Le référé rigolo de Fillon le rigolo
Actualités du droit - Gilles Devers, 11/11/2014
Le presque président de la République engage une procédure de référé « d’heure à heure » pour obtenir la copie intégrale de l’enregistrement de la conversation entre Jean-Pierre Jouyet et les deux journalistes du Monde, a indiqué son avocat, lundi 10 novembre, dans un communiqué. « D’heure à heure », veut dire que vu l’urgence, on demande au président du tribunal de statuer au plus vite, sans attendre l’audience normale de référé, qui se tient toute les semaines. Ça urge…
Mon excellent confrère commis d’office, Jean-Pierre Versini-Campinchi parvient à nous expliquer sans pouffer de rire : « Le contenu de cet enregistrement ayant été partiellement rendu public, nous allons engager une procédure de référé d’heure à heure devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de lui demander soit de nous faire remettre, soit de faire remettre à un tiers de son choix, une copie intégrale de l’enregistrement audio, ceci aux fins que cette pièce puisse être versée dans la procédure pénale qui sera aussitôt engagée ».
Donc, le presque président de la République veut engager une procédure pénale pour diffamation contre Davet et Lhomme, les deux journalistes du Monde (deux chouchous qui ont leur cantine à l’Elysée), et pourquoi pas s’il s’estime diffamé ? Mon excellent confrère commis d’office ajoute que « cette procédure de référé est un préalable puisque la loi exige que la demande soit faite auprès du juge des référés avant tout procès ». Ah bon ?
C’est bizarre, car la loi dit pile l’inverse. Tout ce qui ressort de la publication des idées relève de la loi sur la presse. Comme cette loi est un casse-tête procédural, les avocats rusaient en engageant des procédures civiles en référé pour la contourner. Je le sais bien pour avoir manœuvré… quand c’était admis. Mais depuis la jurisprudence est claire : pour toute publication, seule la loi sur la presse est applicable. Et c’est parfaitement logique.
Avec le pénal, est en cause la présomption d’innocence, qui justifie un respect scrupuleux des droits de la défense : « Je défends mes droits en fonction des accusations ; donc, tu commences par m’accuser, et je m’organise ». La loi sur la presse formalise cela, depuis plus d’un siècle, avec la règle de l’offre de preuve : la personne citée en correctionnelle a dix jours pour produire ses sources, et la personne poursuivant peut répliquer par une contre-offre de preuve dans les cinq jours. Ceci par voie d’huissier et au domicile élu d’un avocat du barreau de la juridiction.
Mon excellent confrère commis d’office connait aussi bien que moi toutes ces règles, et il a déjà prévu le synthol et l’albuplast pour la gamelle qu’il va se ramasser. Mais, après quelques gouttes d’arnica, il pourra dire, outragé, que, décidément, le presque président de la République est victime d’un terrible complot.