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Procès Xynthia: Le conflit d’intérêt au coeur de l’interrogatoire de l’ex adjointe à l’urbanisme

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 8/10/2014

Il prend tellement de place, René Marratier, avec sa carrure et ses maladresses que depuis le début du procès Xynthia, on ne prêtait pas attention à la trotte-menue qui, chaque jour, se glisse à ses côtés sur le banc des … Continuer la lecture

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Il prend tellement de place, René Marratier, avec sa carrure et ses maladresses que depuis le début du procès Xynthia, on ne prêtait pas attention à la trotte-menue qui, chaque jour, se glisse à ses côtés sur le banc des prévenus. On avait tort. Il n'a fallu que quelques minutes d'interrogatoire, mercredi 8 octobre, pour que sous la discrète Françoise Babin perce l'autorité tranchante de l'ex première adjointe de la commune de la Faute-sur-Mer et surtout ancienne présidente de la commission d'urbanisme, deux fonctions qui lui valent d'être poursuivie elle aussi pour homicides involontaires et mises en danger.

Mais ce qui intéresse beaucoup le tribunal et encombre considérablement la défense de la dame, ce sont ses activités passées de promoteur immobilier - dans lesquelles son fils, lui aussi prévenu, lui a succédé - et son solide patrimoine foncier. Ce point avait été jugé suffisamment sensible pour que le magistrat instructeur s'interroge sur une éventuelle prise illégale d'intérêts avant de prononcer un non-lieu, faute d'éléments probants. La suspicion, elle, est restée.

Elle est d'autant plus présente dans les questions posées à Françoise Babin que, parmi les lotissements submergés lors du passage de la tempête Xynthia dans la nuit du 27 au 28 octobre 2010, figurent plusieurs pavillons commercialisés par son fils et dont l'enquête a révélé qu'ils ne respectaient pas les normes de sécurité fixées pour l'attribution des permis de construire en zone inondable. Plusieurs d'entre eux étaient en effet des maisons de plain-pied alors que le plan de prévention des risques d'inondation prévoyait explicitement le respect d'une "cote de référence" supérieure à 4 mètres, qui interdisait l'usage résidentiel des rez-de-chaussée.

Comme l'ancien maire René Marratier, Françoise Babin affirme avoir tout ignoré de cette fameuse "cote de référence" et s'abrite derrière la responsabilité des services instructeurs des permis de construire de la direction départementale de l'équipement, qui a accordé un avis favorable à ces constructions. Mais là où René Marratier excipait de sa "faible intelligence" et de ses "humbles moyens" de "garagiste et transporteur" qui faisait "confiance aux ingénieurs", l'ancienne professionnelle de l'immobilier a plus de mal à convaincre.

- Il eût été préférable que les services de l'Etat se mettent autour d'une table avec nous pour discuter et nous expliquer. On n'en serait pas arrivé là!, dit-elle.

- Il eût été utile, Madame, que vous vous renseigniez, réplique sèchement le président en insistant sur son titre de "présidente" de la commission d'urbanisme. Surtout, observe-t-il, en sa qualité d'ex promoteur immobilier, elle ne pouvait ignorer l'impact commercial négatif que représentait la contrainte de bâtir une maison à étage, dans une commune très majoritairement prisée par des résidents secondaires retraités. A fortiori quand certains de ces lotissements sont proposés à la vente par son propre fils.

Françoise Babin se cabre.

Elle n'a, rappelle-t-elle,  "jamais" apposé sa signature sur un document relatif à un projet immobilier porté par son fils, qu'elle appelle pour l'occasion "Monsieur Babin". "Je présentais le dossier en commission mais je me retirais au moment de la délibération", souligne t-elle.

- Pourquoi avez-vous intégré la commission d'urbanisme? lui demande Me Valérie Saintaman, qui ouvre l'interrogatoire des avocats des parties civiles.

- C'est un domaine qui m'intéressait.  Mais j'aurais mieux fait de m'occuper du social, je ne serai pas là aujourd'hui!

Me Corinne Lepage est encore plus directe.

-Savez-vous ce qu'est un conflit d'intérêt? 

- Bien sûr, Maître. 

- Qu'est-ce que c'est? 

- Mes avocats me demandent ne pas répondre, dit maladroitement Françoise Babin.

Me Lepage poursuit.  

- Avez-vous une idée de ce que l'indivision Babin a gagné en lotissements à la Faute-sur-Mer?

- Je ne répondrai pas.

- Eh bien moi, je vais répondre: 200 maisons.

- Avez-vous une idée de ce que cela représente comme argent?

- Je ne répondrai pas.

- Eh bien moi, je vais répondre: au bas prix, 30.000 euros par terrain que l'on multiplie par 200. Donc, Madame, votre intérêt très personnel dans ces lotissements représente des sommes considérables.

Poursuite des débats jeudi 9 octobre avec l'interrogatoire de Philippe Babin.

 

 

 

 

 

 

 


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