Le procès de l’UMP comme si vous y étiez (phase n°1)
Actualités du droit - Gilles Devers, 27/11/2012
Les lois naturelles sont les plus fortes, et mes bons amis de l’UMP devraient s’agenouiller devant celles qui structurent la Droite en France, si bien décrites par René Rémond, avec la division en trois familles : droite contre-révolutionnaire, droite bonapartiste et droite orléaniste. La loi naturelle, c’est FN, RPR et UDF. Tôt au tard, ils reviendront. Dans l’immédiat, Fillon tente l’action en justice pour reprendre la marque, la finance et le réseau UMP. On décrypte ?
Fillon s’apprête à saisir la justice…
Non, c’est déjà fait. Il a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris et une première décision de justice a été rendue le samedi 24, signée de Madame Magali Bouvier, vice-présidente du TGI.
Que dit cette décision de justice ?
L’ordonnance estime justifiée la demande de mise sous scellés du matériel électoral, et missionne un huissier pour saisir tous les documents à des fins conservatoires. La juge a bien vu que ce serait un gros travail, et elle a alloué une provision de 15 000 € pour couvrir les premières dépenses de l’huissier.
Qui agit en justice ?
Fillon, seul. La procédure est recevable car il est membre de l’association loi 1901 qu’est l’UMP.
Quand s’est-il décidé ?
La requête a été enregistrée au greffe du tribunal le 24 novembre.
… et la décision a été rendue le jour-même ?
C’est une procédure d’urgence. Il existe une permanence des magistrats, que l’on peut solliciter à tout moment, via leur greffe. Le magistrat estime le degré d’urgence, et peut statuer très vite, ce qui a été le cas.
Toute personne peut ainsi s’adresser au juge ?
Il faut démontrer que l’on envisage un procès et qu’il est nécessaire de prendre des mesures urgentes pour préserver les pièces du procès.
Quel procès envisage Fillon ?
Il expose dans la requête qu’il prévoit de demander l’annulation de l’élection.
Comment est retenue l’urgence ?
La vice-présidente du TGI retient qu’il existe un risque de déperdition des preuves. En effet, selon l’ordonnance, Fillon prouve qu’un nombre non-négligeable de bulletins de vote, de l’outre-mer, n’ont pas été comptabilisés, que l’un des sbires de Copé a produit en conférence de presse des documents électoraux qui auraient du être placés sous scellés, et qu’à l’inverse des parrainages, les documents électoraux n’ont pas été conservés dans un local sécurisé.
Le délai a été très rapide…
Oui, car la commission de recours se prononçait entre dimanche et lundi, et il fallait sécuriser les documents avant cette réunion.
Mais le juge s’est prononcé sans prendre l’avis de la partie adverse !
C’est une possibilité ouverte par le Code de procédure civile.
D’abord, une décision de justice peut être rendue pour constituer les preuves avant un procès. C’est l’article 145 du Code de procédure civile : «S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Dans le cas du référé, la partie adverse doit être convoquée avant la décision du juge. C’est une procédure très utilisée, notamment pour faire désigner un expert avant un procès.
Mais il est aussi possible d’agir sans avertir la partie adverse, par surprise, quand on pense que c’est une condition d’efficacité. C’est la procédure prévue par l’article 493 : « L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ».
L’huissier n’a pas pu saisir le matériel électoral…
L’huissier s’est présenté au siège de l’UMP alors que la commission de recours statuait, et on lui a demandé de repasser un peu tard. Il n’est pas sûr que le juge apprécie cette réponse… alors que l’ordonnance est exécutoire sans réserve. Si l’UMP ne respecte plus les décisions de justice, où va-t-on ? Faudra-t-il leur couper les allocations familiales ?
Copé n’a pas de recours ?
La procédure ne vise pas l’homme au pain au chocolat, mais l’UMP. La réplique viendra de l’UMP, représentée par son président, l’homme au pain au chocolat. La procédure n’est pas de faire appel, mais de revenir devant la juge qui a rendu la décision, comme le prévoit l’article 497 : « Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire ». L’UMP va apporter au juge des explications propre à lui démontrer que cette ordonnance est inutile, et doit être rétractée.
Il y aura cette fois-ci un débat contradictoire ?
Tout à fait. A partir du moment où l’UMP engage la demande de rétractation, la procédure devient contradictoire. Ce sera le procès Fillon contre UMP.
Le juge va-t-il maintenir cette ordonnance ou la rétracter ?
Impossible de se prononcer sans connaître les pièces, mais la rétractation est bien possible. En effet, la commission de recours s’est prononcée, et à coup sûr, l’UMP s’est depuis dépêchée de déposer le matériel chez un huissier ou dans un local scellé devant huissier. Aussi, la mesure réclamée par Fillon n’aurait plus d’intérêt.
Que peut faire Fillon ensuite ? On parle d’un référé…
Une procédure de référé, soit une procédure urgente et contradictoire, peut-être tentée, mais le juge ne peut prendre que des mesures conservatoires, comme la suspension des effets de la proclamation des résultats, ce qui rétablirait la direction de l’UMP dans sa composition antérieure. Ça ne présente pas grand intérêt.
Oui, mais demander l’annulation va prendre trop de temps…
En droit, il s’agit de l’élection interne à une association, et il faut un jugement du tribunal, après une procédure contradictoire. C’est la procédure courante, qui prend vite une année. Mais, en invoquant l’urgence, Fillon peut recourir à la procédure dite « à jour fixe », qui permet d’avoir un jugement du tribunal dans un délai de quelques semaines, prévue par l’article 788 : « En cas d'urgence, le président du tribunal peut autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s'il y a lieu, la chambre à laquelle l'affaire est distribuée ».
De quels pouvoirs d’enquête disposera le juge ?
D’aucun. En matière civile, chaque partie fournit ses preuves. Aussi, le risque de dérapage de la procédure, décrite comme une bombe nucléaire, n’existe pas. La juge rechercherait si le résultat est sincère au vu des documents produits. Or, avec 150 000 votants, un résultat très serré, des votes non pris en compte, une absence de comptabilisation par bureau de vote, de pratique de procurations dignes de la SFIO, et des chiffres déjà modifiés une fois, le risque d’annulation est certain, sans avoir à identifier toutes les fraudes et erreurs publiques.
L’homme au pain au chocolat laisse entendre qu’il pourrait répliquer par une plainte pénale, pour bloquer la procédure civile...
Ça parait très improbable. D’abord, on serait là dans la bombe nucléaire pour l’UMP. S’il y a une plainte pénale, c’est la police judicaire qui enquêterait, sous la direction du Parquet, donc de Taubira. Elle irait tout chercher. Tout et de partout… Ce serait rigolo.
Ensuite, le principe souvent mis en avant, selon lequel le pénal tient le civil en l’état, ce qui signifie que le procès civil est suspendu si une procédure pénale est en cours, ne se vérifie pas en droit.
C’est au juge civil d’apprécier si l’enquête pénale lui interdit ou non de se prononcer. En admettant même que la procédure pénale conduise à saisir le matériel électoral, nombre de documents sont déjà connus et bien des témoignages écrits pourraient être réunis. De plus, le juge civil pourrait aussi analyser les documents de récolement qui ont permis de proclamer les résultats.
Il y aurait alors deux procédures ?
Oui, car elles n’ont pas le même objet. Une plainte pénale se poursuivrait pour déterminer si de infractions ont été commises et par qui, mais le juge civil aurait bien de la matière pour dire si le résultat est sincère.