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Clause de non concurrence : les limites posées par la Cour de cassation à la liberté contractuelle

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch et Weena Laigle, 23/03/2012

La Cour de cassation réaffirme, avec sa décision du 25 janvier 2012, la primauté de la liberté du salarié d’exercer une activité professionnelle sur la liberté contractuelle.
Depuis les arrêts du 10 juillet 2002, l’on sait que la clause de non concurrence doit faire l’objet d’une contrepartie financière, outre le fait que cette dernière doit être proportionnée aux intérêts légitimes de la société qui la met en œuvre (c’est-à-dire être limitée dans son objet, dans le temps et l’espace).

Les problématiques qui ont émergé à la suite de ces arrêts concernent essentiellement la fixation du montant de cette indemnisation que les entreprises souhaitent le moins élevé possible mais qui doit être suffisant pour être valable.

En d’autres termes, la clause de non concurrence pose parfois quelques difficultés s’agissant de la fixation du « juste prix » !

Le juge n’ayant pas la possibilité d’en diminuer ou d’en augmenter le montant, cette dernière n’ayant pas la nature d’une clause pénale mais d’un salaire, seul le contrat de travail peut en prévoir le montant.

Toutefois, ce montant ne doit pas être dérisoire au risque de voir la clause de non concurrence sanctionnée par la nullité que seul le salarié peut réclamer en justice.

De même, ce montant ne peut varier au gré de la volonté des parties, ce que rappelle la Cour de cassation.

I. 1er coup de canif dans le contrat : le montant de la clause de non concurrence ne peut varier selon la motivation du licenciement:
Les stipulations contractuelles trouvent ainsi leurs limites dans les décisions des magistrats qui sanctionnent les contrats de travail qui prévoient une variation du montant de l’indemnité de non concurrence selon la motivation de la rupture.

En effet, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que quels que soient les motifs de la rupture, le salarié doit percevoir le montant de la contrepartie financière de sorte que le contrat de travail ne peut prévoir une exonération de ce versement en cas de faute grave du salarié.

II. Le montant de la contrepartie financière ne peut varier suivant la durée du contrat de travail et ne peut être versée au cours de l’exécution de ce dernier
Une décision du 7 mars 2007 avait jugé que « la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a pour objet d'indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail, est tenu d'une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi ; que son montant ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat ni son paiement intervenir avant la rupture ».

En l’espèce, le contrat de travail stipulait que la contrepartie financière était versée à la salariée au cours de l’exécution de son contrat de travail par l’intermédiaire d’une majoration de salaire et qu’elle ne s’appliquerait qu’au-delà de 5 ans d’ancienneté.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en jugeant, d’une part, que le montant d’une clause de non concurrence ne peut dépendre uniquement de la durée d’exécution du contrat.

Les Hauts Magistrats indiquent, d’autre part, que le paiement de la contrepartie financière d’une clause de non concurrence ne peut se traduire par un pourcentage du salaire et des commissions versé en cours d’exécution contractuelle, le versement de cette contrepartie ne pouvant intervenir qu’après la rupture du contrat de travail.

III. La décision du 25 janvier 2012 : le montant de la clause de non concurrence ne peut varier suivant le mode de rupture
Dernièrement, la Cour de cassation est allée plus loin dans son raisonnement puisqu’elle interdit à un contrat de travail de faire varier le montant fixé suivant le mode de rupture appliqué .

En l’espèce, le contrat prévoyait qu’en cas de démission du salarié, l’indemnité de non concurrence était divisée par deux.

La Haute juridiction sanctionne cette disposition au visa de l’article L.1121-1 du code du travail et du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, principes déjà invoqués par la Cour de cassation dans ses attendus du 10 juillet 2002, l’atteinte à la liberté du travail étant identique quel que soit le mode de rupture.

Ainsi, la contrepartie financière prévue au contrat de travail doit pouvoir être prévisible et fixe dans son montant dès la signature du contrat de travail et ne peut varier au moment de la rupture de ce dernier pour quelque raison que ce soit.

IV. Quid de la variation de la durée de la clause de non concurrence suivant l’ancienneté du salarié ?
Cette question reste ouverte.

En effet, peut-on faire varier, non pas le montant de cette indemnité, mais la durée d’application de cette dernière après rupture du contrat de travail suivant l’ancienneté acquise par le salarié au moment de la rupture ?

On peut légitiment penser que plus un salarié acquiert de l’ancienneté au sein de l’entreprise plus la durée de la clause de non concurrence peut être augmentée corrélativement afin de préserver les intérêts légitimes de l’entreprise vis-à-vis d’un salarié plus expérimenté et donc plus susceptible de nuire aux intérêts de l’entreprise s’il rejoignait la concurrence.

La Haute juridiction ne semble pas avoir été saisie, à notre connaissance, de cette question et les arrêts précités, ne traitant que de la variation du montant, ne permettent pas de présupposer ce que pourrait être la décision de la Cour de cassation dans une telle situation.

A suivre donc !


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