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Abou Dabi inspire Nicolas Sarkozy...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 9/03/2018

Abou Dhabi a inspiré Nicolas Sarkozy. C'est de la philosophie politique. Il n'était pas le plus mal placé pour en parler, lui dont le désir d'action et le souci d'efficacité s'étaient heurtés parfois au rythme lent et ostensiblement paisible de la démocratie.

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Au cours de "Ideas Weekend", un forum organisé dans la capitale des Emirats arabes unis, Nicolas Sarkozy s'est livré à une réflexion politique de grande qualité qui concluait que "les démocraties détruisent tous les leaderships...C'est ce qui fait que, aujourd'hui, les grands leaders du monde sont issus de pays qui ne sont pas de grandes démocraties" (Le Monde).

Il évoquait, pour ces derniers, les exemples du président Xi Jinping, du président Poutine et du prince Mohammed ben Salmane pour l'Arabie saoudite.

Il ne me semble pas qu'on puisse considérer, avec ces appréciations, que Nicolas Sarkozy "fait l'éloge des hommes forts".

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Il constate seulement que les démocraties - et c'est une évidence -, si elles constituent le pire des régimes après tous les autres, n'offrent pas l'opportunité à ceux qui les dirigent de faire passer leur affirmation d'eux-mêmes et leur volonté de puissance avant les droits, les libertés et les garanties, les pouvoirs et contre-pouvoirs qui structurent nos pays. Comment "un homme fort", au sens où on peut l'entendre avec Nicolas Sarkozy, pourrait-il exister dans une telle situation où tout est fait pour limer le pouvoir personnel et pour réduire l'autorité présidentielle ? Un homme fort est contradictoire avec une démocratie qui se méfie précisément de la force au point d'ailleurs d'être mal à l'aise quand elle doit s'armer contre des dangers exceptionnels et un terrorisme islamiste toujours prêt à tuer.

Il est alors inévitable que le contraire des démocraties classiques laisse libre cours à l'expansion discutable de dictateurs d'un nouveau genre qui sont parvenus, derrière une apparence trompeuse, à concentrer, dans une domination quasiment totale, des pouvoirs qui leur permettent de faire et de défaire à leur gré, de nommer ou de révoquer à leur convenance et d'incarner l'Etat sans craindre qu'une autre légitimité vienne disputer la leur.

Il convient seulement, ce constat fait, de se demander si la qualification de "grands leaders" est justifiée pour ces personnalités qui, pour avoir une liberté de manoeuvre quasiment absolue et une latitude totale, ne sont pas forcément des dirigeants respectables. Leur grandeur résulte plus de l'absence d'opposition que d'une excellence politique.

Nicolas Sarkozy n'a pas eu tort, donc, en énonçant ces vérités qui résultent de l'état du monde tel que la lucidité peut l'appréhender. Il faut seulement résister à la tentation de ne considérer la démocratie que comme une empêcheuse de gouverner en rond alors que son honneur est précisément d'interdire à des "hommes forts" de faire fi d'elle.

Abou Dabi a inspiré Nicolas Sarkozy. C'est de la philosophie politique. Il n'était pas le plus mal placé pour en parler, lui dont le désir d'action et le souci d'efficacité s'étaient heurtés parfois au rythme lent et ostensiblement paisible de la démocratie.


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