La méthode Taubira
Justice au singulier - philippe.bilger, 21/11/2012
Depuis l'interpellation de Kamel Bousselat (KB) en Allemagne et sa mise en cause pour l'enlèvement, la séquestration et, craint-on, le viol de la jeune Chloé, le courage et la résistance de cette dernière, lors de la terrible épreuve qu'elle a endurée, ont été salués de même qu'à juste titre on a rendu hommage à la dignité et au souci de protection de ses parents (Boulevard Voltaire).
Au-delà, des dysfonctionnements apparemment ont été relevés.
Bousselat s'était soustrait à toute surveillance depuis sa sortie de prison le 14 septembre alors qu'il avait été soumis à un contrôle et que son passé judiciaire, notamment pour des tentatives d'agression sexuelle, l'avait rendu nécessaire.
Le fichier des auteurs d'infractions sexuelles n'avait pas été remis à jour et, le comble, les gendarmes, lors de l'enlèvement de Chloé, croyaient Bousselat encore en prison (Le Parisien, le Monde).
Il est manifeste que dans le processus de vigilance qui aurait dû s'appliquer à KB et dans le système de coordination entre les différents services - parquets, application des peines, service pénitentiaire d'insertion et de probation -, des failles et des carences ont existé. Elles ont révélé sinon des fautes professionnelles du moins des incompréhensions et des lacunes.
Lors du passionnant entretien que j'ai pu avoir avec Me Paul Lombard (Le Figaro Magazine, sous l'égide de Patrick de Méritens), j'avais souligné que si je discutais l'esprit de la politique pénale envisagée par le garde des Sceaux, en revanche je lui reconnaissais un grand talent pour gérer les problèmes liés à l'activité des magistrats et à leur carrière. Depuis six mois, rien n'est sorti de sa bouche qui puisse contredire cette indéniable qualité.
Elle en a fait la démonstration de manière éclatante au sujet de l'affaire Bousselat. Je n'ose imaginer ce qui se serait produit hier en face de telles anomalies. On aurait projeté dans l'urgence une nouvelle loi, une agitation et une exacerbation du climat en prime, avec éventuellement une stigmatisation, avant toute vérification, des magistrats et des services de probation.
Qu'a fait au contraire Christiane Taubira ?
Elle a réuni à la Chancellerie les procureurs généraux et les procureurs compétents pour être informée exactement de ce qui s'était passé, de ce qui n'avait pas été bien traité. Elle a ainsi pu identifier ce qui devait être modifié ou aménagé.
Avec une démarche tranquille et efficace. Sans colère ostentatoire ni détestation précipitée.
Elle a décidé de mettre en place un système d'alerte dont les détails ne sont pas connus mais qui aura pour but de pallier les défaillances professionnelles ou les négligences coupables dans les situations comparables à celle de KB. Je ne doute pas que, ce dispositif installé, l'autorité de Christiane Taubira - elle n'est pas discutée - saura tirer les conséquences de nouveaux errements s'il s'en produisait (Le Figaro).
Il y a une méthode Taubira. Une bonne méthode.