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Budget : La Commission européenne ne fait que rappeler la règle du jeu

Actualités du droit - Gilles Devers, 24/10/2014

Hier,  Hollande et Renzi  fulminaient contre la Commission...

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Hier, Hollande et Renzi fulminaient contre la Commission européenne qui avait osé leur adresser une lettre les invitant à rectifier leur projet de budget. Atteinte intolérable à la souveraineté nationale ! Sauf que la Commission se contente de mettre en œuvre les procédures… adoptées par les dirigeants politiques des Etats européens. C’est en effet très clair : au fil du temps, les Etats ont créé un système donnant compétence à la Commission pour les réguler. Hollande et Renzi, sont deux souris prises au piège qu’elles ont inventé.

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Tout part du traité de Maastricht… en 1993

Pour instaurer la monnaie unique, il fallait que les économies nationales, déjà très interdépendantes, aillent dans le même sens. Le traité de Maastricht a ainsi créé le « pacte de stabilité et de croissance » fixant des critères de convergence des économies, avec un déficit public fixé à 3 % du PIB et une dette publique brute à 60 % de la richesse nationale. Ce pacte prévoyait des sanctions en cas de non-respect… Hahaha…

L’étape suivante a été la création d’un calendrier, permettant une concertation véritable pendant la la préparation des budgets. C’est le fameux « semestre européen » : on fixe un point d’étape tous les six mois, et on dote la Commission d’un bel outil, neutre, l’examen annuel de croissance (EAC), qui permet de rectifier les prévisions,  souvent trop optimistes, des gouvernements. Fin 2012, dans son EAC, la Commission européenne proposait cinq priorités : assainissement budgétaire différencié propice à la croissance ; promotion de la croissance et de la compétitivité ; lutte contre le chômage et les conséquences sociales de la crise, rétablissement de conditions normales d’octroi de crédits à l’économie ; modernisation de l’administration publique. Donc chaque Etat va à sa guise, mais respecte le cadre qu’il a confié à la Commission de fixer.

« Six pack » et « two-pact »

C’était bien, mais  trop mou du genou, comme l’ont montré les crises grecque et portugaise. Les politiques ont adopté deux ensembles de textes, le « six pack » en 2012 et le « two-pack » en 2013. Chaque fois, on trouve : l’initiative du Conseil européen – l’organe politique de l’Europe –, le vote des parlements nationaux, et le vote du parlement européen. La Commission qui ne prend pas le melon : elle applique les textes que les politiques ont adoptés.

Le « six pack » permet à la Commission de demander des corrections aux projets de budgets, et inclut un volet répressif, autorisant la Commission à lancer, après deux rappels, la procédure dite « d’application rigoureuse ». Dans ce cas, l’Etat doit verser une garantie portant intérêt, et le texte organise un système pour que le Conseil européen ne puisse s’opposer à ces sanctions. Toujours le même jeu : les Etats se méfient d’eux-mêmes, et renforcent les pouvoirs de la commission.

Le « Two Pact » est entré en vigueur le 30 mai 2013, donc hier. Il prévoit un suivi très intrusif, et des sanctions.

Les Etats doivent adoptent leur projet de budget avant le 15 octobre. La Commission examine alors ce projet et émet un avis avant le 30 octobre, pouvant demander des modifications. La Commission diffuse les projets pour que chaque Etat soit informé et puisse faire pression sur les vilains canards qui pataugent à plus de 3%. Le débat dure un mois, jusqu’à la fin novembre. Par ailleurs, pour éviter la gonflette des prévisions de croissance,  les Etats doivent se fonder sur des prévisions de croissance indépendantes et soumettre son budget à un organisme indépendant de contrôle budgétaire. En France, a été créé le Haut Conseil des Finances publiques… lequel s’est prononcé, en disant que le budget n’était pas sincère.

Comme si ça ne suffisait pas, les Etats ont adopté le pacte budgétaire inclu dans le Traité sur la stabilité, la gouvernance et la coopération (TSCG), qui prévoit que les Etats doivent disposer de budgets équilibrés, une « règle d’or » européenne qui doit devenir réalité en 2018, avec des sanctions financières à la clé. Wahou…

Bilan ? L’Etat reste souverain, et le Parlement vote le budget qu’il veut. Mais c’est une crise politique ouverte si un Etat fait un bras d’honneur… aux règles qu’il a lui-même créées, et qu’il devrait respecter de lui-même par honneur pour sa signature.

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Le cas de la France

La France fait partie des 8 pays placés « sous procédure de déficit excessif », car trop loin des 3%. Elle propose 4,3 % de déficit public en 2015 et un passage sous la barre des 3 % reporté à 2017, les deux chiffres étant irréalistes.

Jyrki Katainen, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a écrit Hollande :

«Je vous écris pour vous demander les raisons qui ont conduit à ce que la France prévoit de dévier des objectifs budgétaires fixés par le Conseil, en ce qui concerne à la fois le déficit public général, et l’ajustement de l’équilibre structurel en 2015. Je voudrais également savoir comment la France prévoit de se conformer à ses obligations de politique budgétaire en 2015, conformément au pacte de stabilité et de croissance.

«A partir de la proposition française, il ressort que l’ébauche de proposition budgétaire ne prévoit pas de ramener le déficit public global sous la barre des 3% du PIB définie par les traités d’ici 2015, qui correspond à la date butoir fixée par le Conseil dans ses recommandations du 21 juin 2013 – avec l’objectif de mettre fin à la procédure de déficit public excessif pour la France.

«D’après notre analyse préliminaire, l’ajustement du déficit structurel devrait ressortir à un niveau bien inférieur au niveau recommandé. Dès lors, tout porte à croire que l’ébauche de programme budgétaire pour 2015 prévoit de manquer aux obligations budgétaires qui découlent des recommandations du Conseil, sous la procédure de déficit public excessif».

Le dialogue va se poursuivre. Si la Commission n’est pas convaincue, elle rendra un « avis négatif ». Hollande pourra répondre « Je m’en tape, le Parlement est souverain », ce qui est exact. Mais la Commission ne fait que rappeler à la France les règles que la France avait estimées nécessaire pour tenir l’économie.

Au lieu de taper sur la Commission, qui ne fait que son travail, Hollande et Renzi – s’ils avaient un peu de courage politique – devraient ouvrir des discussions au sein du Conseil européen pour modifier les règles,  dégager le « Six pack », le « two-pact » et le pacte budgétaire inclu dans le Traité sur la stabilité, la gouvernance et la coopération (TSCG). Là ce serait assumer,… quitte à payer le prix. Mais protester contre la règle sans demander que la règle change, c’est nul.

Chiche ?

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