnalisée présidentielle.
Ajoutez un pays qui n'en peut plus de subir la campagne électorale depuis septembre 2016… avec 90 % pour des chicayas interpersonnels.
Le match est fini : ce sera une majorité absolue pour En Marche, mais pour aller où ?
L’économie est confiée à Le Maire, ministre de Sarkozy ; le social à la patronne Muriel Pénicaud, avec comme directeur de cabinet, Antoine Foucher, ancien directeur général adjoint du Medef ; les comptes publics à Gérald Darmanin, porte-parole de Sarko en 2014 ; le tout dirigé par un ancien boss de chez Rothschild, affectueusement appelé le Mozart de la finance. Aussi, le programme qui nous attend est clair, et personne ne pourra être surpris.
Pour ce qui est des libertés, c’est également super. Le Prince profite de l’absence de l’Assemblée pour restructurer la lutte contre le terrorisme, qui est quand même un sujet d’intérêt national, me semble-t-il. Et aucun candidat ne proteste contre cette marginalisation des représentants de la nation... Le Prince a par ailleurs décidé de transformer l’état d’urgence en droit commun, ce qui fait entrer notre pays dans un régime d’exception s’agissant des libertés et du contrôle judiciaire. Le juge judiciaire qui ne sera plus garant des libertés individuelles ? Mais pourquoi faudrait-il s’arrêter à cela ? Remarque aussi à propos de la fumette du shit, qui va devenir une contravention, comme un délit routier. Moi qui croyais que l’usage des stupéfiants était un problème de santé publique... Et pour les migrants qui reviennent à Grande-Synthe, la consigne de l’excellent Collomb est de multiplier le nombre de flics pour que les mecs ne puissent se poser.
- C’est exactement inhumain...
- Non, c’est progressiste.
Pour faire tout cela, le Prince ne va pas s’embarrasser de débats parlementaires. Sa majorité de godillots lui donnera les mandats pour procéder par des ordonnances, et on trouvera tous les experts nécessaires pour nous expliquer que les ordonnances sont démocratiques.
S’ajoute la moralisation, avec un message qui me glace : en Macronie, respecter la loi ne suffira pas, il faudra se plier aux règles morales. Le projet de loi de moralisation est exactement en phase avec l’institutionnalisation de l’état d’urgence : dans un cas comme dans l’autre, il va falloir apprendre, pour être tranquille, à en faire plus que respecter la loi. Respecter la loi et vivre sa vie, ça ne va plus : il faut désormais obéir. La Macronie bascule vers une théologie morale bien inquiétante… Avec le gag d’avoir confié cette tâche au MoDem qui, n’ayant pas une thune, vivait d’expédients et se trouve désormais au centre d’une enquête dirigée par le parquet de Paris.
Gouverner la France, ça ne marche pas comme ça. Une politique très à droite, et un soutien résigné sans adhésion, ça ne peut pas mener loin.