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Emmanuel Macron est parti avec un handicap !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 11/05/2020

Le président français court avec un poids très lourd sur ses épaules. Il avance mais mal, il convainc mais peu. Le déconfinement va-t-il représenter une embellie ou une chute ?

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Le déconfinement commence avec un premier couac. La loi d'état d'urgence sanitaire n'a pas été promulguée dans les délais parce que le Conseil constitutionnel ne rendra son avis que le 11 mai (Le Figaro).

Sur l'action du gouvernement et la confiance que les Français font au pouvoir pour la gestion de l'épidémie, les sondages se suivent et se ressemblent peu ou prou. La défiance est majoritaire. Beaucoup de ministres demeurent inconnus. Et l'Union européenne n'est pas davantage appréciée (Odoxa, Ouest France, Elabe, Les Echos).

Je voudrais insister sur un point dont on néglige trop l'importance.

Quand au début du mois de janvier le président de la République s'est trouvé dramatiquement confronté, et le pays avec lui, aux effets ravageurs du Covid-19, certes le pouvoir a immédiatement pâti de la pénurie de masques, de tests et de respirateurs dont la responsabilité lui a été imputée même si deux dates clés, sur ce plan, renvoyaient à 2011 puis, surtout, à 2013.

Mais là n'est pas l'essentiel.

On oublie que le président de la République est arrivé dans l'arène sanitaire, pour un combat qui aurait pu conduire à dépasser les clivages politiques traditionnels, avec un très lourd handicap. Il n'était pas vierge de toute acrimonie citoyenne, de toute suspicion démocratique. Son bagage était déjà empli d'une charge qui dans tous les cas allait d'emblée obérer l'appréciation du pays sur le traitement intrinsèque de la lutte contre le fléau.

Emmanuel Macron a considéré à juste titre qu'il était hors de question, en pleine épidémie, de célébrer ses trois ans à l'Elysée. En effet, si on exclut l'adoption de deux lois structurelles au cours de la première année sans les oppositions radicales que certains espéraient, le pouvoir n'a plus connu ensuite que des crises graves, qu'elles soient liées à la pratique présidentielle ou au fond de la politique. L'affaire Benalla, les Gilets jaunes, les manifestations contre le projet sur les retraites, la révolte hospitalière et du monde médical (Le Parisien).

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Enfin le Covid-19.

Qui pourrait dire mieux ou pire pour un président de la République fringant lors de son élection en 2017 mais laminé en 2020 ? Même si la compétence, l'efficacité et la morale avaient permis au pouvoir de se tirer le moins médiocrement possible de tous ces guêpiers antérieurs, il ne pouvait pas prétendre affronter le désastre sanitaire avec une opinion publique majoritairement rassemblée derrière lui. C'était impossible.

Et il en paie le prix à chaque sondage. Par le cumul délétère à son détriment de l'hostilité d'hier et du doute d'aujourd'hui.

Parce que, sans surestimer son action contre le Covid-19, depuis qu'il se dépense sans compter pour la sauvegarde du pays, on ne peut pas soutenir qu'il est si mauvais que la défiance citoyenne pourrait le faire apparaître.

Le président de la République est parti à l'assaut, et son gouvernement avec lui, avec un passif certain et une désaffection forte. Le total alors fait beaucoup.

D'autant plus que le président est usé par l'emploi de certains "trucs" qui ont déjà beaucoup servi lors du grand débat national. A force de parler aux Français, ceux-ci l'écoutent de moins en moins. Le feu de paille des conclusions du grand débat. Et le verbe multiplié dans cette tragédie sanitaire au point que le Premier ministre non seulement lui dame le pion mais apparaît plus solide, plus efficace, plus crédible.

Que les autres gouvernements en Europe ne pâtissent pas du même handicap n'a donc rien d'étonnant. L'inverse aurait été surprenant.

Le président français court avec un poids très lourd sur ses épaules. Il avance mais mal, il convainc mais peu.

Le déconfinement va-t-il représenter une embellie ou une chute ?


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