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Malek Boutih fait encore des siennes !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 26/10/2015

Cette évidence a le mérite de battre en brèche ce qui depuis plus d'un an, à droite comme à gauche, est martelé dans les têtes : Marine Le Pen sera forcément présente au second tour. Avec des adversaires qui l'espèrent, la volupté démocratique occultée par une apparente angoisse républicaine : parce qu'ils seraient sûrs de l'emporter ! Comme si on était, aussi et surtout, fatigué par avance de s'opposer à ce que la paresse civique et la pauvreté de l'offre politique prétendent fatal.

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Il est député PS de l'Essonne.

Il est intelligent, a du talent et a toujours eu du mal avec les structures partisanes. C'est la raison pour laquelle les médias le sollicitent beaucoup mais que les socialistes tremblent quand il répond - rarement - aux invitations. Entre sa liberté et la discipline, il choisit trop souvent, à l'encontre des adeptes de l'orthodoxie, la première.

Mais quelle étrange mouche l'a piqué quand il a déclaré, lors d'un débat avec Alain Finkielkraut, que "c'était joué, qu'il ne voyait pas comment le FN pourrait ne pas gagner en 2017" (BFMTV) !

Il est sûr que sa parole a été réfléchie et maîtrisée et que, de sa part, à l'évidence il y a un dessein politique derrière ce pessimisme vigoureusement explicite.

Pourquoi considère-t-il comme acquise une victoire qui en 2017 n'aura pas lieu ? Pourquoi provoque-t-il non seulement les socialistes mais l'ensemble de la classe politique en affichant comme inéluctacle une victoire de Marine Le Pen ? Alors que les plus optimistes supputent que l'écart sera sensiblement réduit par rapport à la confrontation de 2002 (peu démocratique dans ses modalités) entre son père et Jacques Chirac mais qu'elle sera encore battue ?

Malek Boutih désire-t-il alerter la gauche qui ne serait pas assez consciente du risque, assez vigilante ? Pourtant elle est obsédée par le FN autant que la droite classique et on a pu constater récemment l'intervention d'un singulier mais peu crédible duo - Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Cambadélis - lors de la pantalonnade de France 2.

De Malek Boutih dont la personnalité échappe au cadrage ainsi qu'aux pensées convenues et convenables, on peut tout attendre. Et donc on a le droit de se livrer à des interprétations qui pour d'autres seraient inconcevables.

Ce tocsin verbal si vivement sonné n'aurait-il pas eu pour ambition iconoclaste non pas de mettre en garde mais se souligner que le FN ne pouvait que recueillir les fruits d'un état désastreux de la France et que, traitant des bonnes questions - la phrase de Laurent Fabius demeure plus que jamais d'actualité - il donnait des réponses qu'en 2017 la majorité ne jugerait plus nécessairement fausses ? Que les conséquences étaient implacables quand on n'agissait pas sur les causes qui les faisaient advenir ?

Malek Boutih pointe-t-il ostensiblement son esprit et sa capacité d'analyse sur ce que la gauche dogmatique refuse de prendre en compte en faisant ainsi le lit du FN ? En raison de l'attention qu'il a toujours portée aux problèmes de justice, il est clair, si ma vision est pertinente, que la politique pénale erratique de Christiane Taubira était notamment dans son collimateur.

Allons plus loin. Il est tout de même stupéfiant de la part du PS et de ce pouvoir de regarder passer le train d'une déroute prévisible aux élections régionales et d'une élimination probable en 2017 sans qu'ils s'émeuvent outre mesure. Comme si le fait que leur président de la République - au plus bas dans les sondages mais le pire est que même les rares bonnes choses qu'il entreprend ne le font pas remonter - ne sera probablement pas au second tour les laissait tétanisés, passifs, presque indifférents.

Malek Boutih, avec son annonce provocatrice, projette la lumière non plus seulement sur le FN mais sur la responsabilité du socialisme qui lui permet d'engranger. Implicitement il interpelle ceux pour qui François Hollande demeure le candidat naturel pour 2017 puisqu'il a été élu en 2012 et que la médiocrité d'un bilan n'a jamais interdit au moins de se représenter. On l'a constaté avec Nicolas Sarkozy en 2012.

Il contraint chacun à un examen de conscience dans son camp. Il laisse entendre sans équivoque qu'avec François Hollande on aura le FN au pinacle et que sans lui la gauche et la démocratie auraient une chance.

Il rejoint ainsi le point de vue du très fin Thierry Mandon qui dans l'entretien vidéo qu'il a bien voulu m'accorder continue à souhaiter une primaire à gauche pour 2017 avec un président qui verrait ou non confirmer sa légitimité pour 2017. Mais ce pourrait être à sa place Manuel Valls ou, rêvons, Emmanuel Macron.

Qu'on se rassure.

En face de Malek Boutih, il y aura toujours quelqu'un de son parti qui le contredira. C'est Julien Dray qui a apporté la note raisonnable, volontariste et sans doute la plus opératoire pour la République. Il a affirmé que la présence de Marine Le Pen au second tour n'était absolument pas inéluctable et que le combat politique était susceptible de changer une donne au demeurant souple et volatile, en tout cas aujourd'hui incertaine.

Cette évidence a le mérite de battre en brèche ce qui depuis plus d'un an, à droite comme à gauche, est martelé dans les têtes : Marine Le Pen sera forcément présente au second tour. Avec des adversaires qui l'espèrent, la volupté démocratique occultée par une apparente angoisse républicaine : parce qu'ils seraient sûrs de l'emporter !

Comme si on était, aussi et surtout, fatigué par avance de s'opposer à ce que la paresse civique et la pauvreté de l'offre politique prétendent fatal.


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