CDD, défaut de signature et risque de requalification : quid de la malveillance ou de la mauvaise foi ?
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Nadège Sado, 12/04/2012
Tout en rappelant la règle selon laquelle il appartient à l’employeur de veiller à ce que le contrat de travail à durée déterminée (cdd) établi a bien été signé par le salarié sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée, les juges du fond portent une attention des plus vigilantes quant-aux circonstances qui ont pu conduire à l’absence d’une telle signature. Cette appréciation des faits les conduits à conditionner leur décision de requalification à l’absence de toute forme de mauvaise foi ou d’intention frauduleuse de la part du salarié. C’est ce principe qui est précisé par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 mars 2012.
1. Rappel : le CDD doit être signé au risque pour l’employeur d’en supporter les conséquences
La nature d’exception du contrat de travail à durée déterminée (CDD), source d’un régime juridique propre, impose nombre d’obligations aux parties qui y consentent : établissement d’un écrit et autres mentions obligatoires (…).
Une fois tout cela accompli, demeure une obligation ultime : la signature dudit contrat , impératif à ne pas négliger puisque son manquement conduit la Cour de cassation à considérer que la convention est alors conclue pour une durée indéterminée .
En effet, pour la Cour de cassation l’absence de signature d’un tel contrat revient à en dénier l’existence même. Cette carence entraîne au moins une double conséquence :
- elle caractérise nécessairement le défaut d’information du salarié quant-au contenu de la convention temporaire qui le lie à son employeur et à ses dispositions, par définition exceptionnelles, par rapport à celles découlant du contrat de travail à durée indéterminée ;
- en conséquence, ne pouvant accorder une valeur contractuelle à un document non signé, le cdd invoqué ne peut être considéré comme ayant été établi et est par suite réputé conclu pour une durée indéterminée (avec les conséquences que cela implique).
Il s’agit d’une position constante de la Cour de cassation maintenue même lorsqu’est invoqué le refus du salarié de signer ledit contrat, ce refus étant jugé sans influence par les juges du fond : (Cass. soc. 22 octobre 1996, n° 95-40.266 – Cass. soc. 30 octobre 2002, n° 00-45.677 et Cass. soc. 6 mai 2009, n° 08-40.403) et (Cass. soc. 28 février 1996, n° 93-42.257).
Il semble donc que, quelles que soient les circonstances, l’employeur supporte seul la responsabilité de l’absence de signature par les deux parties du contrat de travail à durée déterminée. Cette situation s’explique a priori par le caractère d’ordre public d’une telle signature mais aussi par l’obligation d’information pesant sur l’employeur quant au contenu et au caractère temporaire de ces conventions. Compte tenu de cette position jurisprudentielle, le seul moyen pour l’employeur de se protéger face au défaut de signature du cdd par le salarié est de mettre ce dernier en demeure de s’exécuter et, le cas échéant, de refuser de l’engager.
Cette position de principe qui vise à la protection des salariés destinataires de telles conventions a, petit à petit, amené à s’interroger sur les circonstances (2) ainsi que sur les conséquences à tirer du refus (parfois bien volontaire) de signature par le salarié (3).
Une fois tout cela accompli, demeure une obligation ultime : la signature dudit contrat , impératif à ne pas négliger puisque son manquement conduit la Cour de cassation à considérer que la convention est alors conclue pour une durée indéterminée .
En effet, pour la Cour de cassation l’absence de signature d’un tel contrat revient à en dénier l’existence même. Cette carence entraîne au moins une double conséquence :
- elle caractérise nécessairement le défaut d’information du salarié quant-au contenu de la convention temporaire qui le lie à son employeur et à ses dispositions, par définition exceptionnelles, par rapport à celles découlant du contrat de travail à durée indéterminée ;
- en conséquence, ne pouvant accorder une valeur contractuelle à un document non signé, le cdd invoqué ne peut être considéré comme ayant été établi et est par suite réputé conclu pour une durée indéterminée (avec les conséquences que cela implique).
Il s’agit d’une position constante de la Cour de cassation maintenue même lorsqu’est invoqué le refus du salarié de signer ledit contrat, ce refus étant jugé sans influence par les juges du fond : (Cass. soc. 22 octobre 1996, n° 95-40.266 – Cass. soc. 30 octobre 2002, n° 00-45.677 et Cass. soc. 6 mai 2009, n° 08-40.403) et (Cass. soc. 28 février 1996, n° 93-42.257).
Il semble donc que, quelles que soient les circonstances, l’employeur supporte seul la responsabilité de l’absence de signature par les deux parties du contrat de travail à durée déterminée. Cette situation s’explique a priori par le caractère d’ordre public d’une telle signature mais aussi par l’obligation d’information pesant sur l’employeur quant au contenu et au caractère temporaire de ces conventions. Compte tenu de cette position jurisprudentielle, le seul moyen pour l’employeur de se protéger face au défaut de signature du cdd par le salarié est de mettre ce dernier en demeure de s’exécuter et, le cas échéant, de refuser de l’engager.
Cette position de principe qui vise à la protection des salariés destinataires de telles conventions a, petit à petit, amené à s’interroger sur les circonstances (2) ainsi que sur les conséquences à tirer du refus (parfois bien volontaire) de signature par le salarié (3).
2- Le défaut de signature du CDD par le salarié ouvre-t-il systématiquement la voie de la requalification ?
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 7 mars dernier, il est question d’une salariée qui, engagée dans le cadre de divers contrats à durée déterminée successifs à temps partiel pour la période allant du 4 septembre 2007 au 28 juin 2008, saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes tendant notamment à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Constatant « qu’il résulte des pièces produites que les divers contrats à durée déterminée écrits ont bien été remis à la salariée à chacune de ses interventions, mais que celle-ci a refusé de les rendre, malgré notamment un rappel par courrier recommandé du 6 septembre 2007, rappelant un courrier du 16 mai 2007 resté sans effet » les demandes de la requérante sont rejetées en appel, les juges du fond considérant alors que la requérante ne pouvait se prévaloir du défaut de signature des contrats qui lui incombait compte tenu des circonstances.
Bien que cette position puisse sembler cohérente, (en effet, si l’employeur est tenu de veiller à ce que la convention soit effectivement signée, il ne peut forcer la main d’une salariée laquelle a été relancé à plusieurs reprises par la voie recommandée !), elle demeure insuffisante, dans sa motivation, au regard de la haute juridiction compte tenu de la nature de l’obligation: « Attendu qu’il résulte de ce texte que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée déterminée… ». La Cour de cassation maintient et rappelle ainsi que le défaut de signature consécutif au seul refus du salarié est sans influence sur la requalification.
Mais la haute juridiction va plus loin et c’est là l’intérêt de cette décision dès lors qu’elle pose clairement une exception au principe : « …il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ».
Constatant « qu’il résulte des pièces produites que les divers contrats à durée déterminée écrits ont bien été remis à la salariée à chacune de ses interventions, mais que celle-ci a refusé de les rendre, malgré notamment un rappel par courrier recommandé du 6 septembre 2007, rappelant un courrier du 16 mai 2007 resté sans effet » les demandes de la requérante sont rejetées en appel, les juges du fond considérant alors que la requérante ne pouvait se prévaloir du défaut de signature des contrats qui lui incombait compte tenu des circonstances.
Bien que cette position puisse sembler cohérente, (en effet, si l’employeur est tenu de veiller à ce que la convention soit effectivement signée, il ne peut forcer la main d’une salariée laquelle a été relancé à plusieurs reprises par la voie recommandée !), elle demeure insuffisante, dans sa motivation, au regard de la haute juridiction compte tenu de la nature de l’obligation: « Attendu qu’il résulte de ce texte que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée déterminée… ». La Cour de cassation maintient et rappelle ainsi que le défaut de signature consécutif au seul refus du salarié est sans influence sur la requalification.
Mais la haute juridiction va plus loin et c’est là l’intérêt de cette décision dès lors qu’elle pose clairement une exception au principe : « …il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ».
3- L’exception de malveillance ou d’intention frauduleuse du salarié écarte la requalification
L’absence de signature du contrat du fait d’un refus de signer de la part du salarié ne suffit pas, à elle seule, à écarter la demande de requalification formulée par ce dernier. Toutefois, l’employeur peut dorénavant rapporter la preuve de ce que ce défaut de signature est directement lié soit à la mauvaise foi soit à l’intention frauduleuse de son employé.
Pouvons-nous alors conclure que dans une telle hypothèse, le jugement de la Haute juridiction ira dans le sens d’un refus de requalification ?
Tout le laisse à penser. D’une part, le visa de la haute juridiction est clair : il n’en va autrement que lorsque… ».
D’autre part, cette position de la Cour de cassation n’est pas totalement nouvelle. Rappelons que par le passé, elle s’était déjà refusé à accorder la requalification sollicitée par le salarié dès lors qu’elle avait constaté que le défaut de signature était la conséquence d’un refus délibéré de la part du salarié de mauvaise foi .
Plus encore, dans une affaire récente se rapportant à des contrats de travail temporaire, les juges avaient également refusé la requalification en constatant cette fois l’intention frauduleuse du salarié.
La haute juridiction avait alors confirmé le refus de requalification décidé par les juges du fond, en rappelant que : « la fraude corrompt tout ; que si la signature d’un contrat écrit, imposé par la loi dans les rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié, afin de garantir qu’ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite, a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse . »
Bien que rendue dans un litige concernant un contrat de travail temporaire cette solution a à notre sens vocation à s’appliquer au cas du contrat à durée déterminée.
La haute juridiction avait donc, au moyen de décisions diverses prononcé l’impossibilité de requalification dès lors qu’était identifié tantôt la mauvaise fois, tantôt l’intention frauduleuse. L’arrêt du 7 mars 2012 a été l’occasion de poser un principe général et clair : dès lors que l’employeur parvient à démontrer que c’est le refus délibéré du salarié de signer son contrat qui a entraîné l’absence de signature, ce refus étant lié à sa mauvaise foi ou consécutif à une intention frauduleuse de sa part, la requalification ne sera pas encourue.
Il est ainsi clairement mis un terme à une situation qui pouvait laisser une porte ouverte au refus délibéré de signature du cdd dans le but précis d’en demander la requalification en contrat à durée indéterminée.
La question peut se poser de savoir si, en reconnaissant l’hypothèse de la mauvaise foi ou de l’intention malveillante, cette jurisprudence n’ouvre pas également la voie à un droit à réparation de la partie lésée (en l’occurrence, l’employeur)? La haute juridiction n’a pas encore eu, à notre connaissance, à se prononcer sur cette question.
Ainsi, la position jurisprudentielle se resserre mais l’exception de non-requalification pour défaut de signature du cdd demeure un domaine très délimité. La meilleure sécurité consiste encore à s’en tenir à la lettre de la loi, et à s’assurer, avant tout commencement d’exécution du contrat à durée déterminée que ce dernier a bien été signé par le salarié.
Pouvons-nous alors conclure que dans une telle hypothèse, le jugement de la Haute juridiction ira dans le sens d’un refus de requalification ?
Tout le laisse à penser. D’une part, le visa de la haute juridiction est clair : il n’en va autrement que lorsque… ».
D’autre part, cette position de la Cour de cassation n’est pas totalement nouvelle. Rappelons que par le passé, elle s’était déjà refusé à accorder la requalification sollicitée par le salarié dès lors qu’elle avait constaté que le défaut de signature était la conséquence d’un refus délibéré de la part du salarié de mauvaise foi .
Plus encore, dans une affaire récente se rapportant à des contrats de travail temporaire, les juges avaient également refusé la requalification en constatant cette fois l’intention frauduleuse du salarié.
La haute juridiction avait alors confirmé le refus de requalification décidé par les juges du fond, en rappelant que : « la fraude corrompt tout ; que si la signature d’un contrat écrit, imposé par la loi dans les rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié, afin de garantir qu’ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite, a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse . »
Bien que rendue dans un litige concernant un contrat de travail temporaire cette solution a à notre sens vocation à s’appliquer au cas du contrat à durée déterminée.
La haute juridiction avait donc, au moyen de décisions diverses prononcé l’impossibilité de requalification dès lors qu’était identifié tantôt la mauvaise fois, tantôt l’intention frauduleuse. L’arrêt du 7 mars 2012 a été l’occasion de poser un principe général et clair : dès lors que l’employeur parvient à démontrer que c’est le refus délibéré du salarié de signer son contrat qui a entraîné l’absence de signature, ce refus étant lié à sa mauvaise foi ou consécutif à une intention frauduleuse de sa part, la requalification ne sera pas encourue.
Il est ainsi clairement mis un terme à une situation qui pouvait laisser une porte ouverte au refus délibéré de signature du cdd dans le but précis d’en demander la requalification en contrat à durée indéterminée.
La question peut se poser de savoir si, en reconnaissant l’hypothèse de la mauvaise foi ou de l’intention malveillante, cette jurisprudence n’ouvre pas également la voie à un droit à réparation de la partie lésée (en l’occurrence, l’employeur)? La haute juridiction n’a pas encore eu, à notre connaissance, à se prononcer sur cette question.
Ainsi, la position jurisprudentielle se resserre mais l’exception de non-requalification pour défaut de signature du cdd demeure un domaine très délimité. La meilleure sécurité consiste encore à s’en tenir à la lettre de la loi, et à s’assurer, avant tout commencement d’exécution du contrat à durée déterminée que ce dernier a bien été signé par le salarié.