Le Conseil d’Etat ne vend pas les droits des requérants pour un plat de lentilles
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard, Etienne de Castelbajac, 3/04/2019
Le Conseil d’Etat a, par un avis de section du 27 mars 2019, estimé que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration ne s’apprécie pas à la date de l’introduction de la requête mais à la date à laquelle le juge statue. Ce faisant, il a mis fin aux débats liés à la modification des dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative issues du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, décret dit « Justice administrative de demain » (« décret JADE ») (B) et a tranché dans un sens favorable au justiciable (A).
A – L’état de la jurisprudence avant l’entrée en vigueur du décret JADE
La règle de la décision préalable, colonne vertébrale du contentieux administratif, était, jusqu’à l’intervention du décret JADE formulée de la manière suivante : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » (article R. 421-1 du CJA).
La jurisprudence avait interprété cet article dans un sens favorable au justiciable en considérant que le contentieux pouvait être lié en cours d’instance de deux manières.
Premièrement, lorsque l’administré n’avait pas formé de demande préalable auprès de l’administration mais saisissait directement le juge administratif, le contentieux était lié dès lors que l’administration défendait au fond, sans conclure à titre principal à l’irrecevabilité de la requête pour absence de décision préalable ou de demande préalable (CE, 1er juin 1984, Commune de Vieux-Boucau, n° 26989, publié au Lebon ; 21 février 1997, n° 86678, publié au Lebon). Le juge estimait que la défense au fond faisait naitre une décision de rejet.
Deuxièmement, le contentieux était lié lorsque naissait en cours d’instance, une décision expresse ou implicite de rejet. Cette solution valait à la fois lorsque l’administré formait une demande avant ou après l’introduction de sa requête contentieuse (CE, Sect. 22 juillet 1938, Lambert, p. 718 ; 8 juill. 1970, Andry, p. 470).
La jurisprudence avait interprété cet article dans un sens favorable au justiciable en considérant que le contentieux pouvait être lié en cours d’instance de deux manières.
Premièrement, lorsque l’administré n’avait pas formé de demande préalable auprès de l’administration mais saisissait directement le juge administratif, le contentieux était lié dès lors que l’administration défendait au fond, sans conclure à titre principal à l’irrecevabilité de la requête pour absence de décision préalable ou de demande préalable (CE, 1er juin 1984, Commune de Vieux-Boucau, n° 26989, publié au Lebon ; 21 février 1997, n° 86678, publié au Lebon). Le juge estimait que la défense au fond faisait naitre une décision de rejet.
Deuxièmement, le contentieux était lié lorsque naissait en cours d’instance, une décision expresse ou implicite de rejet. Cette solution valait à la fois lorsque l’administré formait une demande avant ou après l’introduction de sa requête contentieuse (CE, Sect. 22 juillet 1938, Lambert, p. 718 ; 8 juill. 1970, Andry, p. 470).
B – L’intervention du décret JADE et son interprétation favorable aux requérants
Le décret JADE a modifié l’article R. 421-1 du code de justice administrative, en y ajoutant un second alinéa : « Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. »
Les commentateurs de ce décret ont interprété ces nouvelles dispositions comme conditionnant la recevabilité d’une requête contentieuse en matière indemnitaire à l’intervention au préalable d’une décision (explicite ou implicite) de l’administration, et par conséquent d’une demande préalable.
Ils pouvaient légitimement se croire fondés à l’interpréter de la sorte au regard du propre commentaire du Conseil d’Etat du décret JADE : « dans les litiges indemnitaires, le juge ne pourra désormais être saisi que si une décision de rejet par l’administration est préalablement intervenue (alors qu’actuellement la jurisprudence admet que la demande puisse être faite après l’introduction du recours contentieux). » (1)
Cependant, le sens de cette nouvelle disposition n’avait visiblement pas la clarté espérée puisque le Conseil d’Etat a été saisi par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne afin d’en connaître la portée exacte.
Conformément aux conclusions de M. Nicolas Polge, le Conseil d’Etat abandonne sa jurisprudence selon laquelle l’absence de demande auprès de l’administration est régularisée lorsque l’administration n’oppose pas de fin de non-recevoir et défend au fond. En l’absence de demande préalable, toute requête sera déclarée irrecevable.
En revanche, le Conseil d’Etat confirme que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date à laquelle le juge statue. L’intervention d’une décision (explicite ou implicite) en cours d’instance régularise la requête, sans que l’administration ne puisse opposer une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision.
Par mesure de prudence, KGA Avocats recommande toutefois de n’introduire un recours contentieux qu’à l’encontre d’une décision (explicite ou implicite) existante. Dans le cas contraire, il n’est pas exclu que le juge ne statue avant la naissance de la décision et ne la rejette comme irrecevable.
(1) http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Parution-du-decret-dit-Justice-administrative-de-demain-portant-modification-du-code-de-justice-administrative
Les commentateurs de ce décret ont interprété ces nouvelles dispositions comme conditionnant la recevabilité d’une requête contentieuse en matière indemnitaire à l’intervention au préalable d’une décision (explicite ou implicite) de l’administration, et par conséquent d’une demande préalable.
Ils pouvaient légitimement se croire fondés à l’interpréter de la sorte au regard du propre commentaire du Conseil d’Etat du décret JADE : « dans les litiges indemnitaires, le juge ne pourra désormais être saisi que si une décision de rejet par l’administration est préalablement intervenue (alors qu’actuellement la jurisprudence admet que la demande puisse être faite après l’introduction du recours contentieux). » (1)
Cependant, le sens de cette nouvelle disposition n’avait visiblement pas la clarté espérée puisque le Conseil d’Etat a été saisi par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne afin d’en connaître la portée exacte.
Conformément aux conclusions de M. Nicolas Polge, le Conseil d’Etat abandonne sa jurisprudence selon laquelle l’absence de demande auprès de l’administration est régularisée lorsque l’administration n’oppose pas de fin de non-recevoir et défend au fond. En l’absence de demande préalable, toute requête sera déclarée irrecevable.
En revanche, le Conseil d’Etat confirme que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date à laquelle le juge statue. L’intervention d’une décision (explicite ou implicite) en cours d’instance régularise la requête, sans que l’administration ne puisse opposer une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision.
Par mesure de prudence, KGA Avocats recommande toutefois de n’introduire un recours contentieux qu’à l’encontre d’une décision (explicite ou implicite) existante. Dans le cas contraire, il n’est pas exclu que le juge ne statue avant la naissance de la décision et ne la rejette comme irrecevable.
(1) http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Parution-du-decret-dit-Justice-administrative-de-demain-portant-modification-du-code-de-justice-administrative