Encore une réforme de la procédure d'expulsion administrative des gens du voyage !
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 7/07/2011
Alors que la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit a prévu dans son article 188 que :
"Dans des matières énumérées par décret en Conseil d’État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger." (Nouvel article L. 732-1 du Code de justice administrative).voilà que le législateur semble apparemment très empressé de définir lui-même des hypothèses de dispense des conclusions du rapporteur public, et d'en faire même non pas une possibilité réservée au Président de la juridiction, mais une obligation.En effet, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, l'Assemblée Nationale, suite à un amendement parlementaire, a adopté le texte suivant modifiant encore une fois le Code de justice administrative :« Le contentieux du stationnement des résidences mobiles des gens du voyageArt. L. 779-1. – Les requêtes dirigées contre les décisions de mise en demeure de quitter les lieux mentionnées au II bis de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sont présentées, instruites et jugées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.Sauf renvoi à une formation collégiale, l’audience se déroule sans conclusions du rapporteur public. »Cette mesure a suscité l’émotion des associations de gens du voyage.
Elle est justifiée ainsi par le rapport de la Commission des lois :"Le II bis de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage a organisé une procédure d’urgence imposant au juge administratif de statuer, dans un délai de soixante-douze heures, sur une requête dirigée contre une mise en demeure adressée par le préfet à des gens du voyage qui stationnent en dehors des aires d’accueil aménagées.Pour ce type de procédures, la loi prévoit, en principe, de dispenser de plein droit le rapporteur public de prononcer des conclusions à l’audience : c’est notamment le cas de l’article L. 522-1 du code de justice administrative pour les procédures de référé, des articles L. 213-9 et L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire français opposées aux demandeurs d’asile ou le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, ou encore de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation pour le contentieux du droit au logement opposable.Aussi le présent article, renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les règles selon lesquelles les requêtes dirigées contre les décisions de mise en demeure de quitter les lieux mentionnées au II bis précité sont présentées, instruites et jugées, prévoit également qu’en principe, l’audience se déroule sans conclusions du rapporteur public. Le dispositif réserve la possibilité d’un renvoi à une formation collégiale, de sorte qu’en cas de difficulté particulière, un rapporteur public puisse être invité à conclure sur une affaire donnée."Le législateur considère donc apparemment que les dispositions issues de la loi du 5 mars 2007 n'étaient pas suffisantes en elles-mêmes pour assurer un jugement expédient de ces affaires sur la base de la procédure de référé de droit commun dispensée en tout état de cause de l'intervention du rapporteur public. Il a donc jugé nécessaire de prévoir l'édiction d'un décret pour fixer des règles de procédures spécifiques ; de ce fait, et puisque cette procédure va sortir du cadre du référé de droit commun, il a fallu introduire cette nouvelle hypothèse expresse de dispense de conclusions du rapporteur public.Finalement, la nouveauté et le danger de la disposition adoptée ne réside pas tant dans cette dispense qui semble focaliser l'attention, que dans le renvoi au pouvoir réglementaire pour définir une procédure spécifique dont il faut souhaiter qu'elle ne sacrifiera pas les garanties minimales d'une vraie justice au souci d'une efficacité et d'une rapidité maximales.