Qu'on nous rende Jean-Pierre Mignard !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/12/2014
Il y a des célébrités qui peuvent néanmoins apparaître comme des défaites.
Dans un portrait acide du Canard enchaîné consacré à l'avocat socialiste et directeur de Témoignage chrétien Jean-Pierre Mignard (JPM), la journaliste Anne-Sophie Mercier décrit une personnalité qui ne ressemble pas à celle que j'ai connue et que je croise encore quelquefois.
C'est sans doute la rançon de son implication forte en politique, de sa proximité, sur beaucoup de plans, avec le président de la République et du contentieux avec le nouveau rédacteur en chef Jean-Michel Dumay sur la gestion de Témoignage chrétien.
Cette journaliste - dont j'ai lu des textes infiniment moins négatifs - souligne "qu'il fait la quasi-unanimité contre lui" et avec volupté retient toutes les piques évidemment anonymes qui dénoncent, par exemple, son "arrogance pateline" et le mêlent à "des affaires de fric ... l'opposant ... à certains ténors du barreau". "Pestilentiel", réplique Mignard.
Dans sa conclusion, elle va jusqu'à se demander si "la haine vigilante qu'est la confraternité", selon JPM, n'est pas "parfois justifiée" à son encontre.
Pourquoi cette charge si partiale ?
Il est clair que ses sources dominantes sont constituées par des confrères, des rivaux, des médiocres qui ne portent pas JPM dans leur esprit et dans leur coeur. Cela leur aurait pourtant fait du bien.
Je ne peux pas m'empêcher de deviner, derrière cette volonté de nuire, l'envie de s'en prendre à une célébrité qui dérange, à un citoyen trop réactif, à un avocat trop doué, à un être qui se trouve attaqué pour avoir trop de dons et trop d'opportunités pour les manifester.
S'il est loué par l'excellent avocat Richard Malka, il pâtit de l'éloge d'un Francis Szpiner. Pour son ignominieux "traître génétique", celui-ci avait été défendu par l'ancien bâtonnier Francis Teitgen, avec lequel JPM a eu des démêlés professionnels sérieux.
Si la célébrité peut apparaître comme une défaite, c'est qu'on perçoit bien comme le destin de Jean-Pierre Mignard a changé avec le socialisme, le droit des affaires, les exigences de la gestion et du profit, les rivalités partisanes et l'entremise conjugale et familiale puisque, paraît-il, il a été sollicité par François Hollande et par Ségolène Royal.
Quand j'affirme qu'il faut nous rendre Jean-Pierre Mignard, celui d'avant, celui qui travaillait avec Henri Leclerc, celui dont j'écoutais les plaidoiries quand j'étais en poste à Bobigny puis à Paris, c'est parce qu'il était le vrai, l'incontestable, l'éblouissant. Plus qu'un espoir, la certitude de devenir le plus grand avocat pénaliste français.
Je me souviens de cette extrême intelligence, de cette langue parfaite, de cette vigueur humaniste mais toujours argumentée, de cette dialectique impeccable qui brassait les faits et les concepts. Déjà un immense avocat politique. Mais pas socialiste ni centriste. Bien mieux.
Il est anormal que cette lumière étincelante n'ait pas si peu que ce soit éclairé les ombres systématiques projetées sur lui.
Il est vrai qu'Anne-Sophie Mercier n'évoquait que celui d'après.
Pas vraiment le mien.
Qu'on nous le rende !