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Le pouvoir de la normalité

Justice au singulier - philippe.bilger, 15/01/2013

Le pouvoir de la normalité est très relatif et François Hollande, en tout cas, n'est pas simple.

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Depuis le 16 mai, le président Hollande et sa normalité réjouissent ou attristent la France, c'est selon.

Pour ma part, je continue à ne voir que des avantages à une pratique de l'Etat plus sereine, moins exacerbée, moins agitée. Moins narcissique, plus démocratique.

En même temps, comment ne pas prêter attention aux limites de cette normalité précisément dans le domaine où on aurait cru ses effets indiscutablement positifs : celui de la vie privée, de la vie amoureuse ?

Quand Ségolène Royal, dans le dernier livre de Michèle Cotta, s'épanche non seulement sur le plan politique mais sur celui de son intimité d'hier et de son infortune d'aujourd'hui, elle agite infiniment ce qui aurait vocation à demeurer à l'abri, tranquille et même ignoré. Elle nous fait écouter à sa, leur porte.

Expliquant le comportement et la jalousie de la compagne du président par le "complexe de Rebecca", elle n'hésite pas, avec François Hollande, à se qualifier de "couple mythique" et constate - si on l'entendait, il y aurait dans sa voix plus qu'une pointe de triomphe - qu'il est impossible de l'effacer, "elle et ses enfants" (lepoint.fr).

Ce qui me semble évident, mais était-il nécessaire de le souligner alors que la responsabilité politique qu'elle fait peser sur François Hollande mais surtout Lionel Jospin pour ses échecs, notamment à La Rochelle, est autrement plus importante ?

Dans la manifestation d'hier, un slogan, considéré par beaucoup comme le plus drôle, en tout cas le plus caustique et plus personnel, conseillait à François Hollande : "François, marie-toi, après on en reparlera" (Le Figaro).

Cette facétie doit-elle seulement faire rire ou, derrière son apparente légèreté, justifie-t-elle qu'on se penche vite sur elle ?

Au risque de me voir taxer d'esprit "cherchant la petite bête" ou ennuyeux à force de dégrader le futile en y mettant de la gravité, j'avoue tout de même que ce président est étonnant qui va permettre, par la voie parlementaire, le mariage à ceux pour lesquels naturellement il n'est pas fait et se le refuse à lui qui y serait accordé grâce à l'alliance que l'amour pourrait nouer avec le rituel républicain.

Ce paradoxe ne laisse pas de me surprendre même si sans ironie j'admire une telle capacité pour l'humanisme abstrait et généreux qu'on puisse désirer pour tant d'autres qui n'en ont pas besoin ce qui serait utile et bienfaisant pour soi.

Mais derrière ces plaisanteries et ces ressentiments il y a quelque chose de grave qui touche le pouvoir de la normalité à la mode de François Hollande.

On a beaucoup reproché à l'ancien président la vulgarité et l'indélicatesse de certaines de ses péripéties amoureuses, encore plus grotesquement rapportées par un Séguéla dont je trouve lamentable que les médias l'invitent d'autant plus qu'il est, au fil du temps, de plus en plus ridicule, pourtant, dans ses avis branchés.

Mais force est de reconnaître qu'ayant atteint un pic, ces errements se sont rapidement "normalisés" et qu'on a par la suite moins évoqué l'histoire privée de Nicolas Sarkozy et de son épouse (à l'exception de l'inévitable curiosité pour la naissance de la petite Giulia) que les actions bonnes ou mauvaises du président.

François Hollande, aussi normal qu'il soit, ne cesse pas d'être victime ou responsable d'un processus qui pratiquement chaque jour met en évidence les méandres et les malaises d'un jeu de pouvoir et d'amour qui nous fait au moins considérer qu'il s'agit d'une normalité bien compliquée. Avec Nicolas Sarkozy, il y a eu deux ou trois paroxysmes vite étouffés, avec François Hollande c'est une histoire qui dure.

Le pouvoir de la normalité est très relatif et François Hollande, en tout cas, n'est pas simple.


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