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Marine Le Pen et les journalistes

Justice au singulier - philippe.bilger, 24/09/2014

LCI est dans la tête de beaucoup de ses fidèles en cette période sombre pour cette remarquable chaîne d'information continue. Qui va mourir. Dimanche soir alors, presque comme un chant du cygne.

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Marine Le Pen a du talent dans une classe politique qui en manque.

Elle n'est pas seule. Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira et Nicolas Sarkozy, par exemple, n'en sont pas dénués non plus.

Alors qu'on ne cesse de s'interroger sur la manière de réduire l'ampleur du Front national, ce qui paradoxalement le remet au centre du jeu et donne l'impression que ses adversaires n'ont rien à proposer par eux-mêmes mais tout à attendre de leur dénonciation, on sait mieux médiatiquement comment il faut procéder.

Le Grand Jury RTL-le Figaro est un rendez-vous qui s'impose sur LCI, chaque dimanche à partir de 18 heures 30. Peu de temps avant l'intervention de Nicolas Sarkozy sur France 2 avec le suave Laurent Delahousse comme questionneur, j'ai été passionné par les échanges entre Marine Le Pen l'invitée et les journalistes Jérôme Chapuis, Eric Revel et Alexis Brézet.

A l'issue de cette émission, je me suis demandé pourquoi les deux derniers avaient été bien meilleurs que le premier. Sans difficulté particulière et avec courtoisie, ils avaient montré les faiblesses, les lacunes, l'imprécision, et sur certains points l'amateurisme de la présidente du FN.

Je ne crois pas offenser Alexis Brézet en le qualifiant de droite et Eric Revel, s'il a déclaré un jour que LCI n'était pas "une chaîne de droite", ne me semble tout de même pas proche de la gauche pour ses domaines de prédilection.

Quant à Jérôme Chapuis, je ne sais s'il est de gauche mais je suis persuadé qu'il a en tout cas pour ambition constante de nous démontrer qu'il n'est pas de droite. Et qu'il a une forte antipathie intellectuelle et idéologique à l'encontre du FN en désirant surtout qu'aucun téléspectateur ne puisse l'ignorer.

Pourquoi cette manière ostensible de songer moins à son interlocutrice qu'à l'impression qu'il cherche à donner de lui-même, est-elle contre-productive ? Parce que, tout simplement, l'essentiel de son énergie est concentré sur la réprobation morale souvent mal déguisée en interrogations politiques et qu'il manque de souffle, de travail, d'objectivité pour le reste qui est pourtant capital. Ne pas apprécier Marine Le Pen n'est pas gênant pour elle : elle y est habituée.

Ce qui en revanche la déstabilise, c'est une forme de politesse pugnace, curieuse et compétente. Les deux journalistes "de droite" ont su user à la perfection de cette démarche qui n'est pas qu'une affaire de verbe et d'apparence mais surtout de technique et d'approfondissement.

Trop de journalistes, face à Marine Le Pen, se dispensent d'urbanité médiatique, d'intelligence critique et de conscience professionnelle parce qu'ils estiment que l'hostilité qui s'affiche sur leur visage est suffisante pour les placer sur le pavois de leurs confrères. Confondant leur tâche avec leurs états d'âme, ils facilitent grandement les répliques de Marine Le Pen qui n'est jamais plus à l'aise que face à un rejet de principe.

Marine Le Pen confrontée aux duettistes Revel et Brézet a été limitée, maladroite, un tantinet exaspérée par une multitude de détails qui étaient exigés d'elle et qu'elle jugeait superflus. On avait le front d'exiger d'elle le mode d'emploi !

Alors qu'elle prétendait s'abandonner à des généralités, ils avaient le culot de la ramener vers sa politique et ses projets. Elle comprenait qu'elle perdait au change et cela se sentait.

Les médias de droite sont souvent plus convaincants, et leur approche plus fiable, parce que l'éthique n'est pas leur béquille.

LCI est dans la tête de beaucoup de ses fidèles en cette période sombre pour cette remarquable chaîne d'information continue. Qui va mourir.

Dimanche soir alors, presque comme un chant du cygne.


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