Comédie !
Justice au singulier - philippe.bilger, 1/09/2013
Le soufflé est retombé et la France, dans sa quotidienneté, fera les frais de ce désarmement de la démocratie. Et de cette bonne conscience destructrice.
Maintenant que les jeux sont faits, que chacun s'est dévoilé, du président au Premier ministre, du ministre de l'Intérieur au garde des Sceaux, et qu'il n'y a plus l'ombre d'un doute, de l'apparente délibération au faux arbitrage, de la gravité superficielle à la déplorable dérision, on a le droit d'avouer que le sentiment qui domine est celui d'une incroyable, d'une intolérable comédie.
On a feint de prendre au sérieux, au tragique la sécurité, les prisons, la justice mais, derrière, rien d'autre qu'une confusion où les prétendues habiletés se sont mélangées aux irresponsabilités assumées : le citoyen a été égaré et l'état ne s'est pas grandi.
Comédie que de reprocher à la droite d'hier son prétendu laxisme alors que les mêmes lui imputaient, alors, d'être seulement répressive.
Comédie qu'un président de la République et un Premier ministre cherchant par leurs mots à accréditer l'idée d'un socialisme rigoureux et ferme alors que la naïveté de Lionel Jospin pesait peu par rapport à la leur.
Comédie que la validation d'un projet de réforme, dangereux par la suppression des peines planchers qu'il décrète et superfétatoire pour le reste.
Comédie que de se dire obsédé par la prévention de la récidive comme si on faisait l'impasse sur la première infraction et que la société devait s'estimer heureuse si elle n'était pas attaquée par des récidivistes.
Comédie que de dénoncer sans cesse l'indignité matérielle et humaine des prisons mais de les laisser en l'état parce que le verbe offre l'avantage de l'humanisme mais l'action le discrédit de l'échec.
Comédie qu'un ministre de l'Intérieur se retirant sous sa tente et affichant une entente factice quand courageusement il avait mis en exergue les raisons du désastre à venir.
Comédie favorisée par les médias et reprenant la thèse du pouvoir que celle d'un combat sans perdant et d'un gouvernement sans partialité quand Christiane Taubira a écrasé à plates coutures son collègue Valls moins par l'agrément donné au projet que par la légitimation d'une philosophie pénale nocive.
Comédie que le pompeux entretien où le ministre de la Justice reproche à la droite son vocabulaire, exploite avec démagogie le filon du socialisme d'un autre âge et nous prépare des lendemains qui ne chanteront pas avec un cynisme que son oralité noble s'efforce de rendre grandiose (Le Monde).
Comédie que de chercher à nous persuader que l'étiquette compte plus que le contenu et que la réalité n'existera plus ou sera sans conséquence parce que la gauche y aura mis son label. Comme si l'idéologie se faisait fort de fabriquer le réel alors que le salut réside seulement dans la volonté de tirer modestement les leçons de celui-ci et d'y adapter la cohérence et l'efficacité d'une politique.
Comédie que de se mentir en proclamant un optimisme de façade quand il n'est pas un responsable socialiste qui ignore ce qui va se produire après la simple annonce d'une mansuétude aussi caricaturale. Le FN n'aura même plus besoin de fondre sur sa proie. Puisque celle-ci vient avec imprudence le chatouiller si près qu'elle est déjà perdue avant l'heure. Nicolas Sarkozy flattait, François Hollande provoque : dans les deux cas, la sécurité est dévoyée et la justice dénaturée.
Comédie que ces honteuses prestations à La Rochelle, à l'Elysée ou ailleurs où le souci des Français à l'évidence comptent moins que les chapelles, les clans et les côteries.
Comédie encore que Jean-Marc Ayrault se rengorgeant parce qu'il n'y aurait qu'une ligne au gouvernement mais révélant le fond de sa pensée grâce à une erreur qui lui donne raison.
Il proclame la vérité de ce pouvoir, en effet, puisque le Premier ministre avoue ingénument qu'il dirige "les angéliques et les laxistes" (Le Parisien).
Bien dit.