En France on achève bien les chevaux ( négociation accords compétitivité emploi)
Actualités droit du travail, par Artemis/Velourine - Artémis, 23/02/2012
Nicolas Sarkozy a donné un délai de deux mois aux partenaires sociaux pour conclure un accord interprofessionnel sur le thème compétitivité- emploi.
La première réunion a eu lieu le 17 février dernier .
Trois nouvelles séances ont été fixées aux 20 mars, 27 mars et 13 avril.
Cet accord doit fixer le cadre général des accords d'entreprise pouvant déroger au code du travail, notamment sur la question du temps de travail et des salaires.
Chaque entreprise devrait ainsi pouvoir , par négociation avec les syndicats et/ou les salariés, faire varier salaires et temps de travail en fonction de son carnet de commandes..
Ces accords qui pourront augmenter ou diminuer le temps de travail et les salaires et qui s'imposeront aux salariés , bouleversent la hiérarchie des normes de droit du travail et disloquent complètement les garanties légales du code du travail..
L'adoption en deuxième lecture par l'assemblée nationale de l’article 40 de la loi Warsmann confirme cette évolution car il permet à un employeur de moduler à la hausse ou à la baisse le temps de travail du salarié sans son accord .( Le texte doit être examiné par le Sénat.)
Depuis des années le patronat rêve de détruire le socle protecteur du code du travail et de se rapprocher du modèle ultra libérale anglo-saxon.
Avec les accords " compétitivité emploi" le rêve devient réalité .
Je n'ose imaginer les conséquences que ces accords pourraient avoir sur les salariés les plus fragiles : les salariés ayant un bas salaire, les familles monoparentales , sans oublier les salariés qui ont des crédits et charges fixes….
Comment payer ses crédits en cas de baisse de salaire en fonction du carnet de commandes ?
Comment organiser sa vie personnelle en cas d'augmentation du temps de travail ?
Comment les familles et surtout les familles monoparentales , vont elles pouvoir organiser la garde de leurs enfants en cas de yoyo du temps de travail ..
D'une manière générale, les conséquences sur la situation familiale, personnelle et financière des salariés risquent d'être très douloureuses.
Curieusement ce sujet n'a pas fait la" Une" des médias .
Par ailleurs , le parti socialiste ,la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC restent assez peu offensifs sur le sujet. ( F. Hollande n'a jamais été hostile, bien au contraire, à ce que les accords collectifs puissent déroger au droit du travail s’ils sont soutenus par une majorité de syndicats, même dans un sens défavorables aux aux salariés.)
En revanche La CGT et FO sont opposées au principe de ces accords, qui constituent une régression sociale pour les salariés et une nouvelle entorse au Code du travail. Pour Bernard Thibault (CGT), ces accords ouvriraient la vanne de la "déréglementation du temps de travail". "On ne sera pas là pour négocier de la régression sociale", prévient Maurad Rabhi qui représente la CGT aux négociations. "A la différence du dispositif de chômage partiel, les accords de compétitivité font totalement supporter le coût de la crise au salarié", s'insurge-t-il.
Quant à Laurence Parisot , patronne du Medef, pour qui « La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail , elle se frotte les mains car elle n'a de cesse, comme ses prédecesseurs, de vouloir anéantir le socle protecteur du code du travail.
Depuis plus d'un siècle, ce sont les luttes sociales qui ont permis les progrès sociaux (congés payés, salaire minimum, salaires minima conventionnels, création des comités d’entreprise , protection des élus dans les entreprises etc…), le code du travail constituant le socle de la protection des salariés et les accords collectifs ne pouvant qu'améliorer les acquis sociaux.
Renverser la hiérarchie des normes du droit du travail et permettre la suprématie des accords d'entreprises , même si ces accords sont moins favorables aux salariés, c'est porter le dialogue social à un niveau où les acteurs de la négociation sont fortement déséquilibrés alors que le dialogue social n'est " acceptable" qu'entre négociateurs de poids égal.
Il n'y a que les juristes sans expérience de terrain qui pensent que ces accords garantiront les droits des salariés.
Sans aborder le manque de formation de nombreux représentants du personnel, la peur des licenciements économiques dans un contexte de crise , pourra les amener à signer des accords dérogatoires défavorables aux salariés sans de véritables garanties en matière de maintien de l'emploi.
Comme le note l'excellent article de Guillaume Etievant, économiste, expert auprès des Comités d’entreprise, membre de la Fondation Copernic
" Oublier le rapport de force entre les propriétaires des moyens de production et les salariés obligés de vendre leur force de travail pour vivre, c’est nier un siècle de luttes sociales et syndicales. Et c’est oublier que le rapport salarial est d’abord un rapport de dépendance."
" le patronat compte faire peser dans les négociations de réelles avancées pour les grandes organisations syndicales. Et ainsi tenter de les convaincre d’achever définitivement le processus d’inversion de la hiérarchie des normes, principale ossature de notre modèle social. La France se soumettrait alors une fois de plus à la volonté de la Commission européenne de rendre le droit du travail le moins contraignant possible pour les entreprises .
Nicolas Sarkozy, le Medef et la complicité passive du parti socialiste et de certains syndicats portent un coup décisif à notre modèle social .....
En France on achève bien les chevaux.......