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La France de la radio

Justice au Singulier - philippe.bilger, 2/01/2016

La France de la radio déteste la mauvaise foi. La France aussi.

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Le 1er janvier, entre 10h et 10h45, j'ai participé au Grand direct de l'actu sur Europe 1.

L'émission était animée par Thomas Joubert que j'ai découvert avec plaisir alors que j'avais l'habitude d'être questionné par l'excellent Jean-Marc Morandini.

Je me suis retrouvé face à Bruno Roger-Petit et nous avions à débattre des voeux du président de la République.

J'apprécie Europe 1 et il serait indécent de ma part d'occulter le fait que des invitations régulières sur cette radio et ma participation dominicale, pour un parti pris, au journal très écouté de Patrick Roger n'ont pas été pour rien dans l'expression de ce sentiment très favorable.

Mais il y a davantage qui relève de la France de la radio en général et de ce que mon expérience a pu recueillir à la suite de plusieurs interventions d'auditeurs au cours du Grand direct de l'actu.

Le discours de François Hollande, dans sa forme, était impeccable et son fond, avec les passages obligés, traitait de ce qui, durant l'année écoulée, avait assombri la France et de ce qui, selon lui, était susceptible de la faire espérer pour 2016.

Des réactions ont été virulentes en qualifiant François Hollande de "comédien" et en dénonçant son échec et son incompétence dans le domaine économique et financier ou pour la réduction du chômage.

Ce qui était central tenait à l'accusation, depuis son élection, de ne prodiguer que des mots jamais suivis d'actes. Ce grief est fondamental qui frappe de caducité les meilleures intentions du monde en les jugeant par avance de la poudre aux yeux démocratique.

Même ce qui avait semblé s'avancer plus avant dans le concret - apprentissage, formation des chômeurs, réforme du contrat de travail, croissance verte - n'avait pas convaincu. François Hollande, malgré une posture présidentielle que le temps et les tragédies ont rendue plus authentique, plus plausible, est toujours perçu d'abord comme un homme qui parle de ce qu'il projette, mais ne l'accomplira pas.

En même temps - j'ai aimé que cette France d'Europe 1, durant 45 minutes, offre un pluralisme républicain -, sans être forcément enthousiastes du bilan de François Hollande, certains sont venus apporter leur soutien au président en considérant qu'on était injuste avec lui, qu'il ne déméritait pas et que ses adversaires de droite, au pouvoir, ne feraient pas mieux que lui. Derrière ce désir de retenue et d'équilibre, il n'y avait nulle condescendance ni mépris mais seulement l'affirmation d'une équité nécessaire.

Dans tel ou tel propos, on percevait le danger d'un pays en état de doute et de malaise. L'enfermement dans des dénonciations catégorielles, la focalisation sur sa seule malheureuse ou difficile quotidienneté sans avoir l'envie d'aller au-delà et de ne pas faire confondre automatiquement son sort déprimant avec le destin collectif de la France.

Si l'esprit était parfois partisan, on sentait, derrière la controverse politique, une aspiration à ne pas laisser la France sombrer dans un pessimisme absolu. En rappelant ses forces, ses succès, sa capacité de rebond. La France comme un verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.

Une auditrice très fine a mis l'accent sur ce qui sans doute fait le plus défaut aujourd'hui à notre pays : une ligne directrice, une vision à long terme, sous le désordre conjoncturel une cohérence et une lucidité ayant du souffle et de l'anticipation.

Nicolas Sarkozy et François Hollande, aussi contrastés qu'ils soient, nous ont engagés sur la voie d'une déperdition intellectuelle dans l'exercice du pouvoir et, confrontés à des crises financières ou à des malfaisances terroristes, n'ont su qu'écoper sans inventer.

La nostalgie est un sentiment dont le président de la République, dans ses voeux, a cherché à nous détourner. Comment ne serait-elle pas en permanence dans nos têtes, dans nos mémoires, dans nos espérances, rien que pour montrer à celles-ci qu'il y avait un temps pour être plus fier qu'aujourd'hui ?

De ce grand direct de l'actu, de cette France de la radio, un autre enseignement essentiel est à retirer. La politique, les convictions, la défense de son camp n'imposent ni la haine des personnalités ni l'absurdité des outrances et des oppositions. La droite qui aspire à revenir pour une session de rattrapage en 2017 ne doit pas se leurrer : se moquer du président - par exemple, qui peut encore le croire sur le chômage (Le figaro.fr) ? - peut sembler de bonne guerre mais le citoyen n'oublie pas que sur ce plan le quinquennat précédent a aussi failli et qu'en 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé qu'il ne se représenterait pas si le chômage dépassait 5% ! On connaît la suite.

La seule manière pour elle de retrouver l'oreille et la confiance de la communauté nationale est de voter sans tergiverser ce qu'elle a toujours projeté, par exemple la déchéance de nationalité telle qu'elle sera envisagée constitutionnellement.

En contredisant les manoeuvres s'il y en a, par la rectitude de choix clairs et d'adhésions logiques.

La France de la radio déteste la mauvaise foi.

La France aussi.


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