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Les erreurs formelles affectant la procédure de rupture conventionnelle : quelles conséquences ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Gratiane Kressmann, 20/02/2014

Dans trois arrêts prononcés le 29 janvier 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur la validité d’une rupture conventionnelle. A moins qu’elles ne vicient le consentement du salarié, des entorses au formalisme requis sont dénuées d’incidence.
La procédure de rupture conventionnelle se présente comme une procédure de rupture à l’amiable du contrat de travail garantissant la liberté de consentement du salarié et lui ouvrant des droits comparables à ceux du licenciement.

Conformément aux dispositions de l’article L1237-14 du code du travail, l’accord des parties doit être matérialisé par une convention de rupture dont un exemplaire doit être transmis à la DIRRECTE pour homologation.

Cette convention de rupture est signée aux termes d’une procédure contradictoire légère qui, schématiquement, requiert la tenue d’un ou plusieurs entretiens, le salarié ayant la possibilité de se faire assister dans les mêmes conditions que pour un licenciement.

Une fois la convention signée, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours pour se rétracter, gage d’une primauté donnée à la volonté des parties.

Dans un premier arrêt ( pourvoi n°12-27594 ) la chambre sociale était saisie d’un pourvoi d’un salarié qui faisait grief à son employeur, à travers la critique d’un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 12 septembre 2012, de ne pas l’avoir informé de la possibilité de se faire assister, lors de l’entretien préalable, par un conseiller choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative ; le salarié soulignait que, dans les faits, il avait été « assisté » par son supérieur hiérarchique dont le but était, nécessairement, de préserver plus les intérêts de l’entreprise que les siens.

La Cour de cassation rejette son pourvoi en adoptant le raisonnement suivant :

• Le défaut d’information du salarié de se faire assister par un conseiller lors de l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat n’a pas pour effet d’entrainer la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun (la Cour vise ici la démonstration d’un préjudice causé au salarié précédé d’un vice de son consentement) ;
• En tant que tel, le choix du salarié de se faire assister par son supérieur hiérarchique n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle ;
• Le salarié ne démontre pas en l’occurrence avoir subi des pressions ou manœuvres pour l’inciter à consentir à la convention de rupture.

En substance, pour la Cour de cassation, la méconnaissance de l’obligation d’information ne cause pas en elle-même un préjudice au salarié ; pour qu’elle affecte la validité de la procédure, il faut qu’il démontre que son consentement a été vicié, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Le même raisonnement a été suivi dans un deuxième arrêt du même jour (pourvoi n°12-24539)
Il s’agissait cette fois ci d’un salarié qui se plaignait d’avoir eu connaissance d’un délai de rétractation inférieur au délai légal de quinze jours.

La chambre sociale rejette le pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 20 juin 2012 en des termes dénués d’ambiguïté :

« Mais attendu qu’une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de 15 jours prévu par l’article L1237-13 du code du travail ne [peut] entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation […]».

Enfin, dans un troisième arrêt (pourvoi n° 12-25951) , la chambre sociale était amenée à se prononcer sur une obligation d’information qui figure dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (qui a servi de base à la loi) mais n’a pas été repris par les dispositions légales issues de la loi du 25 janvier 2008 et codifiée dans le code du travail.

Il s’agit de la possibilité ouverte au salarié, avant toute rupture conventionnelle, de prendre contact auprès du service public de l’emploi (Pôle emploi) en vue notamment d’envisager la suite de son parcours professionnel.

Le salarié faisait valoir, au soutien de son pourvoi, que son employeur ne l’en avait pas informé.

La chambre sociale approuve la Cour d’appel de Versailles d’avoir débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle en relevant, d’une part, qu’aucun état de contrainte n’était invoqué et, d’autre part, qu’il était établi que le salarié avait conçu un projet de création d’entreprise et qu’en conséquence, l’absence d’informations sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l’emploi en vue d’envisager la suite de son parcours professionnel n’avait, de toute évidence, pas affecté la liberté de son consentement.

Par ces trois décisions, la chambre sociale saisit l’occasion qui lui est donnée de consacrer le libre consentement des parties comme centre de gravité de la procédure de rupture conventionnelle.


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