Le bouleversement du régime social des indemnités transactionnelles par les arrêts de mars 2018
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud, Elena Blot, 17/09/2018
1. Le régime social antérieurement applicable aux indemnités transactionnelles
Jusqu’à présent, les indemnités versées notamment lors de la conclusion d’un protocole transactionnel en complément d’une indemnité de licenciement, bénéficiaient du régime des indemnités de rupture défini par l’article L.242-1, al 12 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er septembre 2018, qui prévoyait que « la part des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail (…) qui n’est pas imposable en application de l’article 80 duodecies du Code général de impôts » est exclue de l’assiette des cotisations sociales dans la limite d’un montant correspondant à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (« PASS ») . (1)
En définitive, seules les sommes énumérées par l’article 80 duodecies du CGI étaient susceptibles de bénéficier d’une exonération de cotisations de sécurité sociale.
Il convenait donc, afin de déterminer la part de l’indemnité transactionnelle soumise à cotisations sociales, de passer par trois étapes :
- 1 : Faire la somme de l’indemnité transactionnelle et de l’éventuelle indemnité perçue au titre de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- 2 : Déterminer la part de ce montant qui était exonérée d’impôt sur le revenu en application de l’article 80 duodecies du CGI, à savoir :
→ soit l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (sans limitation de montant) ;
→ soit le double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat, dans la limite de six fois le « PASS » ;
→ soit la moitié des indemnités versées, dans la limite de six « PASS ».
- 3 : Ainsi, la part d’indemnité exonérée de l’impôt sur le revenu, était également exonérée de cotisations sociales à concurrence de deux « PASS », sans préjudice des règles spécifiques d’assujettissement à la CSG-CRDS.
Par exception, l’indemnité transactionnelle était assujettie à cotisations sociales dès le premier euro si son montant était tel qu’il conduisait à porter le montant cumulé des indemnités de ruptures (transactionnelle comprise) au-delà de dix « PASS ».
(1) PASS 2018 : 39.732 €
En définitive, seules les sommes énumérées par l’article 80 duodecies du CGI étaient susceptibles de bénéficier d’une exonération de cotisations de sécurité sociale.
Il convenait donc, afin de déterminer la part de l’indemnité transactionnelle soumise à cotisations sociales, de passer par trois étapes :
- 1 : Faire la somme de l’indemnité transactionnelle et de l’éventuelle indemnité perçue au titre de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- 2 : Déterminer la part de ce montant qui était exonérée d’impôt sur le revenu en application de l’article 80 duodecies du CGI, à savoir :
→ soit l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (sans limitation de montant) ;
→ soit le double de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat, dans la limite de six fois le « PASS » ;
→ soit la moitié des indemnités versées, dans la limite de six « PASS ».
- 3 : Ainsi, la part d’indemnité exonérée de l’impôt sur le revenu, était également exonérée de cotisations sociales à concurrence de deux « PASS », sans préjudice des règles spécifiques d’assujettissement à la CSG-CRDS.
Par exception, l’indemnité transactionnelle était assujettie à cotisations sociales dès le premier euro si son montant était tel qu’il conduisait à porter le montant cumulé des indemnités de ruptures (transactionnelle comprise) au-delà de dix « PASS ».
(1) PASS 2018 : 39.732 €
2. Le bouleversement opéré par la Cour de cassation
Deux arrêts du 15 mars 2018 rendus par la Cour de cassation et confirmés depuis, sont venus bouleverser ce système.
Désormais, les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités expressément visées à l’article L.242-1 du CSS qui sont exclues de l’assiette des cotisations sociales et d’allocations familiales, sont comprises dans l’assiette des cotisations, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice . (2)
Par trois arrêts du 21 juin 2018(3) ainsi qu’un arrêt rendu le 12 juillet 2018 (4) , la Cour de cassation est venue confirmer ce revirement, qui aboutit à une nouvelle logique binaire à double tranchant :
→ Soit l’employeur démontre que l’indemnité transactionnelle a une valeur indemnitaire et alors elle sera exonérée de cotisations sociales, sans aucune limitation s’agissant de son montant ;
→ Soit l’employeur n’apporte pas cette preuve et l’indemnité transactionnelle sera intégralement soumise à cotisations sociales.
En outre, dans un des arrêts du 21 juin 2018, la Cour de cassation a appliqué pour la première fois cette solution aux sommes accordées à titre transactionnel en complément des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE.
(2) Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n°17-10.325 et n°17-11.336
(3) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.773, n°17-19.671, n°17-19.432
(4) Cass. 2e civ., 12 juillet 2018, n°17-23.345
Désormais, les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités expressément visées à l’article L.242-1 du CSS qui sont exclues de l’assiette des cotisations sociales et d’allocations familiales, sont comprises dans l’assiette des cotisations, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice . (2)
Par trois arrêts du 21 juin 2018(3) ainsi qu’un arrêt rendu le 12 juillet 2018 (4) , la Cour de cassation est venue confirmer ce revirement, qui aboutit à une nouvelle logique binaire à double tranchant :
→ Soit l’employeur démontre que l’indemnité transactionnelle a une valeur indemnitaire et alors elle sera exonérée de cotisations sociales, sans aucune limitation s’agissant de son montant ;
→ Soit l’employeur n’apporte pas cette preuve et l’indemnité transactionnelle sera intégralement soumise à cotisations sociales.
En outre, dans un des arrêts du 21 juin 2018, la Cour de cassation a appliqué pour la première fois cette solution aux sommes accordées à titre transactionnel en complément des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d’un PSE.
(2) Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n°17-10.325 et n°17-11.336
(3) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.773, n°17-19.671, n°17-19.432
(4) Cass. 2e civ., 12 juillet 2018, n°17-23.345
3. Les nouvelles précautions dans la rédaction des protocoles transactionnels
Afin de garantir l’application de ce nouveau régime social aux indemnités transactionnelles, il appartiendra aux rédacteurs des protocoles de faire ressortir très précisément les chefs de préjudice que l’indemnité transactionnelle a pour objet de compenser afin d’en établir expressément le caractère indemnitaire.
Ainsi, les juges vérifieront scrupuleusement la volonté des parties telle que mentionnée dans le protocole transactionnel.
Dans un des arrêts du 21 juin 2018, afin de conclure que la société rapportait la preuve que les indemnités litigieuses compensaient un préjudice pour les salariés, et que leur montant n’entrait donc pas dans l’assiette des cotisations sociales, les juges avaient notamment retenu que « chaque protocole et chaque procès-verbal de conciliation versé aux débats était rédigé en termes clairs, précis et sans ambiguïté » et que « la volonté des parties y était clairement exprimée ». (5)
A titre d’exemple, a été admise par les juges l’indemnisation du préjudice résultant de l’atteinte particulière à la dignité ou à l’image du salarié en raison de : l’interdiction d’accès du salarié à son bureau, la fouille de son bureau et de ses documents personnels, sa mise à pied verbale (6) , le retrait immédiat de sa ligne téléphonique et de sa carte professionnelle (7) , une attitude injurieuse (8) , l’utilisation de termes humiliants dans la lettre de licenciement (9), sa mise à pied conservatoire suite à un licenciement pour faute i[grave, la soudaineté de son licenciement l’ayant empêché de prévenir ses collègues de son départ (10) , etc.).
Néanmoins, il ressort d’un des arrêts rendu le 21 juin 2018, que l’exonération de cotisations sociales de l’indemnité transactionnelle présentée comme ayant pour unique objet de réparer le préjudice matériel résultant de la perte d’emploi consécutive à la rupture du contrat est plus incertaine, ce préjudice étant déjà partiellement réparé par l’indemnité de licenciement . (11)
(5) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.773
(6) Cass. 2e civ., 1er avril 1998, n°96-40.146
(7) CA de Paris, 6 mars 2018, n°16/04328
(8) CA de Paris, 20 février 2018, n°16/13084
(9) CA de Caen, 19 janvier 2018, n°16/02004
(10) CA de Lyon, 27 avril 2018, n°16/05907
(11) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.671 : a approuvé la décision de la cour d’appel qui, pour décider que l’indemnité devait être assujettie à cotisations, avait relevé que la transaction ne mentionnait pas qu’elle aurait compensé « un préjudice autre que financier résultant des circonstances de la rupture ».
Ainsi, les juges vérifieront scrupuleusement la volonté des parties telle que mentionnée dans le protocole transactionnel.
Dans un des arrêts du 21 juin 2018, afin de conclure que la société rapportait la preuve que les indemnités litigieuses compensaient un préjudice pour les salariés, et que leur montant n’entrait donc pas dans l’assiette des cotisations sociales, les juges avaient notamment retenu que « chaque protocole et chaque procès-verbal de conciliation versé aux débats était rédigé en termes clairs, précis et sans ambiguïté » et que « la volonté des parties y était clairement exprimée ». (5)
A titre d’exemple, a été admise par les juges l’indemnisation du préjudice résultant de l’atteinte particulière à la dignité ou à l’image du salarié en raison de : l’interdiction d’accès du salarié à son bureau, la fouille de son bureau et de ses documents personnels, sa mise à pied verbale (6) , le retrait immédiat de sa ligne téléphonique et de sa carte professionnelle (7) , une attitude injurieuse (8) , l’utilisation de termes humiliants dans la lettre de licenciement (9), sa mise à pied conservatoire suite à un licenciement pour faute i[grave, la soudaineté de son licenciement l’ayant empêché de prévenir ses collègues de son départ (10) , etc.).
Néanmoins, il ressort d’un des arrêts rendu le 21 juin 2018, que l’exonération de cotisations sociales de l’indemnité transactionnelle présentée comme ayant pour unique objet de réparer le préjudice matériel résultant de la perte d’emploi consécutive à la rupture du contrat est plus incertaine, ce préjudice étant déjà partiellement réparé par l’indemnité de licenciement . (11)
(5) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.773
(6) Cass. 2e civ., 1er avril 1998, n°96-40.146
(7) CA de Paris, 6 mars 2018, n°16/04328
(8) CA de Paris, 20 février 2018, n°16/13084
(9) CA de Caen, 19 janvier 2018, n°16/02004
(10) CA de Lyon, 27 avril 2018, n°16/05907
(11) Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n°17-19.671 : a approuvé la décision de la cour d’appel qui, pour décider que l’indemnité devait être assujettie à cotisations, avait relevé que la transaction ne mentionnait pas qu’elle aurait compensé « un préjudice autre que financier résultant des circonstances de la rupture ».