Parrainages : La politique s’effondre devant le droit
Actualités du droit - Gilles Devers, 3/02/2012
Encore une bulle de mon ami Nicolas. Un journaliste l’interroge sur le fait que Marine – entre 15 et 20% d’intentions de vote – ne sera peut être pas candidate pour défaut de parrainages, et Nicolas réplique qu’il a autre chose à faire que de régler les problèmes du FN. Certes. Mais une heure plus tard, part de l’Elysée un communiqué expliquant que les élections présidentielles doivent correspondre aux réalités politiques du pays,… le pays concerné étant le Sénégal ! Sacré Nicolas, tu nous manqueras.
Hier, Marine a marqué un grand coup avec l’arrêt du Conseil d’Etat (2 février 2012, n° 355137) qui a transmis au Conseil Constitutionnel la question de savoir si exiger la publication du nom des maires qui parrainent les candidatures était conforme à la Constitution. Belle victoire, parce que la procédure n’avait rien d’évident, que le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcéle 14 juin 1976 (n° 76-65 DC), et que le gouvernement avait déposé un mémoire soutenant que ce recours était nul.
L’arrêt du Conseil d’Etat ne se contente pas de donner raison au FN. Il file une bâche XXL au gouvernement. En d’autres temps, cela m’aurait consterné. Mais, depuis 2007, Nicolas squatte le fonds de commerce de la SARL Le Pen, et tous les thèmes FN sont mis en musique par son cabot triste à tête de Monseigneur. L’UMP et le FN se disputent le même butin : les fruits véreux des amours incestueux de la xénophobie et de la bêtise.
L’argument de Marine est bien vu : un changement de circonstances justifie un nouvel examen de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel s’était prononcé en 1976, mais la vie politique a changé.
En fait, car « le parrainage est devenu un véritable soutien politique », la décentralisation et l’intercommunalité « accentuant la dépendance des maires des petites communes à l’égard des collectivités de grande taille ». Qui peut dire le contraire ?
En droit, car la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 4 de la Constitution, en ajoutant : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Oki, a répondu le Conseil d’Etat, par une décision très motivée : la question est suffisamment sérieuse pour être transmise au Conseil constitutionnel.
Et voilà notre impayable Conseil constitutionnel à nouveau au cœur de la vie politique.
Il va commencer par annuler la loi sur la pénalisation du génocide arménien de 2012, génétiquement inconstitutionnelle, et il fera tomber par voie de conséquence la loi de 2001. Je vois déjà le p’tit nerveux encore plus nerveux, et Erdogan offrant une grande réception à l’Ambassade. Ca sera très chou.
Quinze jours plus tard, le même Conseil constitutionnel, suivant la voie si bien ouverte par le Conseil d’Etat, va faire tomber la question des parrainages, demandant au Parlement de trouver d’urgence une solution pour que les candidats répondent aux « expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Quant la politique est faible, c’est le droit qui devient régulateur. Chères amies et chers amis, retirez de toute urgence vos enfants de Sciences-Po, et inscrivez les vite à la faculté de Droit. La Gauche (enfarinée ou non) est politiquement aussi faible que la Droite, et c’est à partir du droit que la société va s’organiser.
Platon et Socrate, revenez vite, ils sont tous devenus fous !
L'Ecole d'Arthènes, Raphaël, 1508, Musée du Vatican