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Cinq ans d’emprisonnement ferme requis contre Jérôme Kerviel

Chroniques judiciaires - prdchroniques, 27/06/2012

L'avocat général, Dominique Gaillardot, a requis, mercredi 27 juin, une peine de cinq d'emprisonnement ferme contre Jérôme Kerviel. L'ancien trader a été condamné à trois ans ferme en première instance. "Monsieur Kerviel, si la banque savait, pourquoi faire des faux … Continuer la lecture

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L'avocat général, Dominique Gaillardot, a requis, mercredi 27 juin, une peine de cinq d'emprisonnement ferme contre Jérôme Kerviel. L'ancien trader a été condamné à trois ans ferme en première instance.

"Monsieur Kerviel, si la banque savait, pourquoi faire des faux ? Pourquoi tout faire pour lui cacher ce qu'elle savait ?", s'est interrogé l'avocat général.

Au fond, le procès en appel de Jérôme Kerviel pourrait se résumer à cette question. Elle a été posée, répétée par la présidente, Mireille Filippini, tout au long des débats. C'est avec elle que s'est ouvert le réquisitoire de Dominique Gaillardot. "Cette question, a-t-il ajouté à l'intention des trois magistrats de la cour, je vous demande de l'avoir toujours à l'esprit dans votre délibéré."

A cette thèse qui constitue le pilier de la défense, le représentant de l'accusation a opposé méthodiquement le dossier, et d'abord les propres déclarations de Jérôme Kerviel au début de l'affaire devant les policiers de la brigade financière et devant le juge d'instruction, Renaud Van Ruymbeke, dans lesquelles il expliquait avoir "masqué ses positions" et assurait que "la Société générale ne les connaissait pas".

L'avocat général a alors cherché à démontrer la "volonté manifeste de tromper" dont a fait preuve, selon lui, pendant des mois l'ancien trader. Il s'est arrêté sur cette année 2007 qui précède la perte historique de 4,9 milliards d'euros reprochée à Jérôme Kerviel. "De mars à juillet 2007, pendant cinq mois, il fait potentiellement perdre de l'argent à sa banque. Si elle l'avait su, quel était l'intérêt de la banque à conserver un trader qui la mettait puissamment en danger ?", demande-t-il. Au quatrième trimestre de cette année 2007, Jérôme Kerviel bénéficie d'un retour de marché qui lui permet d'obtenir un gain de plus d'un milliard. "Félicitations Jérôme Kerviel !, s'exclame Dominique Gaillardot. Mais pourtant, ce résultat positif exceptionnel sera lui aussi caché !"

Début janvier, les choses se précipitent : "Jérôme Kerviel est dans une impasse totale. Soit il dévoile son gain au risque de se perdre, soit il continue de le cacher et il persévère dans l'erreur. Dans tous les cas, il est perdant-perdant."

"Jérôme Kerviel a une parfaite connaissance des rouages, poursuit l'avocat général. Il adapte son discours en permanence. Jusqu'au bout, il fera preuve de duplicité, insiste Dominique Gaillardot, en rappelant que lors des premières interrogations sérieuses de la banque sur les résultats de son trader, celui-ci "tapait d'une main des explications fausses, fabriquait des faux mails en réponse aux questions qui lui étaient posées, et continuait de l'autre à prendre des positions à risque."

Cette "duplicité" de Jérôme Kerviel explique, selon l'avocat général, la défaillance des contrôles de la Société générale. "Rien ne permet d'étayer l'affirmation selon laquelle la banque aurait pu acquiescer aux dépassements des limites. Car pour aller au-delà des explications fournies par Jérôme Kerviel, il aurait fallu de la suspicion", a observé Dominique Gaillardot, en ajoutant: "C'est une vue de l'esprit que de déduire que ce qui est détectable doit automatiquement être détecté et au surplus analysé comme frauduleux. Dans le système financier, les contrôles cherchent l'erreur, ils ne cherchent pas la fraude. Il y a une primauté du contrôle du risque sur tout autre contrôle."

L'abus de confiance "est un délit qui porte bien son nom, a observé l'avocat général. Jérôme Kerviel a trahi la confiance que la banque lui faisait en dépassant tant son mandat que les limites qui lui étaient octroyées. Peut-être la confiance règne-t-elle à tort dans les milieux financiers."

Jérôme Kerviel est un élément plein et entier de ce système financier. Il en connaît les ficelles, les avantages en terme de rémunération et il en connaît les failles. Il sait que face au développement exponentiel de la banque, les mécanismes de contrôle de la banque n'ont pas vraiment suivi. Mais de là à en exploiter les défaillances ! Jérôme Kerviel n'est ni un génie de l'informatique ni l'inventeur d'un procédé de fraudes, ce n'est qu'un habile manipulateur, qu'un trader qui a fait preuve de duplicité, voire de perversité à l'égard de sa hiérarchie."

"La seule vraie question est de savoir en quoi la défaillance de la banque pourrait affecter en quoi que ce soit la responsabilité pénale de Jérôme Kerviel. Il ne faut pas inverser les rôles. Lui seul a pris l'initiative de ses positions extravagantes. La Société générale a été mauvaise dans son système de contrôle interne. Ce sont des carences qu'il lui appartient de corriger, comme l'a relevé la commission bancaire. Mais rien dans ces carences ne saurait faire de la banque un coresponsable. Non, M. Kerviel, ce n'est pas M. Cordelle, pas M. Rouyère, pas M. Bouton, qui ont fait des faux. C'est vous et vous seul qui l'avez fait. C'est vous et vous seul qui devez en répondre. Ce que l'on vous reproche, ce n'est pas de vous être trompé, c'est d'avoir trompé !"

La "clé de ce dossier", a conclu l'avocat général, est à rechercher dans les "valeurs véhiculées par le monde des traders, où l'on ne cesse de comparer ses bonus, par la culture spécifique des salles de marché, par le montant faramineux de ces bonus, par ce mercato international où les traders se vendent au plus offrant. Il y a une tentation de se sentir plus fort que les marchés, Jérôme Kerviel y a succombé. Si Jérôme Kerviel est victime de quelqu'un, ce ne peut être que de lui-même."

A propos du remboursement du préjudice demandé par la Société générale, soit 4,9 milliards d'euros, Dominique Gaillardot a souligné : "Je peux comprendre qu'un tel montant puisse susciter l'émotion. Mais face à la faute pénale, il ne saurait en l'état du droit y avoir de partage de responsabilité" entre l'auteur et la victime. "Peut-être qu'un jour cette jurisprudence devra évoluer", a-t-il conclu à l'adresse de la cour.

Plaidoirie de la défense jeudi 28 juin.

 

 

 


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