Merah : Des failles ? Non, c'est plus grave.
Actualités du droit - Gilles Devers, 23/03/2012
La vérité, comme souvent, vient de femmes, pour peu qu’on sache les entendre. Cette femme, nous l’appellerons Malika. C’est Le Télégramme de Brest qui a reçu son témoignage.
Malika habite dans le quartier où vivait Mohamed Merah.
En juin 2010, le fils de Malika, alors âgé de 15 ans, avait été apostrophé par Merah. Il lui avait dit de monter dans sa voiture pour écouter un CD, en lui faisant croire que c’était le Coran. Malika raconte : « Il a conduit mon fils à son domicile. Dans son appartement, il y avait un immense Coran dans son salon et plusieurs grands sabres accrochés au mur. Il en a décroché un, puis lui a imposé de regarder des vidéos d'Al Qaïda ». Le fils de Malika lui a raconté des scènes « insoutenables ». Des femmes étaient exécutées d’une balle dans la tête, et des hommes étaient égorgés. Malika raconte : « Mon fils m'a appelé. On a finalement pu le récupérer. Il est resté enfermé là bas de 17h à minuit... ».
Pour Malika, la loi existe et le rôle de la police est de la faire appliquer. Alors, elle a porté plainte. Merah l’a appris, ce qui suppose qu’il a été convoqué chez les flics, et ça l’avait rendu dingue : « Il est venu devant chez nous. Il m’a menacée et frappée. Il disait que j’étais athée et que je devrais payer comme tous les Français. Il n'arrêtait pas de répéter qu'il était un moudjahidin et qu’il mourrait en martyr, qu’il effacerait de la Terre tous ceux qui tuaient des Musulmans. Il disait aussi que lui et ses amis viendraient prendre mon fils et qu'il ne me resterait plus que mes yeux pour pleurer ».
Le surlendemain, Merah s’en était pris au fils de Malika : « Pourquoi t’as tout raconté à ta mère ? », et il l’avait frappé. Sa sœur était intervenue et il l’avait rouée de coups devant de nombreux témoins. Malika a tout gardé : la robe de sa fille tâchée de sang et déchirée, le dépôt de plainte, les courriers de relance, des photos et les certificats médicaux...
Malika avait alors demandé à un avocat, Me Mouton, de déposer une plainte auprès du procureur de la République. Me Mouton confirme qu’une plainte « très circonstanciée » a été déposée le 25 juin 2010, et il explique : « La maman a été entendue, mais j’ignore si une enquête a été déclenchée et si, oui, quelle suite lui a été réservée ».
Malika ajoute : « Il nous a menacés de mort. Il m’a fait le signe de l'égorgement », et elle précise que « du fait de ses opinions extrémistes , il s’était fait refouler des mosquées ». Elle accuse : « Pourquoi, malgré tous mes signalements, Mohamed Merah n’a-t-il pas été arrêté ? Nous l’avons encore vu la semaine dernière. Il nous narguait. J’ai tout raconté à de nombreuses reprises à la police et à la préfecture. Et aujourd'hui, on en est là. C'est incompréhensible et révoltant ».
Il faut lire ce que dit Malika, y réfléchir, et ensuite commencer à poser les questions. Parmi mille questions, quelques unes émergent.
Pourquoi n’a-t-il pas été donné suite à la plainte de Malika ? Nos bouffons de parlementaires se sont vantés d’avoir créé l’infraction de violences psychologiques. Ici, nous avons plusieurs infractions graves : association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, apologie de crime, menaces de mort sur un mineur de quinze ans, et menaces de mort contre une maman qui avait porté plainte. Ajoutons que ces menaces sont le fait d’une personne fichée par la DCRI pour ses voyages en Afghanistan et au Pakistan. Pourquoi ni la police, ni le procureur de Toulouse n’ont-ils pas donné suite ?
Merah, judiciairement bien identifiable avec son casier noirci, serait allé en Afghanistan et au Pakistan pour rejoindre des groupes activistes. Pourquoi n’a-t-il été pas été entendu sérieusement par la DCRI ? Pourquoi n’a-t-il pas été poursuivi, alors que la loi le permet, via l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste (Sarko le menteur, qui veut masquer qu’il ne fait pas appliquer les lois, fait comme si la loi n’existait pas et qu’il fallait la créer).
Que reste-t-il du discours excité de Sarko sur la récidive quand une plainte concernant un homme qui a ce passé n’est suivie d’aucun effet ?
Guéant se moque du monde en disant qu’il est difficile de surveiller ces personnes de retour de camps afghans ou pakistanais. Nous avons un multirécidiviste qui fait l’objet d’une plainte circonstanciée pour avoir montré des vidéos criminelles à un enfant de 15 ans, et à la suite de la plainte, la mère a été menacée. Guéant, pourquoi tu ne démissionnes pas ?
Entre l’assassinat des soldats à Montauban et ceux de l’école juive de Toulouse, la police avait des indices très sérieux, et notamment des adresses IP. Pourquoi ces renseignements n’ont-ils pas été exploités ? Pourquoi la plainte de Malika n’a-t-elle pas été réactivée ? Les flics dorment ?
Alors que l’enquête était judiciaire et, donc, dépendait de la Justice, sous la direction du procureur, comment expliquer la présence sur place, en situation de commandement, de Guéant, ministre de l’Intérieur ?
Condamné plus de quinze fois, allé deux fois dans les camps d’entrainement en Afghanistan et au Pakistan, instable psychologiquement, objet de la plainte de Malika, comment Merah a-t-il pu, alors qu’il avait une situation professionnelle si fragile, se procurer tant d'argent et d’armes sans que la police ne se rende compte de rien ?
A quoi sert la DCRI dans une telle affaire ?
Dans quelles conditions le RAID a-t-il donné l’assaut le premier soir, alors qu’on savait si peu de choses sur l’armement de Merah, et que les habitants du quartier étaient encore là ? Le pire a été évité quand Merah a tiré à travers la porte, blessant deux policiers. Qui a donné l’ordre ? Dans quelles conditions ?
Pourquoi avoir donné l’assaut jeudi 22 vers 11h 30 ? Le quartier avait été vidé, et Merah n’avait pas d’otages. Les liens étaient-ils rompus avec le négociateur ? Pourquoi ne pas avoir attendu l’épuisement de Merah ? S’est-il montré menaçant ? Un risque particulier est-il apparu ? Qui a donné l’ordre ? Le procureur ou le ministre ?
Le RAID est réputé pour son professionnalisme, dans la maîtrise des forcenés. Trois cents balles tirées par rafales en cinq ou six minutes, c’est du jamais vu. C’était sans doute nécessaire, mais il faut nous dire. S’il voulait mourir, Merah se serait suicidé, et il ne l’avait pas fait. Il allait donc répliquer à l’arrivée de la police en tirant sur les policiers. Où s’est situé l’imprévu ? Dans cet appartement fermé, ne pouvait-on pas préparer le terrain ? Le RAID a un grand crédit, mais il faut répondre à ces questions. Comme il faut répondre à toutes les interrogations sur le tir mortel, lors de la fuite par la fenêtre.
Un gamin réinvente le crime de série, à lui tout seul, en laissant sur son parcours, et depuis des années, d’innombrables preuves. La police ne fait rien, le parquet ne fait rien, et nos flegmons d’hommes politiques accréditent que ce gamin tueur, ce lâche assassin, a la force d’un groupe terroriste. La preuve pour ces décérébrés ? Il a invoqué Al Qaida ! Des revendications aberrantes : tuer des musulmans pour dénoncer le sort des musulmans en France...
Selon la loi française, le moindre lien avec une entreprise terroriste – le passage par les camps – suffit à la qualification juridique. Mais pour ce qui est des assassinats commis ces derniers jours, la réalité factuelle est l’action d’une petite crapule. Lui donner trop d’importance est une faute grossière.
Que Merah soit un criminel suffit à condamner tout ce qu’il a fait, et à comprendre la peur qu’il a répandue. Mais pour un esprit raisonné, il est impossible de confondre un salopard isolé, qui vit sous son identité, dans son appartement, suivi par un juge d’application des peines, et des groupes organisés, déterminés à combattre la République…
De ce point de vue, Sarko et Hollande pataugent dans le même jus. Qu’ils dégagent ! Seul Mélenchon a été cohérent. C’est le seul qui a su garder une lecture politique, le seul responsable politique qui ne s’est pas mis à frétiller devant le crime. Ca compte.
On peut essayer de réfléchir, non ?