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Le procès Achoui, entre farce et terreur

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 1/10/2013

Depuis le début du procès, il goûtait l'ombre reposante dans laquelle le laissaient les colères et les caprices de Karim Achoui - il a fini par déserter l'audience - et les multiples provocations de Djamel Hakkar, sur lequel quatre gardes … Continuer la lecture

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Depuis le début du procès, il goûtait l'ombre reposante dans laquelle le laissaient les colères et les caprices de Karim Achoui - il a fini par déserter l'audience - et les multiples provocations de Djamel Hakkar, sur lequel quatre gardes veillent, prêts à bondir, depuis qu'il a tenté d'étrangler l'un des avocats assis au pied du box. Par contraste, Jacques Haddad offrait à la cour et aux jurés l'image d'un homme placide qui, chaque jour, venait s'asseoir discrètement aux côtés de son avocat, Me Pierre Haïk, dans le prétoire où il comparaît libre.

Des six hommes qui sont jugés pour la tentative d'assassinat de Karim Achoui devant la cour d'assises de Paris, il est pourtant le plus "capé" dans la hiérarchie du grand banditisme. Sa réputation, les liens qui l'unissent à Ruddy Terranova, formellement reconnu par Karim Achoui comme étant l'homme qui lui a tiré deux balles dans le corps,  sa proximité avec une autre figure du grand banditisme, Fabrice Hornec, font de lui, aux yeux de l'accusation, l'un des commanditaires du guet-apens tendu à l'ex avocat le 22 juin 2007.

Lorsqu'il s'avance à la barre, lundi 30 septembre, pour répondre à l'interrogatoire de la présidente Xavière Simeoni, Jacques Haddad affiche l'allure tranquille de celui qui en a vécu d'autres. "Je n'ai rien à voir dans cette affaire, ni de près, ni de loin", affirme-t-il. Sur ses rendez-vous avec Ruddy Terranova, dans les semaines et dans les jours qui précèdent la tentative d'assassinat, il déroule ses réponses toutes prêtes.  La première fois, c'est "pour une panne de véhicule", la seconde, "pour récupérer des effets de bébé, ma femme allait accoucher, elle avait insisté pour que j'aille les chercher". "Mais votre enfant est né deux mois plus tard!", relève Xavière Simeoni. "Il faut se préparer à l'avance, vous savez bien, Madame la présidente".  Imperturbable, Jacques Haddad dresse l'inventaire : "Il y avait une poussette, un maxi cosy, des vêtements..."  La présidente le coupe: "Lors de la perquisition à votre domicile, on a trouvé huit téléphones portables, dont un qui servait exclusivement à appeler Ruddy Terranova. - "Je les change souvent, parce que des fois, on est harcelé au téléphone". Xavière Simeoni poursuit: "On trouve aussi des lettres de Ruddy Terranova cachées sous votre matelas. - Oh, elles ont dû glisser, Madame la présidente, je n'ai rien à cacher sous les matelas". 

 Xavière Simeoni en lit une qui date d'août 2007, dans laquelle le tireur présumé lui prête serment d'allégeance, se défend d'être un "poucave" -"Poucave, je le dis pour les jurés, veut dire balance explique Jacques Haddad - "Rappelle toi ce que j'ai fait pour toi. Entre toi et moi, c'est à la vie à la mort.", écrit Ruddy Terranova.  "Que veut-il dire par là? demande-t-elle à l'accusé. "Son amitié sans doute" répond Jacques Haddad.

- Et ces coups de téléphone que vous échangez avec Ruddy Terranova, la veille des faits et à plusieurs reprises le lendemain? 

- On parlait de tout et de rien, Madame la présidente.

- Connaissez-vous la famille Hakkar?

- Pas du tout.

- Et les Hornec?

Jacques Haddad marque un temps d'hésitation. Son ton, soudain, se fait moins léger.

- Je connais Fabrice, on a le même goût pour les voitures.

- Il dit que vous êtes "ses yeux et ses oreilles". Vous confirmez?

- Euh, c'est juste une expression...

La présidente extrait alors des scellés un lot de lettres signées "Fabrice", retrouvées elles aussi au domicile de Jacques Haddad, dans lesquelles figure le nom de Karim Achoui et des sommes d'argent qui lui auraient été versées - 40.000 euros, 200. 000 euros pour "acheter un appartement".

L'une de ces lettres retient particulièrement l'attention de Xavière Simeoni. Un feuillet recto verso sur lequel le même Fabrice a fait figurer la mention du destinataire "Pour le baveux". "Tu es un vicieux, moi, je suis un malin. J'ai peur de personne. Si tu continues à pas vouloir me rendre mon argent, tu vas mal terminer. Il vaut mieux pour toi qu'on règle cette histoire au plus vite". Suit une sinistre succession de menaces : "on va te descendre à la cave avec ta famille pour te faire enc...par le mec qui a le SIDA parce que ce serait trop gentil de t'envoyer directement boulevard des allongés".

A la barre, Jacques Haddad se balance d'un pied sur l'autre.

- Pourquoi vous a-t-on donné cette lettre? lui demande Xavière Simeoni.

- Je n'ai pas souvenance, Madame la présidente.

- De quel "baveux" parle-t-on?

Un long silence.

- Je ne sais pas.

- Pourquoi l'avez-vous conservée?

- Euh, je pensais qu'elle n'avait rien de compromettant.

 

 

 

 

 

 


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