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mineurs étrangers isolé : un pas en avant ou un pas de travers ? (511)

Droits des enfants - jprosen, 27/01/2013

Pour important qu’il soit par ses conséquences sur les règles de la filiation dans ce pays (conf. mes nombreux papiers) le débat sur le mariage pour les couples homosexuels, ne doit pas empêcher de suivre les nombreux autres dossiers qui … Continuer la lecture

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Pour important qu’il soit par ses conséquences sur les règles de la filiation dans ce pays (conf. mes nombreux papiers) le débat sur le mariage pour les couples homosexuels, ne doit pas empêcher de suivre les nombreux autres dossiers qui concernent les enfants de France.

L’un d’eux, celui des enfants étrangers non accompagnés ou isolés en France, ouvert depuis des années, mérite une nouvelle fois qu’on s’y penche dans la mesure où la Chancellerie s’apprête à apporter des réponses qui, pour partir de bonnes intentions et comporter des avancées,  ne répondent pas au problème posé : garantir les droits des enfants.

Elles s’éloignent par ailleurs sensiblement des Recommandations avancées le 19 novembre dernier par Dominique Baudis, Défenseur des droits qui s’appuyant sur les travaux de Dominique Versini alors Défenseure des enfants (2008), sur les travaux des associations et praticiens et sur ses propres observations a le souci d’une prise en compte réelle de l’intérêt supérieur de l’enfant comme le veut la Convention internationale sur les droits de l’enfant et son article 3 reconnu directement applicable en France par le Conseil d’Etat.

Pour ceux qui abordent pour la première fois ce sujet ou n’en sont pas familiers, quelques données de base doivent être avancées avant de « critiquer » la position à venir de la Chancellerie.

Depuis une bonne quinzaine d’années la France accueille nombre de jeunes personnes – 6000 environ par an -  qui se présentent à ses frontières comme  âgées de moins de 18 ans et comme isolées. Elles demandent protection. Parfois – environ dans 10 cas sur 100 – du fait de persécutions politiques ou communautaires, le plus souvent, tout simplement, elles viennent vers nous pour se former et travailler afin de faire vivre leur famille. Bien sûr, la France n’est pas la seule confrontée à ce problème. Il s’agit d’une question posée à la plupart des pays européens, mais aussi que l’on retrouve en Amérique du Nord ou en Australie. Ces jeunes, la plupart sont des garçons,  ne sont pas toujours isolés en France ; plus préoccupants ils ne sont pas toujours mineurs d’âge malgré les papiers qu’ils peuvent avancer … quand ils sont des documents sur eux.

Leur prise en charge est à la fois simple et source de multiples problèmes.

Ils ne posent quasiment aucun problème de comportement tellement ils sont soucieux d’apprendre. Ceux qui sont venus chercher refuge en France peuvent avoir besoin d’un soutien psychologique au regard des violences supportées chez eux par eux-mêmes ou leurs proches ; tous sont transplantés d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre et privés de leur proches souvent brutalement même si le moyens modernes de communications peuvent réduire cet isolement.

Mais ont-ils conscience des problèmes qu’ils posent à la patrie des droits de l’homme, quatrième ou cinquième puissance économique mondiale. ?

Déjà et fondamentalement leur prise en charge pèse lourd, trop lourd sur les budgets sociaux des conseils généraux appelés essentiellement à les supporter. Parfois 15% du budget ASE de certains départements y est consacré. Pour autant au plan  national tout cela – 300 millions au plus – n’est rien au regard des 6, 300 milliards d’euros de la protection sociale de l’enfance.

Les quelques départements qui assument la majorité de ces jeunes ont un double sentiment d’injustice : l’Etat ne les aide pas sur cette charge spécifique – par-delà la Dotation Générale de Fonctionnement qu'il leur verse - et les autres départements ne leur manifestent pas, c’est le moins que l’on puisse dire, de vraie solidarité par-delà des félicitations de principe.

Les travailleurs sociaux de terrain sont déroutés eux qui avaient été formés à la pratique systémique et au travail sur la relations parents-enfants puisqu’il n’y a quasiment pas de parents présents ou facilement joignables. Et puis tous ne parlent pas dans le texte le tamoul, le mandarin, le penjâbi, etc. et ne maîtrisent pas le code des étrangers et les relations avec les ambassades. Ces professionnels appellent les politiques à un dispositif spécialisé qui leur répondent que s’il faut prendre en compte les données spécifiques de ces jeunes il est hors de question de monter un dispositif spécifique qui ferait régresser la protection de l’enfance.

En arrière-fond bien évidemment le sentiment que certaines de ces jeunes étrangers et ceux qui les guident abusent des lois de notre pays. Ils profitent du fait qu’un mineur est inexpulsable par la France et qu’un enfant isolé y est tenu pour être en danger, donc relever d’un dispositif performant d’accueil et de suivi. Les familles d’origine, avec l’aide des passeurs, attendent de la France qu’elle nourrisse leurs enfants, qu’elle les forme et qu’elle permette à terme à la famille de survivre ! Laissons de côté le débat sur les filières qui se repaissent de cette souffrance et font payer fort cher et sous la menace, le prix du ticket vers la survie. On n’est pas loin du débat sur la traite.

Bien sûr tout cela serait supportable si en plus il n’y avait une partie de ces prétendus mineurs qui ne le sont pas et le sentiment d’avoir à faire avec des personnes qui forcent, sinon fraudent, notre dispositif lui-même déjà en difficulté pour faire face à ses obligations pour les enfants de France.

Bref, de longue date une tension majeure a été relevée autour des mineurs étrangers non accompagnés. Malaise accentué par le fait que l’Etat s’est refusé jusqu’ici à assumer ses responsabilités à la fois comme acteur de la protection de l’enfance alors même qu’il ne se croise pas les bras, mais aussi comme régulateur national et comme responsable au regard de l’étranger de ce dispositif.

En septembre 2011 le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, devenu depuis président de l’Assemblée nationale, a mis le feu à la prairie en refusant d’exécuter les décisions des juges des enfants et des procureurs qui lui confiaient des MIE. Il a délibérément décidé de violer la loi. Après deux mois tendus, un accord a été passé entre le ministre de la justice et le conseil général du 93 pour éteindre l’incendie : outre le financement de la plateforme locale d’évaluation des MIE, l’Etat à travers le parquet de Bobigny veillerait à ce que la majorité des 500 enfants jusqu’ici pris en charge chaque année soient orientés, d’entrée de jeu, vers d’autres départements (les 22 distants de moins de 200 km de Paris) sans passer par le bureau du juge. Tels des paquets, munis d’une décision du parquet de Bobigny, les jeunes tenus pour mineurs – par une association privée - sont donc conduits par un transporteur affrété par la Croix Rouge qui a passé convention avec le conseil général. Le parquet de Bobigny transmet au parquet du lieu d’arrivée qui devient compétent dès lors que l’enfant est sur place ! Le tour de passe-passe est joué : le tribunal pour enfants de Bobigny et la Seine-Saint Denis sont contournés.

Les conseils généraux des lieux d’orientation ont généralement mal pris cette démarche non concertée avec eux – doux euphémisme- ; certains ont pris des arrêtés refusant tout accueil de ce style ; d’autres ont veillé à ce que les enfants repartent immédiatement. Le contentieux se développe. La cour de cassation est saisie.

Le feu a été éteint à Bobigny en novembre-décembre 2011, mais le problème national n’a pas été réglé.

Nous sommes plus d’un an après. La majorité nationale a changé ; le problème persiste. Il s’est même aggravé. Les refus de prises en charge se multiplient un peu partout – conf. la Somme, l’Essonne -, les jeunes sont l’objet de partie de ping-pong entre platformes, par exemple entre Paris et Bobigny. Plus grave, la machine a fabriquer de la clandestinité a redémarré. A terme les jeunes concernés qui n’ont pas intégré le dispositif basculeront dans des vies marginales et pourquoi pas dans la délinquance.

La Chancellerie, après avoir rétabli les liens avec l’ADF représentant tous les conseils généraux et les associations, entend que l’Etat assume ses responsabilités et dans le respect du droit commun – et elle doit ici être approuvée – en s’orientant vers un dispositif national qui veillerait à identifier les structures disponibles pouvant accueillir ces enfants et à leur mobilisation. L’Etat aiderait au financement des structures ou dispositifs d’évaluation et à l’accueil des premiers jours de mise en protection. Bravo encore.

En revanche, elle inquiète si, comme le ruit circule,  elle entend  faire des parquets le dispositif décisionnaire pour la justice. Le procureur de la République a certes les mêmes pouvoirs que le juge des enfants quand il s’agit de protéger des enfants en danger, mais il s‘agit là d’un pouvoir exceptionnel qui ne saurait devenir d’un usage courant. En effet le procureur travaille au téléphone, il ne reçoit pas le jeune, il motive rarement ses décisions lesquelles ne sont pas susceptibles de recours. Comme l’avance le Défenseur des droits, c’est au juge des enfants de recevoir dans les meilleurs délais le jeune concerné, de vérifier sa minorité et son isolement, de le faire prendre en charge au-delà des 5 jours d’accueil provisoire et de veiller à son orientation. J’ajoute, pour l’approuver, qu'il pourra s’appuyer sur le dispositif national de régulation et de répartition entre départements que la Chancellerie s’apprête à mettre en place, quand tel n'est pas le cas aujourd'hui aujourd’hui. Il jouera son rôle de le magistrat de référence et pourra décharger son ASE locale si nécessaire.

Plus généralement qui appréciera la minorité contestée : un magistrat ou une association ? Si une jeune personne est renvoyée de la prise en charge initiale pour n’être pas mineure ou n’être pas isolée ou en danger, qui l’informera sur les recours qui lui sont ouverts ? Quelle information lui sera donnée ? Quels avocats viendront le défendre comme cela se doit dans un pays comme le notre sachant par exemple que la question de la preuve de la minorité est délicate. Là encore, à juste titre, le Défenseur des droits rappelle que les tests osseux ne peuvent pas à eux seuls faire la preuve. Quand des papiers existent venant du pays d’origine seules les autorités compétentes doivent fournir une expertise sur leur authenticité. Et puis il est d’autres critères comme l’apparence physique, mais surtout le comportement de la jeune personne qui sur la durée ne trompent pas quant à la minorité.

En d’autres termes, la Chancellerie doit être saluée pour s’être enfin saisie du dossier quand ses prédécesseurs avaient joué à « Courage fuyons ! ». Elle répond aux attentes des départements  quand elle vise à une péréquation nationale des prises en charge. Elle s’apprête elle-même à faire un effort en mettant la main au pot. Pour autant elle se doit pour répondre à la demande des praticiens et du Défenseur des droits de mettre en place un système qui ne prenne pas seulement en compte les droits des institutions, mais ceux des enfants : ces jeunes transplantés en France doivent être reçus, mis à l’abri, entendus avec les moyens adaptés (en première intention par des travailleurs sociaux et non pas par des policiers), ils doivent être informés des décisions prises et des recours, pouvoir les contester avec l'aide d'avocats, et savoir quelles pistes peuvent s’ouvrir à quelles échéances et à quelles conditions. Tout particulièrement aucune orientation ne doit être prise sans audition, du jeune éventuellement assisté de la personne de son choix ou d'un avocat. On  expédie un colis, mais on doit échanger avec un jeune !

Il faut aussi que l’Etat engage un vrai débat avec les départements de France sur le devenir de ces jeunes appelés pour la grande majorité d’entre eux à rester en France. Nous avons d’ailleurs obtenu sur ces 15 ans de remarquables succès : beaucoup de jeunes se sont insérés en France ... au bénéfice de la France. Spécialement il faut travailler sur la possibilité pour ces jeunes qui n’auront pas terminé leur études à 18 ans en tous cas qui n’auront pas d’emploi à leur majorité de bénéficier de prise ne charge jeunes majeurs. C’est leur intérêt, c’est le nôtre ; sinon on se tire d’entrée de jeu une balle dans le pied et on confine au summum de l’hypocrisie.

Nous nous apprêtons à franchir un pas intéressant, veillons à ce pas ne soit pas de travers car le dossier ne ferait alors que rebondir.

Voir le dossier MIE dans le JDJ 321 de janvier 2013 : http://www.droitdesjeunes.com/sommaires/jdj_sommaire.php?num=321


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