Le présent sportif mais le passé criminel...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 10/06/2017
Les frissons du sportif en chambre. Je n'en suis pas fier mais c'est comme ça.
Coincé devant la télévision, j'ai admiré ou souffert.
L'extraordinaire première demi-finale remportée par un inusable Wawrinka contre un inlassable Murray.
L'écrasante victoire de Nadal contre Dominic Thiem dont on attendait trop.
L'énorme bévue d'Hugo LLoris, mon sportif préféré, qui a fait perdre l'équipe de France contre celle de Suède et la classe avec laquelle le capitaine a su assumer publiquement sa responsabilité. Tout n'est pas perdu pour la France dans son groupe !
La fabuleuse irruption de la jeune Lettonne Jelena Ostapenko dans l'espace des très grandes alors qu'au deuxième set de la finale dames, menée trois à zéro, on la voyait déjà battue. Elle fera des malheurs par la suite.
Alors que dimanche le premier tour des élections législatives constituera probablement pour LREM la première étape d'un succès prévu considérable, loin de la politique je me concentrais sur ce qui durant plusieurs heures m'apparaissait comme des enjeux capitaux. Qui allait gagner, qui allait perdre ?
Soudain le climat a changé, la nostalgie m'a envahi, les crimes sont revenus à la surface. Je lisais un article sur "Trois squelettes et le fantôme d'Emile Louis" (Le Parisien). Le présent sportif a été remplacé par un passé douloureux et tragique.
J'ai été avocat général dans les deux procès d'Emile Louis dans l'affaire dite des disparues de l'Yonne. Le premier s'est déroulé à Auxerre et le second, en appel, à Paris. J'avais demandé à être également le ministère public dans celui-ci.
Condamné à perpétuité, Emile Louis l'a été à nouveau à Paris au mois de juin 2006.
Emile Louis est mort au mois d'octobre 2013 et je ne manquerai pas de décence. Mais une salacité et le vice qui ne l'avaient jamais quitté sur le plan de ses comportements sexuels ont culminé, au cours de quelques mois, dans une terrifiante série au cours de laquelle sept jeunes filles handicapées ont été assassinées par sa malfaisance et ses instincts pervers.
Seuls deux squelettes avaient été retrouvés, matérialité qui avait permis à l'accusation d'étayer et de développer son argumentation admise comme décisive.
Trois squelettes viennent à leur tour d'être découverts à Gurgy, sur les bords de l'Yonne. Emile Louis avait longtemps vécu à Seignelay, non loin de Gurgy.
Il s'agirait de jeunes corps adultes. Leurs ossements vont être expertisés mais les résultats ne seront connus que dans plusieurs semaines.
Sont-ce les ossements de jeunes filles tuées par Emile Louis ou s'agit-il, autre hypothèse, d'une sépulture médiévale ?
Je me souviens, quand enfin justice a été rendue et que les familles des victimes avaient terminé leur chemin de croix judiciaire, de mon allégresse profonde, intime, professionnelle face à cette issue de répression nécessaire et d'humanité pour les vivants meurtris.
Si ces ossements doivent être rapportés aux crimes d'Emile Louis, une joie vite dissipée par une pensée amère et sombre.
Il manquera encore deux victimes pour que la mémoire du malheur soit rassasiée.
Qui sait, un jour, sur les bords de l'Yonne ?