Actions sur le document

Un président pas assez pressé ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 2/09/2012

François Hollande n'a pas à s'excuser de réfléchir avant d'agir.

Lire l'article...

La barre des trois millions de chômeurs vient d'être franchie (le monde.fr).
Nul doute que cette catastrophe sociale va nourrir encore davantage le procès en lenteur intenté au président depuis ses quinze jours de "pause" au mois d'août. Comme si en trois mois et demi un pays pouvait changer, être changé.
Rien ne me semble plus absurde que cette accusation qui impute à François Hollande (FH) de ne pas mesurer la gravité de la situation et de confondre normalité et passivité. Mais j'ose dire qu'en raison du quinquennat précédent et de la manière dont Nicolas Sarkozy (NS) présidait, ce reproche était presque inéluctable. En effet, l'agitation frénétique et tous azimuts de ce dernier, hier, ne pouvait que faire apparaître pour une inaction toute action réfléchie aujourd'hui. J'ai déjà souligné que la difficulté ne tenait pas qu'à une méthode qui aspire, même dans l'urgence, à ne pas improviser des conduites qui deviendraient à force erratiques. Elle provient aussi de la très grande faiblesse en communication de ce pouvoir et de ce gouvernement sauf quand un ministre emblématique comme Manuel Valls s'occupe lui-même de la sienne, de celle de son ministère et, partant, de celle d'une politique générale. Mais, sans vouloir être désagréable, Najat Vallaud-Belkacem n'est pas à la hauteur d'une mission d'information et d'explication d'autant plus nécessaire que les turbulences du réel, les orages de l'Europe et du monde ne cessent pas d'affecter gravement la France et de la solliciter.
Plus que jamais donc, il convient de mettre en lumière ce qui a été accompli, de ne pas laisser les oeuvres sans retentissement et exploitation et de rejeter comme mal fondées les controverses politiques, syndicales et médiatiques affichant ostensiblement une impatience, formulant des injonctions et déplorant un manque de réactivité (Journal du Dimanche, Marianne 2).
Il n'est pas interdit toutefois de s'interroger sur FH et de proposer quelques observations qui, j'ai pu le constater, sont assez partagées.
La normalité du président est appréciée dès lors que lui-même en perçoit les limites. Elle ne pourra jamais tenir lieu de politique. Un comportement républicain offre une autre respiration à notre pays mais n'est pas destiné à résoudre quoi que ce soit sur le terrain. FH va évidemment pâtir du fait que lors du quinquennat de NS, nous avons été beaucoup à être obsédés par ses dérives personnelles et les failles de son être. Elles retenaient sans doute abusivement notre attention de sorte que la substance même de ses actions avait tendance à passer au second plan. Pour FH, ce sera l'inverse : tout sera scruté de sa politique puisque sa normalité nous dispensera de l'énergie dans d'incessantes guérillas et des énervements constants. Il a intégré dorénavant que si l'antisarkozysme est justifié comme contre-exemple, il ne peut plus être invoqué en permanence comme excuse et alibi. C'est un autre président qui écrit aujourd'hui bien ou mal l'Histoire.
Le président a choisi un Premier ministre honnête, consciencieux, dévoué et fidèle. Ce n'est pas l'offenser que de considérer que le verbe n'est pas sa qualité principale et qu'il ne suffit pas de tout décliner à l'optatif à la télévision pour inspirer confiance et persuader du succès à venir. Entre lui et le président, c'est trop, apparemment, fond sur fond, il n'y a pas assez de contraste, il y a un tranquille de trop.
François Hollande pourra d'autant moins faire fi des 60% de citoyens qui ont voté pour lui sans être socialistes que la réalité, qui est une impitoyable maîtresse, va imposer des contraintes et réduire des ambitions : le rêve est beau mais il va se séculariser dans la quotidienneté, et c'est tant mieux. Mais il me déplairait que cette gauche raisonnable et responsable s'oriente bien non par choix mais parce que précisément elle n'aurait plus le choix. Il y a fort à craindre qu'une telle occurrence susciterait, pour un FH coincé entre la surenchère d'un Mélenchon et son souci du possible, une fuite libératrice et enivrante dans les facilités et démagogies sociétales parce que, pour elles au moins, il n'aurait pas de comptes à rendre. Au contraire, pour la gestion économique et financière, je n'ose imaginer l'intensité de sa lutte pour maintenir le cap face aux révolutionnaires du "il n'y a qu'à".
Enfin, même si j'ai apprécié la mise au point du président le 14 juillet sur la vie intime qui se doit de demeurer privée, je suis effaré de voir à quel point cette histoire "d'un homme entre deux femmes", au-delà du tweet ravageur et du comportement atypique de l'une d'elles, a eu et produit des effets infiniment négatifs. Alors que j'espérais que tout cela serait circonscrit et oublié, je me demande si, sur un autre plan que les débuts choquants, vulgaires et somptuaires de NS, FH ne portera pas malgré lui, tout au long, une croix personnelle qui va le handicaper, qui a déjà altéré son image et inscrira le remarquable et clairvoyant politique qu'il est dans une rubrique plus vaudevillesque qu'honorable.
Je ne serai pas assez bête pour le juger si peu de temps après son élection. Je ne serai pas un citoyen absurdement pressé. L'apaisement n'est pas un crime.
FH n'a pas à s'excuser de réfléchir avant d'agir.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...