L’histoire pas banale d’un enfant acheté
Actualités du droit - Gilles Devers, 11/09/2014
C’est l’histoire pas banale d’un enfant acheté. Acheté via un vrai trafic, dans la communauté rom : la mère – déjà six enfants – ne voulait pas de cette nouvelle naissance, et des mafieux ont cherché des acheteurs. Un jeune couple – 26 et 27 ans – qui ne parvenait pas à avoir d’enfant, a réuni le prix – plusieurs milliers d’euros – et a récupéré l’enfant dès sa naissance, en mai 2013 à Marseille. Un bon marché, une nouvelle famille qui se construit,… mais pas d’état civil.
L’affaire est venue aux oreilles de la police, et en septembre, les deux intermédiaires ont été émis en examen pour « traite d’être humain » et écroué. Le couple, résidant alors en Meurthe-et-Moselle, a lui aussi été mis en examen, mais laissé en liberté sous contrôle judiciaire.
Que faire de l’enfant ? Une décision qui relève du juge pour enfants, et le seul critère doit être celui de l’intérêt de l’enfant.
Difficile de le remettre à la mère biologique, qui avait été capable de le vendre… Alors, et c’est en pratique la seule solution, le bébé a été placé par le juge dans une pouponnière de Nancy. Mais là, rien n’allait plus comme l’explique mon excellente consœur Maître Caroline Depretz.: « L’enfant, qui était jusqu’alors vif et éveillé, a rapidement dépéri. Il s’est tellement renfermé que les services sociaux ont craint que cela ne touche son développement psychomoteur ».
Début juillet, un juge des enfants de Nancy a accordé aux parents acheteurs un droit de visite, qui s’est révélé très positif pour l’enfant, et fin août, le juge a décidé d’un placement de l’enfant auprès de ce couple. Cette décision ne donne pas à l’enfant le statut d’adopté, décision qui relève d’une autre procédure et d’un autre juge, et elle ne fait pas disparaitre les poursuites pénales. L’enfant avait vécu le retrait de « sa » famille comme un abandon : « L’intérêt de l’enfant a primé, la décision du juge est particulièrement courageuse», ajoute notre amie Caroline. De ce que je lis, le Parquet n’a pas fait appel.
Le couple indique qu’il va maintenant demander l’adoption. Vis-à-vis de l’enfant qui n’a rien demandé à personne, mais qui a rejoint notre communauté des vivants, comment pourra-ton refuser de lui donner un statut légal d’enfant adopté, dès lors qu’il vit avec les parents qui font son bonheur ? Un bonheur qui est passé par des intermédiaires crapules et la commission de l’infraction grave de traite d’être humain. Pas simple…