La nausée du samedi soir
Justice au singulier - philippe.bilger, 22/10/2012
Qu'on m'épargne les conseils habituels du genre "ne regardez pas la télévision" ! Il se trouve que samedi dernier, à tort ou à raison, j'avais envie d'entendre Jean-François Copé (JFC) qui a autant d'assurance et d'intolérance que j'ai d'antipathie pour lui. Il a donc fallu attendre et supporter le pire longtemps au cours de l'émission "On n'est pas couché" (ONPC) où Laurent Ruquier débarrassé des talentueux Zemmour et Naulleau se caricature encore plus lui-même.
Trois regards, trois aperçus qui montrent à quel point la tentative de mêler l'histrionnisme au sérieux détruit le second et porte au comble le premier.
Le cannabis est évoqué.
Ruquier pouffe selon son habitude, rit de ses propres plaisanteries avant tout le monde de peur que le public perçoive qu'il n'y a pas de quoi rire. C'est épuisant. Bigard et Baffie sont présents pour se faire servir la soupe promotionnelle et ce dernier est très fier de s'entendre dire qu'il prend du cannabis pour écrire. Natacha Polony est vaguement gênée mais laisse entendre par son air qu'elle en a un peu goûté. Seuls Chloé Lambert et Stanislas Mehrar ont de la tenue et semblent réservés par rapport à ce qui apparaît clairement comme une adhésion vulgaire à la chose, une compréhension bête, molle et conformiste de cette substance.
Plus tard, quand JFC dénoncera les propos de Vincent Peillon sur sa proposition de légalisation du cannabis, les mêmes qui s'étaient esclaffés feront semblant d'être graves et de réfléchir sans qu'aucun téléspectateur ait pu oublier leur choquante pantalonnade initiale. Comment attacher le moindre crédit à une équipe qui se moque comme d'une guigne des sujets qu'elle traite et souffle la dérision stupide et faussement progressiste avant de jouer, sur le même thème, l'apparente retenue ?
Aymeric Caron fait tout ce qu'il peut pour maintenir une certaine qualité de pensée dans cet univers honteux pour le samedi soir comme si ce dernier devait être forcément sacrifié sur l'autel de la médiocrité. Mais il est lourd, très lourd. On sent qu'il s'échine, qu'il s'acharne à manifester sa liberté et sa partialité en face de JFC mais qu'à force de vouloir se montrer indépendant et calmement hostile, il en oublie le principal. Devant les protestations comiques de grande probité et d'exemplarité morale que JFC s'offrait à lui-même, pourquoi ne lui a-t-il pas tout simplement posé cette question : "considérez-vous comme une attitude décente de la part d'un ministre du Budget de se faire inviter, tous frais payés, par un Takkiedine ?" Il n'était même pas nécessaire de se prononcer sur le versant judiciaire qui en effet ne concerne pas, en l'état, JFC mais de faire valoir qu'entre la parfaite honnêteté et l'implication transgressive, il y a pour un homme public ce qu'il doit à l'éthique, à l'allure et ce qu'il se doit. Il y a en certaines circonstances un impératif d'abstention que Brice Hortefeux a négligé de la même manière.
Tonalité générale insupportable. Un Ruquier omniprésent, incapable de se mêler au débat sans montrer sa bouille réjouie et la gaîté qu'il s'inspire. Un Baffie saoulant, sortant des saillies plus ou moins adaptées et opportunes, dont il attendait les retombées avec une modestie affectée et une impatience vive, un Bigard s'efforçant - avec du mal - de ne pas être à la hauteur de sa sale réputation. Une Natacha Polony très en deçà : à l'évidence elle connaissait trop bien JFC.
Un mélange de minuscules pépites et de nausée massive.
Il est miraculeux que JFC ait pu proférer dans une telle ambiance quelques phrases articulées.
Un désastre.
C'est cela, France 2 ?