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L'exception festive française

Justice au singulier - philippe.bilger, 15/05/2013

On pouvait en matière de sécurité et de police être sarkozyste et, à la fois, compétent.

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Pourquoi ne sait-on pas faire la fête en France sans détruire, casser, frapper, voler et faire peur ?

Magnifiques rassemblements à Manchester et à Barcelone, dans la joie et sans l'ombre d'une violence, pour célébrer ces deux équipes ayant gagné le championnat de leur pays.

A Paris, boutiques vandalisées, mobilier urbain dévasté, voitures brûlées au cours d'une soirée qui devait consacrer l'alliance heureuse et fière du PSG avec ses véritables supporters après dix-neuf ans de disette sportive (Le Parisien, Le Figaro).

Immédiatement, la joute politique, les controverses partisanes.

Le départ de Manuel Valls est exigé par l'opposition, ce qui est ridicule. Pour une double raison.

On n'a jamais vu, à la suite de désordres et d'explosions antérieurs, un ministre de l'Intérieur démissionner. Et, pourtant, Paris en a connu, en a subi.

Si Manuel Valls quittait le gouvernement, un autre ministre brillant, mais honnête, ferait défaut au pouvoir socialiste qui n'est pas à ce point surabondant en personnalités fortes et estimées au-delà de leur camp pour se permettre de ne pas le retenir.

Quelle piètre image tout de même que celle de cette France qui s'abandonne à des querelles de bas étage, au lieu de s'effondrer de honte ou de s'accorder pour empêcher à l'avenir que ces parenthèses de furie recommencent !

Le sénateur Assouline exprime "son profond écoeurement", F.Rebsamen impute "une part de responsabilité" à Valls, Copé déclare que si le Préfet de police n'est pas limogé, ce sera au ministre d'assumer. Lors des questions d'actualité, le député Goasguen s'en est pris à M.Valls qui a répondu sur le même ton.

Qui pouvait penser que même une fête destinée à célébrer le PSG, compte tenu de l'atmosphère entourant et imprégnant cette équipe, de l'argent, de l'arrogance, de l'effervescence mauvaise, se déroulerait normalement ?

Qui pouvait ignorer les leçons de l'expérience et ne pas se rappeler tant de défilés et de manifestations pourris par l'immixtion de bandes étrangères à leur objet et seulement désireuses de transgresser ?

Qui pouvait croire qu'il faudrait moins d'autorité et de présence policière au Trocadéro et dans ses alentours, moins d'organisation et de constance qu'auparavant, avec la rude vigilance et la violence surprenante ayant accablé certains des opposants au mariage pour tous ?

Qui pouvait valider l'absurdité du choix de ce lieu en pleine ville alors que le Parc des Princes était évidemment disponible et adéquat ? L'emplacement de la place du Trocadéro souhaité pour le prestige du PSG a été validé grâce à un accord des dirigeants du club avec le Préfet Boucault. Il faut rendre hommage, tant les puérilités politiques sont dérisoires, à Frédéric Thiriez, président de la LFP, et à Jean-Louis Blanc, Directeur général du PSG qui ont reconnu avoir eu une part de responsabilité pour la tenue de cette déplorable soirée.

Le plus émouvant était d'entendre ces commerçants après le désastre se plaignant d'avoir été abandonnés par l'Etat, la police et tous ceux qui avaient la charge de les protéger.

On aimerait que face à l'irruption de ces centaines de perturbateurs et de casseurs - certains ne se gênaient pas pour affirmer que le foot ne les intéressait pas mais qu'ils voulaient détruire "les camions de police" - la droite et la gauche, dont aucune sur ce plan ne peut donner des leçons à l'autre, s'interrogent pour questionner ce mystère : pourquoi la France est-elle une exception festive qui montre le pire et demeure incompréhensible, malgré les répétitions, aux politiques ?

Qui sont ces jeunes gens français ou non, d'où viennent-ils, pourquoi cette haine, cette détestation de tout ce qui pourrait ressembler à une allégresse civilisée ?

Il est plus important de répondre à ces interrogations angoissées, sociales et politiques que de dériver en dénonçant Manuel Valls qui lui-même, je l'espère, saura tirer les conséquences du comportement peu clairvoyant du Préfet Boucault clairement dépassé. Ce n'était pas un bon choix à l'évidence (Le Monde).

On pouvait en matière de sécurité et de police être sarkozyste et, à la fois, compétent.


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