Les B52 US en Mer de Chine : Quo vadis ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 27/11/2013
Le Prix Nobel de la Paix a décidé hier d’envoyer des B52 – sans bombes à bord – histoire de faire un tour en Mer de Chine. La Mer de Chine étant en effet dans la banlieue de Washington, tout est parfait. Bon, c’est un peu plus compliqué, et voici quelques infos autour de l’archipel de Senkaku-shoto, en japonais, ou Diaoyutai, en chinois. Cette petite mise au point est nécessaire, car cet archipel va devenir le centre du monde.
Nous sommes dans la mer de Chine (qui ne s’appelle pas la mer du Japon), et l’archipel regroupe cinq îles et trois rochers inhabités. 7 km2, et aucune habitation. La Chine est à 400 km, et le Japon à 600 km.
Le Japon estime que ces îles lui appartiennent, et relèvent de la préfecture d’Okinawa. Pour la Chine, cette revendication est une usurpation.
Les enjeux
La trame est la rivalité ancestrale entre la Chine et le Japon. C’est toute l’histoire de la région, et c’est chaud depuis la nuit des temps.
Ensuite, vient le contrôle de la Mer de Chine, qui vaut de l’or dans cette zone où va se cristalliser la richesse du monde dans les cinquante prochaines années : Chine orientale, Japon, Corée du Sud, Taiwan, Philippines, Viêt-Nam… Si vous avez un ilot de souveraineté, vous pouvez dessiner autour les eaux territoriales, votre zone d’influence maritime et le contrôle du trafic sur mer…
Ajoutez que le contrôle des eaux territoriales, c’est aussi celui du plateau continental, et qu’on trouve là-bas des richesses prodigieuses en pétrole et en gaz.
Vient enfin le plus chaud, à savoir l’accord de défense entre le Japon et les US. Toute attaque des dépendances japonaises permet d’appeler l’assistance militaire des US. Pas question pour les US de faillir, car ce serait la fin de leur influence sur la grande zone Pacifique, jusqu’à l’Australie.
Ainsi, des actes de guerre chinois à propos de ces ilots japonais, appelleraient une réponse US, qui se trouverait en confrontation directe avec la Chine,… Chine qui dans dix ans aura détrôné les US comme première puissance mondiale, pour peu que les autorités de Pékin tiennent la maison…
L’histoire
Les Chinois ont découvert l’archipel au XIIIe, et s’y sont tenus jusqu’au au milieu du XIXe. En 1884, un industriel japonais s’y est installé pour exploiter les produits de la mer. En 1894, c’est la guerre sino-japonaise de 1894, conclu par le traité de Shimonoseki du 17 avril 1895, qui a attribué à Tokyo la propriété de Taïwan et « des îles en dépendant ». Le texte ne nomme pas les îles Senkaku-Diaoyu… mais c’est tout comme, tout en laissant l’ambiguïté. Les traités de fin de guerre, c’est rarement bon.
On passe ensuite à 1945, avec la défaite japonaise. Les îles sont alors placées sous le contrôle des États-Unis (Amérique du Nord). En 1969, elles sont revendiquées par la République de Chine (Taiwan), et en 1971 par la Chine, mais ce sont alors, dans le contexte de la Guerre Froide, des paroles verbales : en 1971, les îles Senkaku/Diaoyu sont restituées au Japon.
Ainsi, entre 1884 et 1969, la Chine fait peu de choses pour défendre sa souveraineté sur ces îles. Y-a-t-il eu abandon ?
On passe aux choses sérieuses avec le rachat par le Japon de trois des îles Senkaku à leur propriétaire privé japonais en septembre 2012. Le gouvernement chinois s’était alors opposé vertement, avec des manifestations antijaponaises dans le pays et le 13 septembre 2012, la Chine avait déposé auprès du Secrétaire général des Nations Unies (Convention de Montego Bay de 1982, article 16§2) le tracé des « lignes de base », à savoir les limites extérieures de la mer territoriale de Chine, incluant les îles litigieuses. C’est l’acte juridique par lequel la Chine a juridiquement revendiqué la souveraineté sur les îles Senkaku/Diaoyu, et c’est aussi le début du vrai conflit.
Et ce 23 novembre...
Accélération ce 23 novembre : la Chine a défini sa nouvelle zone de défense aérienne, qui inclut l’archipel. Les avions de ligne doivent fournir à la Chine leur plan de vol précis, afficher clairement leur nationalité et maintenir des communications radio permanentes.
C’est la grosse grosse crise. Les autorités de Tokyo ont convoqué l'ambassadeur de Chine à Tokyo, et les autorités de Pékin ont fait itou avec l'ambassadeur du Japon en poste en Chine.
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a dénoncé la décision : « Je suis très inquiet car c'est une chose très dangereuse qui peut conduire à un incident imprévisible », et le Japon a annoncé qu’il allait créer une force spéciale pour assurer la défense des îles Senkaku.
Chuck Hagel, secrétiare US à la défense, a répliqué que les îles Senkaku sont incluses dans le Traité de sécurité nippo-américain, et qu’en cas d’agression, Washington défendrait le Japon. Depuis Genève, John Kerry a dénoncé dimanche une « décision unilatérale » et averti qu' « une escalade ne fera qu'accroître le risque d'un incident ».
Le vol de B-52
En laissant deux B-52 non armés, partis de l’île de Guam, survoler la zone, sans déposer au préalable de plan de vol, les Etats-Unis veulent provoquer, à la veille de manœuvresaméricano-japonaises.
Les US qui ont perdu toutes les guerres engagées en dehors de leur frontières, et qui n’arrivent toujours pas à créer une Sécurité sociale crédible, larguent le Moyen-Orient pour tenter de dernières cartouches dans la Mer de Chine, où ils finiront de tout perdre. Ceux qui ont perdu toutes leurs guerres depuis soixante ans croient-ils s’imposer dans la Mer de Chine ? Allez…
Que sera le monde, sous le leadership de la Chine et de la Russie ? Nous verrons dans dix ans, mais pour l’instant, c’est le spectacle des dernières batailles d’un Oncle Sam qui ne vaut plus rien. Si ses dirigeants échappent à la prison – Obama comme Gbagbo – ils seront déjà bien chanceux...
La Chute, Jean-Baptiste Martin