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Xénophobie d’Etat en Australie

Actualités du droit - Gilles Devers, 22/10/2014

L’Australie, ce pays d’immigration, né du massacre des Aborigènes, est en...

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L’Australie, ce pays d’immigration, né du massacre des Aborigènes, est en train de basculer dans la xénophobie d’Etat la plus ignoble. A la manœuvre, le Premier ministre conservateur, Tony Abbott, reniant l’histoire de sa famille et celle de l’Australie. Des violations du droit consternantes, mais que le gouvernement revendique avec décontraction,… vu la faiblesse des procédés de droit international applicables à l’Australie.

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No way…

Dans les temps actuels, les migrants – Irak, Afghanistan, Sri Lanka – tentent leur chance par mer, avec de misérables embarcations. Ceux qui croient arriver à destination sont bloqués pour être rembarqués vers des Etats tiers : Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nauru, Manus. L’Australie les dégage et paie. Révoltant.

Ces pays, exsangues, n’ont aucune possibilité pour intégrer des réfugiés politiques. L’Australie instruit le dossier, et si elle reconnait la qualité de réfugié, elle dédommage l’Etat tiers pour que celui-ci garde le réfugié dans ses camps ! Le gouvernement travailliste avait enclenché cette pratique, et celui Tony Abbott l’a amplifiée pour la rendre radicale : impossible de s’installer en Australie, même si le statut de réfugié est reconnu.

Ces drôles de gus viennent de lancer une grande campagne de pub : « Pas question. Vous ne ferez pas de l’Australie votre maison », avec en toile de fond, un bateau sur une mer démontée, et sur le devant, un militaire qui veille : le passage est interdit. Cette campagne est diffusée en 16 langues, ciblant les pays démunis et répressifs, d’où viennent les candidats réfugiés.

En 2013, 20.000 migrants étaient parvenus à rejoindre la côte. Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Abbot, il y un an, un seul bateau y est arrivé. Un exploit, dont se vante le gouvernement : « Les règles s’appliquent à tout le monde : familles, enfants, mineurs non accompagnés, gens instruits et formés. Il n’y a aucune exception ».

Les réfugiés sous-traités au Cambodge

Pour parachever le système, le gouvernement vient de passer un accord avec le Cambodge, qui contre paiement, s’engage à recevoir des personnes auxquelles le statut de réfugiés politiques a été accordé. Une vaste fumisterie, que s’est empêché d’accepter le Cambodge, pour toucher quelques millions de dollars… L’accord prévoit que les réfugiés devront avoir trouvé une place dans la société d’ici un an, ce qui est totalement illusoire. Le Cambodge se contrefiche des réfugiés. Les autorités sont connues pour renvoyer des personnes  persécutées vers leur pays d’origine : Vietnam, Corée du Nord, Chine.

Rupert Abbott, le directeur adjoint du programme Asie-Pacifique à Amnesty est écœuré : « Cet accord place les intérêts politiques à court terme du gouvernement australien avant la protection de personnes parmi les plus vulnérables au monde, les réfugiés. Il rend le Cambodge complice des violations des droits humains commises par l’Australie et son système, gravement défaillant, de centres de traitement situés hors de son territoire.»

Le haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, Antonio Guterres, a trouvé cinq minutes pour protester : «  C’est un signe inquiétant au regard des normes internationales. En termes juridiques, cet accord est une manière pour l’Australie de se décharger de sa responsabilité envers les réfugiés ». Un peu short, Antonio…

No Way

La faiblesse des recours internationaux

Andrew Wilkie, un député indépendant australien, a fait savoir qu’il avait déposé plainte devant la Cour Pénale Internationale : « Les effets de cette politique sont que des hommes, des femmes et des enfants, sont déplacés par la force puis détenus arbitrairement parfois pour des périodes indéfinies. Les conditions qu’ils subissent pendant leur détention sont la cause de grande souffrances ainsi que de graves blessures corporelles et mentales ». Il accuse ainsi le gouvernement de violer les traités internationaux sur les droits des réfugiés, les droits de l’enfant ainsi que les droits civiques et politiques, proclamés par le Pacte de 1966.

Cette plainte, qui s’inscrit dans nombre de protestations internes, n’a aucune chance d’être retenue, car la CPI ne peut enquêter que sur des faits en lien avec un conflit armé.

Le seul recours international s’exerce devant le Comité des Droits de l’homme de l’ONU. L’Australie a été condamnée pour des faits de ce genre, survenus en 2012 (Affaire n° 2094/2011 du 26 juillet 2013, CCPR/C/108/D/2094/2011). Sous le gouvernement travailliste 37 migrants avaient été arrêtés dans ses eaux territoriales et les avait placés dans des centres de détention,… à l’époque en Australie, sans qu’il ne leur soit précisé les raisons de leur détention, la durée de la détention, et sans recours devant un juge national. Très avisés, leurs défenseurs avaient donc saisi directement le Comité, vu l’absence de voie de recours en droit interne.

Le Comité a relevé que l’Australie avait procédé à la détention arbitraire, car les migrants ont été gardés pour une durée indéterminée et injustifiée en « l’absence de raisons particulières propres à l’individu justifiant cette détention, comme un risque de fuite, le danger d’atteinte à autrui ou un risque d’acte contre la sécurité nationale ». De plus, « les migrants ont été maintenus en détention sans être informés du risque spécifique associé à chacun d’eux et des mesures prises par les autorités australiennes pour trouver des solutions qui leur permettent de recouvrer leur liberté. Ils ne bénéficiaient pas non plus des garanties juridiques qui leur auraient permis de contester leur détention de durée indéterminée.

Selon ses statuts, le Comité peut dire le droit et demander aux Etats, qui ont accepté son autorité, d’offrir aux victimes une réparation effective, et de veiller à ce que de tels faits ne se reproduisent pas.

Le gouvernement australien montre qu’il n’a rien à faire des droits fondamentaux, de son histoire et se moque de l’ONU. Les trois fautes sont aussi graves.

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