Marchés publics de défense et de sécurité : contrepoint et harmonie (article 215-1)
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Benjamin Touzanne, 1/12/2011
Le décret n°2011-1104 du 14 septembre 2011, relatif à la passation et à l’exécution des marchés publics de défense ou de sécurité, consacre toute une partie du code des marchés publics à ces derniers dont la procédure de passation est lancée depuis le 16 septembre 2011.
Complexe et composé de nombreux articles, ce décret mérite que l’on s’y attarde longuement (cf
Exclusion des opérateurs économiques des pays tiers à l'Union européenne ou à l'espace économique européen
Contrepoint et Harmonie a marqué une petite pause. Moins pour laisser souffler les auteurs que par exigence des autres tâches qu’ils mènent. Pour autant, le cheminement se poursuit. Il suivra des rythmes différents mais notre entêtement nous laisse croire qu’il conduira, malgré tout, au terme que nous nous sommes fixés …
a. Exégèse
lento moderato
Jusque là, les « opérateurs économiques des pays tiers à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen » (les
« Opérateurs tiers ») avaient la possibilité de se porter candidat, sans restriction particulière, aux procédures de passation lancées par les Autorités signataires pour la conclusion de marchés.
Désormais, le CMP D&S, s’il ne contient aucune interdiction formelle, prend une voie toute différente puisqu’il interdit à présent, par le biais de dispositions diffuses, aux Opérateurs tiers de présenter leur candidature à ces marchés, sauf décision contraire de l’Autorité signataire.
Le revirement ainsi opéré dans le but de préserver les intérêts de la base technologique et industrielle française et européenne en matière de défense et de sécurité n’est pas le résultat de la transposition de la Directive mais provient de sources plus remarquables encore puisqu’il s’agit de traités internationaux.
Le premier, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, stipule, en son article 346 (ancien article 296 du Traité instituant la Communauté européenne), que « tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. ».
Le second, l’Accord sur les marchés publics (l’« AMP »), conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, prévoit une exception similaire, bien que rédigée dans des termes plus larges, à son article XXIII, paragraphe 1, qui stipule que les parties à l’AMP peuvent « prendre des mesures ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l'estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d'armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale. ».
Prenant acte de ces dérogations, conventionnellement permises, aux règles relatives aux marchés, le dix-huitième considérant de la Directive précise que les Etats « devraient fonder cette décision sur des considérations de bon rapport qualité-prix, en reconnaissant la nécessité d’une Base industrielle et technologique de défense européenne compétitive au niveau mondial, l’importance de marchés ouverts et équitables et l’obtention d’avantages mutuels. Les États membres devraient insister sur une ouverture de plus en plus grande des marchés. Les partenaires de l’Union européenne devraient également faire preuve d’ouverture, sur la base de règles internationalement reconnues, notamment en ce qui concerne une concurrence ouverte et loyale. ».
a. Exégèse
lento moderato
Jusque là, les « opérateurs économiques des pays tiers à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen » (les
« Opérateurs tiers ») avaient la possibilité de se porter candidat, sans restriction particulière, aux procédures de passation lancées par les Autorités signataires pour la conclusion de marchés.
Désormais, le CMP D&S, s’il ne contient aucune interdiction formelle, prend une voie toute différente puisqu’il interdit à présent, par le biais de dispositions diffuses, aux Opérateurs tiers de présenter leur candidature à ces marchés, sauf décision contraire de l’Autorité signataire.
Le revirement ainsi opéré dans le but de préserver les intérêts de la base technologique et industrielle française et européenne en matière de défense et de sécurité n’est pas le résultat de la transposition de la Directive mais provient de sources plus remarquables encore puisqu’il s’agit de traités internationaux.
Le premier, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, stipule, en son article 346 (ancien article 296 du Traité instituant la Communauté européenne), que « tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. ».
Le second, l’Accord sur les marchés publics (l’« AMP »), conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, prévoit une exception similaire, bien que rédigée dans des termes plus larges, à son article XXIII, paragraphe 1, qui stipule que les parties à l’AMP peuvent « prendre des mesures ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l'estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d'armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale. ».
Prenant acte de ces dérogations, conventionnellement permises, aux règles relatives aux marchés, le dix-huitième considérant de la Directive précise que les Etats « devraient fonder cette décision sur des considérations de bon rapport qualité-prix, en reconnaissant la nécessité d’une Base industrielle et technologique de défense européenne compétitive au niveau mondial, l’importance de marchés ouverts et équitables et l’obtention d’avantages mutuels. Les États membres devraient insister sur une ouverture de plus en plus grande des marchés. Les partenaires de l’Union européenne devraient également faire preuve d’ouverture, sur la base de règles internationalement reconnues, notamment en ce qui concerne une concurrence ouverte et loyale. ».
Dans le but de protéger ses intérêts essentiels, la France a intégré dans le CMP D&S une présomption d’exclusion des Opérateurs tiers à la participation aux procédures de passation lancées par les Autorités signataires. L’on suppose que le pouvoir réglementaire aura préféré ce mode opératoire à celui de la rédaction d’une disposition claire interdisant aux Opérateurs tiers de se porter candidat aux marchés.
Parmi les articles du CMP D&S à l’examen desquels cette exclusion transparaît, l’article 215 - sans doute le plus clair de tous -, impose à l’Autorité signataire désireuse d’ouvrir la compétition aux Opérateurs tiers, de faire connaître expressément sa décision dans l’avis d’appel public à la concurrence.
Les autres dispositions intéressant les Opérateurs tiers sont les suivantes.
- L’article 215-II CMP D&S dispose que les critères d’accessibilité doivent être établis, notamment, au regard des impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, de la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'Etat, de l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, des objectifs de développement durable, de l'obtention d'avantages mutuels et des exigences de réciprocité.
- L’article 218 CMP D&S dispose que lorsqu’ils sont autorisés à participer à une procédure de passation, les Opérateurs tiers doivent produire, à l’appui de leur candidature, tous documents, renseignements ou justificatifs permettant d'évaluer s'ils répondent aux critères d'accessibilité à la procédure indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence.
- L’article 232-I CMP D&S dispose que l’Autorité signataire peut demander aux Opérateurs tiers de compléter leur dossier dans le cas où documents, renseignements ou justificatifs visés à l’article 218 ne sont pas complets, dans un délai maximum de dix jours. A défaut de produire les documents, renseignements ou justificatifs manquants dans le délai imparti, les Opérateurs tiers ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché.
- L’article 232-II CMP D&S dispose que l’Autorité signataire se prononce sur le droit des Opérateurs tiers à participer à la procédure de passation au regard des critères d'accessibilité figurant dans l'avis d'appel public à concurrence et examine, ensuite, la candidature des Opérateurs qui n’ont pas été écartés au regard de l’article 233 du CMP D&S (relatif à la sélection des candidatures).
- L’article 252 CMP D&S dispose que l’Autorité signataire doit établir un rapport de présentation comportant, entre autres, le cas échéant, les motifs des décisions concernant la participation à la procédure de passation des opérateurs économiques des pays tiers à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen.
Parmi les articles du CMP D&S à l’examen desquels cette exclusion transparaît, l’article 215 - sans doute le plus clair de tous -, impose à l’Autorité signataire désireuse d’ouvrir la compétition aux Opérateurs tiers, de faire connaître expressément sa décision dans l’avis d’appel public à la concurrence.
Les autres dispositions intéressant les Opérateurs tiers sont les suivantes.
- L’article 215-II CMP D&S dispose que les critères d’accessibilité doivent être établis, notamment, au regard des impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, de la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'Etat, de l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, des objectifs de développement durable, de l'obtention d'avantages mutuels et des exigences de réciprocité.
- L’article 218 CMP D&S dispose que lorsqu’ils sont autorisés à participer à une procédure de passation, les Opérateurs tiers doivent produire, à l’appui de leur candidature, tous documents, renseignements ou justificatifs permettant d'évaluer s'ils répondent aux critères d'accessibilité à la procédure indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence.
- L’article 232-I CMP D&S dispose que l’Autorité signataire peut demander aux Opérateurs tiers de compléter leur dossier dans le cas où documents, renseignements ou justificatifs visés à l’article 218 ne sont pas complets, dans un délai maximum de dix jours. A défaut de produire les documents, renseignements ou justificatifs manquants dans le délai imparti, les Opérateurs tiers ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché.
- L’article 232-II CMP D&S dispose que l’Autorité signataire se prononce sur le droit des Opérateurs tiers à participer à la procédure de passation au regard des critères d'accessibilité figurant dans l'avis d'appel public à concurrence et examine, ensuite, la candidature des Opérateurs qui n’ont pas été écartés au regard de l’article 233 du CMP D&S (relatif à la sélection des candidatures).
- L’article 252 CMP D&S dispose que l’Autorité signataire doit établir un rapport de présentation comportant, entre autres, le cas échéant, les motifs des décisions concernant la participation à la procédure de passation des opérateurs économiques des pays tiers à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen.
b. Questionnement
Le revirement ainsi opéré va produire des effets considérables sur les Opérateurs tiers déjà implantés sur le marché français de la défense et de la sécurité ou désireux de l’intégrer. Le changement de position de la France leur impose de réagir, sans délai, à l’obstacle ainsi posé dans le CMP D&S sans compter sur les seuls marchés qui leur seront ouverts dont le quantum ne pourra être connu qu’a posteriori, en fonction de la pratique de l’Etat.
Cette réaction nécessite de cerner avec précision la notion d’opérateurs économiques des pays de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen et de se pencher sur la faisabilité juridique d’un accord général de sous-traitance conclu avec un opérateur européen, ou d’une cotraitance institutionnalisée, ou encore la création d’une implantation juridique européenne.
A suivre
Le revirement ainsi opéré va produire des effets considérables sur les Opérateurs tiers déjà implantés sur le marché français de la défense et de la sécurité ou désireux de l’intégrer. Le changement de position de la France leur impose de réagir, sans délai, à l’obstacle ainsi posé dans le CMP D&S sans compter sur les seuls marchés qui leur seront ouverts dont le quantum ne pourra être connu qu’a posteriori, en fonction de la pratique de l’Etat.
Cette réaction nécessite de cerner avec précision la notion d’opérateurs économiques des pays de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen et de se pencher sur la faisabilité juridique d’un accord général de sous-traitance conclu avec un opérateur européen, ou d’une cotraitance institutionnalisée, ou encore la création d’une implantation juridique européenne.
A suivre