Procès des enveloppes de l’UIMM: la procureure évoque une défense de « grand banditisme »
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 21/10/2013
La procureure Ariane Amson a requis lundi 21 octobre une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et 250.000 euros d'amende contre l'ancien président délégué général de l'UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac, qu'elle estime coupable d'abus de confiance et de travail dissimulé. Elle a également requis des peines de six à huit mois contre trois prévenus, la relaxe de cinq autres et une amende de 150.000 euros contre la fédération patronale poursuivie en qualité de personne morale.
"15 millions d'euros se sont arrêtés dans le bureau de Denis Gautier-Sauvagnac, dont on a perdu la trace", a relevé la procureure en ouvrant son réquisitoire. Relevant que les deux semaines de débats consacrées à cette affaire n'ont pas permis d'en savoir davantage sur la distribution des dons en espèces de l'UIMM, elle s'en est pris avec dureté à la ligne de défense de l'ancien président délégué général qui a toujours refusé de donner les noms des bénéficiaires par crainte du "grand déballage" et du "trouble à l'ordre social."
"Vous dites que vous avez donné de l'argent aux syndicats. Mais pourquoi devrait-on vous croire sur parole?", s'est interrogé la procureure.
- "Vous ne souhaitez pas faire de délation. C'est étonnant de voir des gens honorables utiliser un terme que l'on a l'habitude d'entendre dans les procès de grand banditisme! a lancé Ariane Amson, qui a poursuivi: "De même, vous dites que nous ne voulez pas de grand déballage. Mais depuis sept ans, trois livres et beaucoup d'articles de presse ont été consacrés au scandale de l'UIMM. Pour préserver la paix sociale, on peut mieux faire!", a ironisé la procureure.
"On se retrouve donc avec une comptabilité occulte et avec des pièces comptables qui ont été détruites" a souligné la procureure, en observant que "l'intérêt général" ne saurait être invoqué par des prévenus qui, par ailleurs, ont omis pendant des années de déclarer au fisc les compléments de salaires qu'ils percevaient en espèces de la part de la fédération patronale.
Sur ce deuxième volet, celui du travail dissimulé qui est également reproché à Denis Gautier-Sauvagnac, la représentante de l'accusation considère que l'ancien président ne peut se prévaloir de "la tradition" de l'UIMM. "Au vu de votre parcours - il est inspecteur des finances - et de votre longévité à l'UIMM, vous auriez dû être celui qui mettait fin à ces pratiques."
Elle répond aussi par avance à l'un des arguments de la défense qui invoque la loi de 1884 sur la liberté syndicale pour justifier l'absence de comptabilité de la fédération patronale. "C'est vrai que le principe de la liberté syndicale est intégré dans le bloc de constitutionnalité, mais la loi de 1884 ne dit pas que quand on est dans le bureau d'un juge d'instruction ou devant un tribunal, on ne doit pas répondre aux questions!", a conclu la procureure.