Un président n'est pas un copain !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 7/07/2015
Entre le quinquennat de Nicolas Sarkozy et les trois ans du mandat de François Hollande, il y a malheureusement une forte similitude : le président de la République n'a plus été, n'est plus une personnalité qu'on respecte.
A force de vouloir nous ressembler, et pas assez à la charge qu'on avait eu l'honneur de leur confier, l'un et l'autre ont perdu en majesté et rien gagné en humanité.
Car celle-ci, pas plus que la fraternité authentique, n'a à voir avec une familiarité fabriquée et avec une proximité insincère. Elles sont un compagnonnage authentique fondé sur la confiance qu'on a reçue et qui oblige, sur la conscience de la solitude de sa charge, de la grandeur et de l'allure qu'elle implique, de la tenue qu'elle nécessite, de la rareté qu'elle devrait imposer.
Rareté de soi d'abord qui est aux antipodes de ces tours de France de bateleurs, de ces incursions en province comme si les profondeurs de leur pays étaient à découvrir et ce dernier à parcourir et à déchiffrer comme un rébus. Ou alors ce serait à désespérer d'eux et aussi de notre choix.
Rareté de la parole présidentielle qui doit être libre, vraie, authentique et respectueuse mais qui, profuse et mécanique, deviendra forcément mensonge, manipulation et routine. Elle ne s'imprimera plus dans les esprits alors que, retenue et essentielle, elle serait attendue, presqu'espérée.
Ethique de la fonction présidentielle, avec l'acharnement de servir jusqu'à la fin de son mandat sans laisser, trop vite, trop tôt, l'ambition personnelle prendre la relève de l'exigence démocratique et le souci de la reconquête celle du devoir et de l'ascèse.
La morale, ce doit être un pour tous et non tous pour moi.
On n'a pas besoin d'un président de la République qui, après avoir tweeté puis abandonné cet exercice, s'y est remis en étant apparemment fier d'accomplir, comme tant d'autres, cette entreprise, cette dépendance de communication on ne peut plus sommaire et superficielle (JDD).
Il faudrait qu'on en soit réduit à nous émerveiller de cette banalité et de cette dégradation. Nous, qui ne sommes pas lui.
On n'a pas besoin d'un président comme tout le monde mais comme personne.
On n'a pas besoin d'un copain qui aime bien les selfies et fait de l'humour à tout bout de champ mais d'un être unique. Qu'on admire. Qui est heureusement séparé de nous. Ce n'est pas grave puisqu'il nous doit tout, et d'abord sa présidence. Sans nous, il ne serait pas là.
Mais de grâce qu'il s'éloigne un peu de nous afin qu'on puisse l'observer, l'écouter, le respecter et se féliciter de l'avoir élu.
Un président ne doit pas être un humain ordinaire, trop humain. Depuis que cette dérive, cette dénaturation ont commencé, il nous manque quelqu'un qui nous indique la bonne direction, le chemin sûr.
Des présidents qui s'obstinent à nous ressembler, c'est la démocratie qui perd sa flamme. Et nous avec elle.