Il faudrait achever l'affaire Benalla !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 2/01/2019
J'aurais aimé pouvoir écrire sur un autre sujet mais l'actualité m'impose ce thème qui se rapporte à nouveau à Alexandre Benalla (AB) et, forcément, au président de la République.
Je n'aurais pas détesté pouvoir commenter la promotion de la Légion d'honneur du premier janvier même si, quand on l'a reçue sans l'avoir demandée, on est mal placé pour critiquer tel ou telle qui a obtenu cette distinction. Mais j'ai du mal à résister à cette tentation.
Pour Benalla, je songe à cette anecdote que j'adore et dont j'abuse. Raymond Radiguet, devant un tableau médiocre que le peintre déclare inachevé, s'exclame : "Il serait humain de l'achever!"
L'affaire Benalla n'a que trop duré et je bats ma coulpe pour avoir modestement, à mon niveau, contribué à son enflure à partir des données contradictoires qui longtemps nous été communiquées d'abord sur les événements du 1er mai puis sur la délivrance et la non restitution des passeports diplomatiques.
Pourquoi, aujourd'hui, est-il nécessaire de mettre fin à un engrenage qui, si on laissait faire AB, deviendrait infernal ?
AB est un homme intelligent, déterminé, prêt à tout et sans doute avec une aptitude actuellement décuplée à faire mal et à provoquer des dégâts.
Les récents développements de ce compagnonnage qui a été à l'évidence inapproprié dans la dimension qui lui a été donnée, questionnent la force de caractère du président et sa capacité à trancher un noeud intolérable. Un AB qui n'est pas loin de prétendre avoir les moyens d'un chantage ! Benoît Hamon a eu raison de souligner que dorénavant la balle est dans le camp d'Emmanuel Macron et que cette affaire, pour l'instant, révèle sa faiblesse.
Cette dernière est d'autant plus condamnable, alors qu'on sait maintenant qui ment et qui dit la vérité, qu'elle nourrit d'odieuses rumeurs et insinuations sur les liens d'Emmanuel Macron avec AB, quelle que soit la teneur diverse de ces turpitudes.
Alors que le président de la République va, par un courrier adressé à chaque Français, expliquer ce que sera le grand débat national dont beaucoup de citoyens espèrent des avancées et une libération de la parole collective, on ne peut plus laisser des polémiques sordides polluer un climat républicain déjà fragilisé. Le président éprouvera les pires difficultés pour reprendre la main. Ce serait déjà beau qu'il parvienne au moins à stabiliser sa dégringolade ! Dans tous les cas il ne peut plus avoir la tête ailleurs que dans la conduite du pays avec l'agitation des dernières semaines, dont des pessimistes affirment qu'elle pourrait reprendre, avec une minorité de Gilets jaunes pour le confirmer.
Je ne veux pas que la France, ici et à l'international, soit à la merci d'un AB qui joue avec les nerfs du président et du pouvoir.
Puisque, si on veut bien rassembler les éléments recueillis ces derniers jours et surtout la très longue et substantielle réplique du ministère des Affaires étrangères aux déclarations d'AB, qualifiées de totalement mensongères, il n'y a plus l'ombre d'un doute sur le plan factuel.
Le passeport diplomatique a été délivré puis renouvelé dans des conditions normales.
La première lettre recommandée, au mois de juillet, réclamant la restitution du passeport diplomatique n'a pas pu être remise personnellement à AB, d'où l'obligation de lui en adresser une seconde au mois de septembre qu'il n'est pas allé chercher. Une carence significative.
Il affirme avoir gardé ce passeport diplomatique par "confort personnel" et pour se faciliter ses voyages. Ce document lui aurait été remis avec des papiers personnels au mois d'octobre par quelqu'un travaillant à l'Elysée qui lui aurait seulement recommandé de ne pas faire de "bêtises" avec cette pièce.
La commission sénatoriale présidée par Philippe Bas a demandé des explications à l'Elysée et au gouvernement sur ces récentes péripéties liées au passeport diplomatique.
L'Elysée dément absolument avoir été à aucun moment détenteur de ce passeport malgré l'allégation d'AB proférée justement devant cette instance sénatoriale.
A la suite d'une plainte du ministre Le Drian, une enquête a été ordonnée par le parquet de Paris pour abus de confiance.
AB prétend avoir été en contacts réguliers par SMS avec le président, jusqu'au 24 décembre. Ce dernier lui aurait demandé son avis sur plusieurs sujets comme par exemple les GJ.
L'Elysée a souligné seulement la réalité de deux SMS "laconiques" après son licenciement. L'un pour lui demander des nouvelles de son état, le président étant inquiet. L'autre resté sans réponse pour savoir " qui disait du mal de lui dans les dîners en ville" comme AB le lui avait glissé.
En revanche le président a confirmé avoir reçu, sans réagir, une multitude de tweets "lunaires" d'AB (L'Obs) S'il y en avait eu davantage et si de fait une complicité avait continué à se manifester par d'autres SMS interposés, ce serait à désespérer du président et de sa lucidité.
Emmanuel Macron met en cause le ressort du ressentiment chez AB après son licenciement et considère qu'il est devenu "l'idiot utile" de tous ceux qui dénient sa légitimité.
Restons-en là.
Qu'on ne réponde plus à AB. Qu'il menace et croie intimider mais dans le désert. Qu'il ne soit pas placé au niveau de la République par l'excessive attention qu'on lui prête encore. Et que si d'autres vérités sont à formuler, qu'on les dise vite.
Le président lors de ses voeux avait évoqué le devoir de vérité. Que personne n'oublie autour de lui cette obligation impérieuse.
Il faudrait achever l'affaire Benalla, ô oui !!