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Info Field Forever !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 10/12/2015

Je n'ai qu'un grief à formuler à l'encontre de leur éclatante progression, et celle de Michel Field aujourd'hui : elle les rend beaucoup plus rares puisque, très clairement, dorénavant ce sera Info Field Forever !

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Pourquoi ai-je eu dans la tête la mythique chanson des Beatles "Strawberry Fields Forever" au moment de choisir le titre de ce billet consacré à mon ami Michel Field ?

Mon ami parce que je préfère annoncer tout de suite la couleur ; mais esprit tellement libre qu'il ne m'en voudrait pas, bien au contraire, si je disais du mal de lui, et même du bien, j'en suis persuadé !

Je ne retiens qu'un désaccord fondamental avec lui ! Professionnellement je critique Claire Chazal et elle est son amie. Je ne suis pas trop inquiet sur notre entente future, elle durera.

Mythique parce que depuis longtemps il est devenu une personnalité tellement incorporée aux médias et à leur histoire, même s'il a d'autres talents, qu'on la considère bien plus que comme celle d'un journaliste. Son parcours personnel, existentiel, a servi d'exemple pour illustrer le passage d'une jeunesse révolutionnaire et d'une idéologie de subversion à une lucidité, une tolérance et un pragmatisme adultes.

Il y a des évolutions et des métamorphoses qui peuvent apparaître choquantes si, par exemple, s'étant trompé gravement à l'origine, on prétend avoir plus de leçons à donner sur aujourd'hui que ceux qui n'ont jamais erré. Ce n'est absolument pas la position de Michel Field qui, sans renier son passé militant, ne l'exploite pas abusivement pour faire croire à des lumières décisives sur notre présent. Il ne trahit rien mais n'enseigne pas !

L'agrégation de philosophie qu'il a réussie a pourtant représenté un apport considérable dans ce monde médiatique qui malgré la haute opinion qu'il a de lui-même - seule ressource des pouvoirs contestés ! - n'est pas composé que de brillants sujets. Il en fait partie depuis qu'il a mis le pied et l'esprit dans cet univers, à la radio ou à la télévision, sur les plans littéraire, politique ou critique.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que je le pense puisque, pour avoir eu la chance de goûter assez souvent la finesse de son intelligence et de ses questions, le caractère stimulant de sa compréhension et de sa contradiction, et pour l'avoir fréquemment écouté face à d'autres invités, j'en ai pris, d'emblée, mon parti : c'est le meilleur.

Cela d'ailleurs semble être admis, et pas seulement dans son compagnonnage professionnel. On n'est pas obligé d'aimer l'homme pour reconnaître des évidences que sa pratique démontre.

A peine m'étais-je réjoui - au mois d'août, il prenait en charge la direction de France 5 à la suite de la décision de Delphine Ernotte - que je dois amplifier mon enthousiasme : il va remplacer Pascal Golomer à la tête de la direction de l'information de France Télévisions. Sa tâche va être immense et, contre les augures pessimistes, il l'assumera avec compétence et affrontera ce défi avec brio (Le Monde, Le Figaro).

Je n'ai aucun élément susceptible de confirmer les craintes formulées même par ceux qui lui attribuent infiniment de mérites. Il ne serait pas un gestionnaire et un organisateur ? Que l'intendance ne soit pas sa prédilection essentielle me semble certain même si je n'ai jamais constaté chez une autre personne, amie ou non, une telle rectitude dans la constance et la rapidité des échanges, la fidélité des engagements.

S'il a été si rapidement changé de poste, dans l'urgence, juste après le premier tour des municipales, ce n'est pas parce qu'il aurait flatté Delphine Ernotte comme le Canard enchaîné se plaît malicieusement à le répéter - Michel Field est trop subtil pour user de telles ficelles - mais probablement en raison du fait que cette présidente atypique, venue d'ailleurs, a dû percevoir chez lui une correspondance profonde avec sa vision et ses projets et une familiarité de caractère et de liberté.

Dès lors qu'il va occuper une fonction centrale dont l'importance médiatique et politique jusqu'à l'élection présidentielle ne va cesser de croître - il n'est pas honteux d'estimer que ses réseaux tissés par les liens de l'amitié comme par ceux de ses activités multiples n'ont pas été un handicap pour sa promotion -, je devine que les mauvaises langues vont battre leur plein et qu'on annoncera chaque jour ses insuffisances, voire son échec ou son remplacement.

Raison de plus pour offrir toute sa place à l'espérance.

Tout de même je ne cesse pas de m'interroger, sur Michel Field comme sur d'autres ayant eu à peu près la même histoire et complices à cause d'elle, par exemple Denis Olivennes, au sujet de ma dilection intellectuelle et humaine pour ces êtres sortis ragaillardis d'un lointain extrémisme et si naturellement à l'écoute, tolérants et lucides aujourd'hui, presque jusqu'à un désabusement mais souriant et ironique.

Tous ceux ayant bu aux mêmes sources n'ont pas forcément la même approche. Je songe à certains, Patrick Cohen en particulier, pour qui l'objectivité authentique de l'information, avec la forme retenue qu'elle implique, constituera toujours une sorte d'exigence discutable comme si elle était encore imprégnée d'une touche réactionnaire.

Michel Field, et quelques autres ayant suivi ces traces, ont porté un regard si peu complaisant, mais si ludique aussi, sur leurs dérives passées qu'elles ont été vraiment dépassées, mais sans l'amertume de leur liquidation ni l'envie même sourde, même obscure, de les remettre au goût du jour.

Ce sont alors de joyeux, intelligents, cultivés et ironiques compagnons dont j'ai l'impression qu'ils considèrent parfois mes enthousiasmes crépusculaires comme l'expression d'une juvénilité hors d'âge.

Je n'ai qu'un grief à formuler à l'encontre de leur éclatante progression, et celle de Michel Field aujourd'hui : elle les rend beaucoup plus rares puisque, très clairement, dorénavant ce sera Info Field Forever !


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