Gifle, maire et autorité sur enfant (454)
Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 17/02/2012
La condamnation du maire de Cousolre (Nord) par le tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe à 1000 euros d’amende avec sursis et à 250 euros de dommages et interêts pour avoir giflé un adolescent qui lui avait manqué de respect et menacé fait débat sachant qu'au départ de cette malheuresuse histoire il est un ballon classiquement envoyé par-delà un grillage par un footballeur en herbe maladroit.
Hier sur France 2 cet édile déclarait comprendre les poursuites , mais avoir été dérouté – et honnêtement je l’avais été également – par un réquisitoire du procureur d’une extrême violence à son égard. Il ets de fait que l’on doit attendre encore plus que d’autre d’un élu qu’il garde son sans froid et qu’il montre l’exemple. La violence n’est pas la réponse à une insulte, une menace, un manque de respect. Seule la légitime défense justifie que l’on réplique à la violence par la violence et encore doit-elle être proportionnée.
Aujourd’hui, la sanction même symbolique apparait déplacée au maire de Cousolre étant observé que le jeune a été pour sa part condamné par le tribunal pour enfants à 250 euros d'amende pour rebellion et outrage ( Le Monde du 18 février 2012)..
Comme on pouvait s’y attendre (conf. mon post d’hier), l’affaire donne prétexte à certains – la longue séquence dans le journal de France 2 de ce soir de relancer le débat sur l’autorité à l’égard des enfants. Celle des maires bien sûr, mais encore celle de tous les adultes dont les professionnels enseignants et policiers en situation d’autorité à l’égard des enfants (1) et déjà tout simplement celle des parents
En avril dernier une campagne était engagée par la Fondation pour l’enfance pour en terminer avec la pratique de gifle et la fessée à l’encontre des enfants. Malgré sa qualité, au mieux elle avait fait une nouvelle fois sourire, au pire elle était apparue totalement inadaptée quand il faut au contraire nous dit-on asseoir l’autorité des parents sur les enfants. En tous cas elle n’avait pas fait bouger les lignes.
80% des français revendiquent sans, état d’âme d’avoir pratiqué la fessée et 60 % estiment que cela a été une bonne chose. Sans avoir besoin de s’appuyer de grandes recherches scientifiques on peut constater que cette pratique s’estompe à défaut de disparaitre.
La plupart des adeptes des châtiments corpoprels se réfèrent à leur propre expérience d’enfants : « Une gifle n’a jamais fait de mal à personne et j’en ai reçu quand j’étais jeune et je ne suis pas mort ! «. Cela suffit-il à légitimer qu’on poursuive avec ces pratiques d’une autre époque ?
Disons –le tout net : le plus souvent ces parents qui pratiquent la fessée ou la gifle ne sont pas de parents maltraitants. Pour autant ont raison ceux qui affirment que poser l’interdit de la violence physique aux enfants contribuera à délégitimer ces «abus de violence « que sont les actes de maltraitance. Surtout il faut que nous progressions encore collectivement dans cette idée que l’on peut exercer de l’autorité sur un enfant sans recourir de la violence physique à son égard.
J’ai déjà témoigné ici combien des parents issus de l’immigration africaine ou haïtienne sont convaincus de n’avoir plus d’autorité sur leurs enfants en France car ils se voient dénier le droit de les corriger.
Tous les pédagogues et psychologues le disent et l’affirment : la fessée et la gifle sont l’arme d’adultes en situation de faiblesse qui croient que ce passage à l’acte est de nature à souffler la flamme de l’opposition infantile ; en fait, ils se font du bien pour dépasser leur colère ou gérer leur angoisse d’adultes mais ils ne règlent aucun problème. Au mieux, cette séquence violente va ouvrir une nouvelle séquence qui inéluctablement sera celle du dialogue.
Heureusement même les pratiquants de la gifle et de la fessée l’admettent. Chacun est effectivement conscient qu’on ne peut pas revenir au droit de correction paternel de jadis ; comme l’on est conscient de l’inanité de l’interdit d’interdire soixante-huitard ! Un autre équilibre doit s’installer. L’autorité peut et doit s’exercer sans violence.
Observons que nos voisins européens qui abrogent les châtiments corporels ne gèrent pas moins mal que nous le débat relatif à l’autorité nécessaire aux enfants pour les structurer
La campagne de la Fondation s’inscrit dans un programme engagé par le Conseil de l’Europe – pas moins ! – pour en terminer avec les châtiments corporels sur le continent. Je rappellerai pour la n° ième fois ici que Mme Morano alors ministre de la famille et présidente en exercice du conseil européen des ministres de la famille, a signé le 10 septembre 2008 à Stockholm l’appel du Conseil de l’Europe pour l’abrogation des châtiments corporels. Le jour même 17 ministres européens et la reine de Suède lui ont emboité le pas.
Mme Nadine Morano, ministre de la famille a relativisé son geste dès qu’elle est arrivée en France. La ministre s’est en effet demandé comment assumer le débat sur l’autorité en étant en phase avec ses collègues de l’intérieur et de la justice en abrogeant la fessée ? Mme Morano était inquiète de délégitimer les parents dans leur autorité sur leurs enfants quand trop associé délinquance à démission des parents L’équation lui est apparue insoluble en remettant le pied sur la terre de France alors même qu’il lui eut suffit d’affirmer que l’autorité parentale moderne est d’abord morale et c’est bien parce qu’elle a été réaffirmée que ceux des enfants qui la négligent devront rendre des comptes.
La France semble avoir oublié le geste politique posé par son ministre en exercice qui ne s’est pas vanté de son geste lors des Etats généraux de l’enfance consacré à la protection des enfants. Il faudra bien demain l’interroger sur la suite que la France entend donner à cet engagement politique. Mme Edwige Antier, pédiatre et député UMP de Paris, a déposé une proposition de loi pour condamner les châtiments corporels; elle n’a pas été programmée durant le quinquennat qui s’achève.
A défaut d’initiative publique la parole de la France à l’étranger ne vaudrait pas grand-chose.
Sur un sujet comme celu –ci il faut quitter l’émotionnel et le Café du commerce.
Puissance paternelle, autorité parentale, responsabilité parentale
Un peu d’histoire ne nuit jamais. Ici aussi le passé éclaire pour expliquer les enjeux modernes. Il n’est donc pas inutile de rappeler que jusqu’au 4° siècle, sous nos cieux, le père disposait d’un pouvoir de vie et de mort hérité des romains sur son enfant. Elever un enfant signifiait qu’on le montait à bout de bras au peuple des amis et proches pour signifier qu’on le faisait sien et qu’on s’en occuperait. A défaut s’il restait au sol, il était voué à mourir. Les parents disposaient donc d’un pouvoir discrétionnaire sur l’enfant avant que petit à petit l’Etat – en l’espèce la Royauté, ne vienne cantonner cette puissance paternelle en offrant son aide notamment au parent confronté à un enfant récalcitrant. L’enfance s’achevait à 25 ans pour les filles et à 30 ans pour les garçons ce qui compte tenu de l’espérance de vie laissait peu de possibilité pour l’enfant d’être autonome si ses parents étaient en vie. Le roi a tenté de montrer à ses ouailles l’intérêt qu’ils trouveraient à lui obéir et à reconnaitre sa légitimité sur eux.
Au milieu du 17° siècle, le roi de France qui était donc en affirmation d‘autorité sur ses sujets en vint même à leur faire une offre de services finalement aux accents très marxiste. Il proposait des réponses en phase avec l’origine sociale de la famille. Aux galères les enfants de la plèbe, aux colonies les fils de » bourgeois et au couvent ou à la bastille les fils de nobles !
Il a fallu attendre 1958 – et le retour de Charles de Gaulle au pouvoir dans un autre moment clé de l’histoire de France - pour que l’on passe de la puissance paternelle et au droit de correction qui en découlait à l’autorité parentale qui, non seulement associe les deux parents, mais finalise cette autorité : elle n’est confiée au parent ou tuteur que pour veiller sur la santé, la bonne hygiène, la sécurité et éducation à l’enfant. Le rapport parents-enfant ne définit plus à travers un pouvoir des uns sur l’autre. Surtout, devenue fonction sociale l’autorité parentale plus que jamais relève du contrôle sociétal.
Certes les parents se voient reconnaitre un pouvoir de coercition sur leur enfant, non pas parce qu’ils sont propriétaire de leur enfant – l’enfant personne n’appartient à personne sinon à lui-même ! -, mais pour etre au service de l’objectif de protection et d’éducation qui leur est assigné.
Les violences légères comme la fessée et la gifle sont alors tolérées par la loi de la part des parents – et d’eux seuls, pas des enseignants ou des travailleurs sociaux - dès lors qu’il n’en résulte pas de trace.
On s’interroge même aujourd’hui dans la foulée du Conseil de l’Europe s’il ne faudrait pas abolir carrément les châtiments corporels survivance d’un temps passé.
Les résistances sont évidentes chez ceux qui pensent qu’il ne peut pas y avoir autorité sans violence. Ce ne sont pas seulement certains des Maliens de France ou des Haïtiens qui développent ce discours liant autorité et violence, mais des «bourgeois » bien de chez nous.
En adoptant en 1990 les termes de la convention internationale des droits de l’enfant le gouvernement de l’époque, sous la présidence de François Mitterrand, s’est demandé s’il ne fallait pas passer dans notre droit du concept d’autorité parentale à celui de responsabilité parentale avec le souci, plus que jamais, d’affirmer que la fonction parentale était moins un pouvoir sur le corps ou l’âme de l’enfant qu’un engagement dont d’ailleurs on devait rendre des comptes.
On y renonça car il répugnait à un gouvernement de Gauche de laisser penser que les parents ne disposeraient plus explicitement plus de l’autorité même s‘il allait de soi qu’on ne peut pas avoir de responsabilité sans les pouvoirs liés à leur exercice.
Identifier publiquement qui doit faire quoi pour l’enfant ?
En tout cas, plus que jamais dans la famille comme dans l’ensemble du champ social la première des questions est bien celle d’identifier qui a vocation à exercer de l’autorité. Il s’agit déjà de le dire dans les lois applicables, loi de la République ou loi familiale, ce qui n’est pas aussi évident qu’il y parait.
Observons les difficultés sur l’ensemble de l’échiquier politique depuis 15 ans de gérer la question de l’autorité au sein de la famille recomposée. Qui exerce l’autorité parentale entre les parents biologiques et les beaux parents. Le vide actuel permet à nombre d’enfants et d’adolescent de dire à leur beau père ou à la belle – mère « Qui tu es toi pour me commander ? ». La peur est réelle en instituant les beaux pères de désinvestir les pères a lors même que père et beau-père ne sont pas dans le même registre.
Car pour instituer des responsabilités encore faut-il être au clair et ne pas tout mélanger. Un beau-père ne serra jamais un père. Il doit en revanche pouvoir exercer les pouvoirs nécessaires pour accomplir les actes usuels de la vie qui relèvent de la communauté de vie. Ce n’est pas à lui de décider du mariage, de l’adoption de l’orientation scolaire, de la sortie de territoire ou tout simplement d’une opération importante pour l’enfant, mais en revanche il doit veiller aux sorties et rentrées de l’enfant, à son coucher, à ses fréquentations, à ce qu’il tient sa chambre, etc. Et il est bon que du nord au sud, de l’est à l’ouest du pays les 2 millions d’enfants qui vivent avec un adulte qui n’est pas leur parent biologique sachent qu’ils sont en devoir d’obéir à cet adulte. Et cet adulte doit être rassuré sur sa légitimité.
Au passage il est évident que les parents biologiques ne sont pas les seules personnes qui exercent de l’autorité de l’enfant et sont légitimes à le faire. Des travailleurs sociaux qui accueillent un enfant confié par les parents pou par justice exercent des responsabilités et doivent avoir le pouvoir lié à ces responsabilités.
Etre légitime et pas seulement institué !
Mais pour nécessaire il ne suffit pas d’instituer une autorité pour qu’elle soit légitime. Il faut encore que de cette autorité émane quelque chose qui la fasse être respectée. Le parent comme l’enseignant, le policier comme le juge etc. ne sont respectés parce qu'institués, mais parce qu'ils sont vécus comme respectables. Remettre sa blouse grise ne restituera en rien sa respectabilité à un enseignant.
On touche là à un deuxième point essentiel auquel se confrontent les praticiens de l’enfance. L’autorité comme la loi ne sont respectées que parce qu’elles procurent un bénéfice. A l’enfant il faut quelles apparaissent justes, si ce n’est pas à court terme, il faut lui montrer qu’au final il y trouvera son compte pour ne pas dire que c’est son intérêt. L’adulte le sait bien, par exemple, qui ne respecte pas les règles de la circulation automobile par crainte du gendarme, mais bien parce qu’il sait qu’à défaut si chacun n’en faisait qu’à sa tête la circulation serait rapidement impossible, voire très dangereuse. Il faut bien des gendarmes pour rappeler ces règles à certains qui voudraient profiter du fait que les autres les respectent mais c’c’est bien parce que fondamentalement ces règles apparaissent juste qu’elles sont respectées. Cette assertion a ses contre preuves : la loi injuste tombe en désuétude (le port du pantalon pour les femmes) ou font l’objet de lutte sévère qui les font tomber (l’incrimination de l’IVG et le Manifeste de 243 salopes, par exemple dans les années 1975).
Le fait qu’une règle soit juste ne va pas toujours de soi. Il faut la parler, en retrouver le sens, voire réfléchir au moyen de la faire évoluer dans la démocratie sociale ou familiale si elle n’est plus ou pas totalement juste. D’où l’importance là encore de ne pas se contenter d’exercer de l’autorité serait elle même la plus bénéfique sans expliquer les tenants et l’aboutissant. C’est bien là encore une constante sociale mise en évidence en Mai 68 que de devoir expliquer et expliquer encore. Rien ne va plus de soi. Il faut retrouver le ciment social de l’autorité juste qui garantit le bien commun et un maximum de justice pour de chacun. Il faut en permanence revisiter les règles et leur sens et encore plus avec les plus jeunes qui d’ailleurs sont portés naturellement à développer « le pourquoi ? Pourquoi ? »
En d’autres termes on ne peut pas se contenter d’affirmer que les enfants ont besoin d’autorité. Il faut encore identifier dans le discours général – dans la loi -, mais aussi dans le discours spécifique à chaque situation – dans le champ de telle famille – qui a la mission d’exercer l’autorité, jusqu’où et avec quels objectifs.
Il faut aussi s’interroger sur les articulations de pouvoirs au sein de la famille mais aussi entre parents et professionnels.
L’enfant a aussi sa part de responsabilité
Il ne faut pas négliger que l’enfant – une nouvelle fois la personne de moins de 18 ans – s’est vu reconnaitre au fil de l’histoire aussi une certaine marge de manœuvre dans l’exercice des droits qui le concernent.
Certes a priori – c’est ce qui faut l’enfance- il est assisté ou représenté dans l’exercice de ces droits mais il peut exercer seul certains droit comme par exemple celui de porter plainte s’il est victime de violation de la loi pénale. Il peut aussi saisir un juge des enfants pour mettre en œuvre la protection dont il prétend devoir bénéficier. Il sera alors si nécessaire assister d’un avocat. Il pourra même faire appel des décisions le concernant. Il peut accomplir seuls les actes de la vie courante ; Il peut avoir une opinion et l’exprimer à condition, come tout un chacun, de ne pas injurier ou diffamer. Il peut consulter seuil un médecin et même interdire à ses parents d’avoir accès à son dossier médical, sauf diagnostic vital. Bref, il dispose d’une capacité juridique limitée mais réelle.
Dans d’autres cas on ne pourra rien faire sans son accord : par exemple l’adoption d’un enfant de 13 ans suppose son accord. Le plus souvent sa parole ne pèsera que le poids d’un simple avis, mais d’un avis obligatoirement recueillis quitte à qu’ensuite en décidant les adultes le négligent ou pas. Depuis 2002, sur toutes décisions importantes le concernant les parents et ceux qui l’hébergent se doivent de le consulter. Il faut qu’l ait le discernement mais essayer de faire boire un biberon trop chaud à un bébé il saur a vous opposer son refus. Autre illustration : des parents pourront souhaiter que la jeune fille enceinte interrompe sa grossesse ; si elle désire aller jusqu’au bout de sa grossesse nul ne pourra l’en empêcher.
En d’autres termes, les adultes qui exercent de l’autorité sur l’enfant ne sont plus dans une situation d’arbitraire absolu et de plein pouvoir : la société à travers l’action sociale et surtout la justice peuvent lui demander des comptes, les sanctionner mais, surtout dans la version moderne du XX° siècle, leur proposer aide et assistance. L’enfant lui-même peut avoir son mot à dire.
Il est donc vain de vouloir entonner l’hymne à la responsabilité parentale pour punir les parents défaillants si l’on n’identifie pas d’abord qui doit faire quoi, si l’on ne développe pas des stratégie de vulgarisation du contenu de l’autorité parentale, si l’on ne met pas en place des procédures d’accompagnement, sinon de soutien à l’exercice de l’autorité parentale. Comme s’il suffisait de condamner la maladie sans mettre en place des stratégies de prévention et des dispositifs progressifs de soutien au maintien de la bonne santé.
Quand certains n’ont à la bouche que le retrait des allocations familiales ou la sanction pénale du parent du fait de son enfant délinquant on mesure la limite et la vacuité du discours ambiant sur la politique familiale. La dénonciation de l’autorité défaillante permet généralement de faire l’économie sur les problèmes réels qu’un groupe ou une société traverse.
Et n’oublions pas cette pensée populaire « la force est l’arme des faibles ! »
Les pouvoirs publics seraient donc inspirés de rebondir sur la campagne de la Fondation pour l’enfance dont ils auraient du prendre l’initiative.
(1) J’ai ici justifié la condamnation symbolique à 500 euros d’amende d’un enseignant pour avoir giflé un élève au prétexte que celui–ci l’avait traité de « connard » après que l’enseignant eut précipité toutes ses affaires au sol dans un accès de colère
PS le lecteur attentif de ce blog aura relevé que ce post recycle des propos déjà développés dans certains posts ; ils ne sont pas pour autant surannés. L’actualité chassant les sujets les uns après les autres sans vraiment se donner le temps de nouer les débats je ne m’interdirai plus de piocher dans mon fond de commerce