Quelle est la République de Nicolas Sarkozy ?
Justice au Singulier - philippe.bilger, 7/05/2015
Le récent Bureau politique de l'UMP a validé la nouvelle appellation "Les Républicains" à la seule exception notable et intelligente d'Edouard Philippe qui s'est abstenu.
Je regrette que Xavier Bertrand qui avait suggéré un autre nom bien meilleur, "Les Populaires", ne l'ait pas suivi.
Dès que "Les Républicains" sont apparus dans l'espace politique et médiatique, à gauche, très nettement, comme à droite, sur un mode plus feutré, des oppositions se sont manifestées et si toutes méritaient l'attention, les réactions socialistes étaient gangrenées par leur évidente partialité.
Pourtant le sujet n'est pas anodin.
D'autant moins que si, pour ma part, je vais tenter d'apporter ma pierre modeste à la cause d'Alain Juppé, je suis de plus en plus inquiet sur l'issue de la primaire de 2016. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, est en position de force pour la suite et des sondages semblent mettre à mal ce qui apparaissait pour une évidence : qu'un corps électoral élargi favoriserait le maire de Bordeaux (lepoint.fr).
Unique obstacle mais de taille sur la route de celui qui aspire à revenir : la justice. Elle vient heureusement de valider les écoutes des conversations de Nicolas Sarkozy qui s'est pourvu en cassation. Sous le tintamarre corporatiste des avocats, il y a le noyau dur du réel et de la procédure.
Il est plus que jamais nécessaire de questionner la conception de la République de Nicolas Sarkozy, celle qu'il a incarnée durant cinq ans comme président et celle dont il prétend à nouveau nous faire don en 2017.
Quand, de surcroît, il est impliqué, au sens commun, dans plusieurs affaires qui pourraient permettre de douter, à leur issue, de sa qualité de républicain exemplaire.
Cette interrogation est d'autant plus légitime que Nicolas Sarkozy a mis la main et l'esprit sur le parti et que son désir affiché d'unité constitue une démarche subtile pour contraindre ses rivaux à rentrer leurs griffes et à aller ainsi inéluctablement vers une défaite dont le faux "nouveau Sarkozy" aura brillamment été l'instigateur et le bénéficiaire.
J'avoue ma stupéfaction face à l'atonie de la droite devant ces proclamations républicaines assénées sans relâche par le président de l'UMP alors qu'elle a dû constater comme, durant son quinquennat, la promesse de la République irréprochable de 2007 avait été gravement trahie et dévoyée. Notamment sur le plan de la Justice. A cause du mépris dont le corps judiciaire a été accablé et qu'en apparence, il a accepté sans frémir mais, surtout, parce que la domestication d'une magistrature choisie et privilégiée pour sa soumission a dévasté l'état de droit au-delà de tout.
J'en veux moins à la lâcheté ou à la dépendance intéressée de celle-ci qu'à celui qui a favorisé ces honteuses pratiques pour le seul souci de la sauvegarde de son pouvoir et de ses affidés douteux.
Est-ce cette République malmenée qui reviendra en majesté demain ?
Ou bien Nicolas Sarkozy a-t-il changé si radicalement que son tempérament et ses actions ne seront plus ceux d'un partisan mais d'un homme qu'on pourrait enfin respecter ?
Parce que la Justice sera encore davantage demain au coeur des attentes françaises.
Non pas seulement la justice judiciaire, notamment pénale, démolie, avec l'aval de François Hollande, par Christiane Taubira qui confond les époques et, faute de mieux, veut nous faire pleurer sur elle (lefigaro.fr), mais la justice démocratique et sereine sous l'égide de laquelle le président de la République avait placé son futur mandat en 2012.
C'est moins le problème de l'autorité de l'Etat qui est posé que celui d'une République ferme certes, mais surtout impartiale. Quand Nicolas Sarkozy, dans un procès à charge, affirme que "la République a trop cédé" (Le Figaro), il a partiellement raison seulement parce que, même de 2007 à 2012, le volontarisme des mots n'est pas toujours parvenu à dissimuler la faiblesse, les erreurs des actes ou les abstentions coupables.
Ces trois premières années du président Hollande, par rapport à la mansuétude dogmatique de la garde des Sceaux, ont tout de même, par la grâce de Bernard Cazeneuve, permis à la communauté nationale de ne pas trop rougir du ministère de l'Intérieur et donc de ses entreprises multiples.
En revanche, on n'a jamais été affronté à une République aussi vindicative, discriminante, arbitraire, partiale, à géométrie variable, dure ici, molle là, idéologique alors que le service de tous devrait exclusivement l'inspirer et la mobiliser. Ses ennemis, même les plus pacifiques, ont droit aux rigueurs extrêmes quand ses soutiens actuels ou espérés profitent de son indulgence. Une République détournée.
Il est proprement effrayant d'entendre, par exemple, le président de la République soutenir la "réforme du collège", malgré une opposition pluraliste, parce qu'elle battrait en brèche "les intérêts particuliers". Notre président cherche à imiter François Mitterrand sans le génie de celui-ci. Homme d'infinie culture, François Mitterrand n'aurait jamais eu l'idée saugrenue de nommer à l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem et, encore plus, de valider un projet aussi destructeur et absurde.
Quelle République, demain, Nicolas Sarkozy a-t-il l'ambition de présenter à la France ? Celle calamiteuse qu'il lui a infligée, celle qui ne serait que pure autorité avec un réel qui à tout instant la ferait fléchir ou une République absolument aux antipodes de celle d'aujourd'hui avec ce pouvoir qui en effet est d'abord socialiste et donc soumet l'universel à ses appétences partisanes ?
Je ne me fais aucune illusion sur le vote des militants. "Les Républicains" seront sinon plébiscités, du moins acceptés sans difficulté. Il est vrai que ce nom va représenter une forme de privatisation de cette belle notion mais le pouvoir socialiste ne cesse pas au quotidien de s'abandonner à la même dérive au nom de ses intérêts.
Ce qui m'importe est de savoir de quelle République notre prochain président sera le nom.