Michel Platini : trop et pas assez !

Quand Sepp Blatter a qualifié récemment Michel Platini "d'honnête homme", j'ai eu peur pour la réputation et l'avenir du second. Un tel éloge émanant du premier était dévastateur et apparemment je n'avais pas tort puisque la chambre d'instruction du comité d'éthique de la FIFA a réclamé la radiation à vie de Michel Platini du monde du football (Le Figaro).

A cause d'un versement de 1,8 million d'euros que Blatter a effectué au bénéfice de Platini pour un travail que ce dernier affirme réel entre 1999 et 2002. Michel Platini admet avoir traité cette affaire avec négligence et retard mais a dénié toute mauvaise foi, toute volonté de fraude de sa part, en affirmant qu'il n'avait jamais été un homme d'argent et que son épouse pouvait en témoigner. Ce qu'elle a fait.

Au-delà du compliment empoisonné de Sepp Blatter, j'ai tout de même l'impression qu'une opportunité a enfin été trouvée, au nom de la morale, pour se venger de la personnalité de Michel Platini. Pour jeter une pierre malfaisante dans son jardin et battre en brèche une aura insupportable d'apparente rigueur et honnêteté.

Platini est trop.

Peut-être le plus grand joueur français de tous les temps, une éblouissante carrière internationale, trois fois ballon d'or, un entraîneur atypique dont les résultats mitigés n'ont rien fait perdre à sa gloire, un homme dont la vivacité intellectuelle et le langage n'étaient pas comme, chez Zidane, minimalistes et ne déparaient pas quand il n'avait plus le ballon dans les pieds.

Excellent et respecté président de l'UEFA, habile négociateur, adepte des compromis, vrai politique, longtemps proche, trop proche de Sepp Blatter, programmé cependant pour le niveau suprême et espéré avec d'autant plus d'impatience et d'exigence qu'il y avait beaucoup à refaire, à purifier, à assainir.

Un trajet limpide, une ambition certaine mais justifiée, aucune ostentation de sorte que ses victoires n'apparaissaient pas offensantes et son triomphe annoncé scandaleux, une prudence en général, pas de démesure, une gravité souriante, le footballeur génial avait laissé la place à un stratège et à un tacticien de haute volée.

Et cet accroc. Ce versement. Il est clair qu'on veut lui faire payer, au nom de l'éthique, tous ces "trop" et que cet univers où la corruption semblait régner en maîtresse a trouvé son bouc émissaire idéal : il a donné le prétexte et on sait que rien n'est plus exaspérant pour les envieux qu'un parcours sans faute et une vie sans épreuves.

Alors, Michel Platini ?

Peut-être pas assez précautionneux, pas assez éloigné des pouvoirs, de Sepp Blatter, pas assez courageux, pas assez méfiant envers les influences politiques, pas assez rétif face à Nicolas Sarkozy porte-parole du Qatar pour 2022, pas assez allergique aux flatteries, pas assez attentif jusqu'au bout, pas assez lucide sur les pièges et les embûches, pas assez pessimiste sur son destin futur, pas assez exemplaire pour l'argent ?

Trop politique pour ce qu'il devait avoir de sportif ? Trop sûr de sa bonne étoile ?

Le gouvernement français a eu tort, à l'origine de la polémique, de le soutenir inconditionnellement. Même les gloires nationales peuvent faillir. On aurait pu, dû attendre.

Mais une radiation à vie, à supposer même que sa mauvaise foi soit démontrée et le concert frauduleux avec Blatter prouvé, ce serait inimaginable.

Platini a été suspendu pour 90 jours, le 8 octobre et jusqu'au 5 janvier 2016. Il a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal d'arbitrage du sport, le 20 novembre. Sa candidature à la présidence de la FIFA, le 26 février 2016, est pour l'instant gelée par cette suspension provisoire.

Sans jouer au mauvais prophète, la cause de Michel Platini, irrésistible hier, dorénavant incertaine, est déjà fragilisée.

Alors, une radiation à vie serait franchement trop.

Pas assez de justice.