L’effacement de l’histoire, Manlio Dinucci
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/05/2015
Quand en 2015, on dit "Russie" et, en France, tout le monde se planque alors qu'il suffit de regarder une carte, et de réfléchir deux minutes à l'idée de culture, pour comprendre que les Russes sont nos frères, et que c'est avec eux que nous construirons un avenir pour nos enfants. Il y a des différents, certes, lourds, certes, mais la diplomatie, c'est fait pour dialoguer, non? Restons calmes les amis. Un président à 15% est un stagiaire protégé par les institutions et la Bourse, mais la vraie vie est ailleurs.
En 1942, quand on pensait "russes", on devait dire soviétique, et Staline. Oki, et là, depuis notre confort de 2015, on a tout pour se diviser. Et j'ajoute: il faut l'accepter. Pourquoi serions nous condamnés à être d'accord, et pour la vie, sur des sujets aussi complexes. Je l'ai dit mille fois : le débat est naturel, il est la seule manière de faire progresser les idées.
Mais pour ce soir, devant les grands événements de l'histoire, il faut savoir s'incliner. Avoir une opinion sans s'être interrogé? Cette France crétine qui se pavane dans le Golfe et n'a pas deux minutes pour se rendre à Moscou me fait flipper. Je vous recommande ce texte de l'ami Manlio.
C'est compliqué l'histoire? Oui, sauf que nous ne sommes rien si nous ne situons pas dans l'histoire: 27 millions de morts.
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Le 70° anniversaire de la victoire sur le nazisme, le 9 mai à Moscou, a été boycotté sur la pression de Washington par tous les gouvernants de l’UE, sauf le président grec, et mis sous le boisseau par les médias occidentaux, dans une tentative grotesque d’effacer l’Histoire. Non sans résultats : en Allemagne, France et Grande-Bretagne, il s’avère que 87% des jeunes ignorent le rôle de l’URSS dans la libération de l’Europe du nazisme. Rôle qui fut déterminant pour la victoire de la coalition antinazie. Après l’attaque de l’URSS le 22 juin 1941 par 5,5 millions de soldats, 3500 chars et 5000 avions, l’Allemagne nazie concentra en territoire soviétique 201 divisions, c’est-à-dire 75% de toutes ses troupes, auxquelles s’ajoutaient 37 divisions de ses satellites (parmi lesquels l’Italie). L’Urss demanda sans relâche aux alliés d’ouvrir un second front en Europe, mais les Etats-Unis et la Grande-Bretagne le retardèrent, aux fins de décharger la puissance nazie sur l’Urss pour l’affaiblir et avoir ainsi une position dominante au terme de la guerre. Le second front fut ouvert avec le débarquement anglo-étasunien en Normandie en juin 1944, quand désormais l’Armée rouge et les partisans soviétiques avaient défait les troupes allemandes en assénant le coup décisif à l’Allemagne nazie.
Le prix payé par l’Union Soviétique fut très élevé : environ 27 millions de morts, civils pour plus de la moitié, correspondants à 15% de la population (par rapport aux 0,3% des USA dans toute la Seconde guerre mondiale) ; environ 5 millions de déportés en Allemagne ; plus de 1700 villes et bourgs, 70 mille petits villages, 30 mille usines détruites.
On tente aujourd’hui d’effacer cette page fondamentale de l’histoire européenne et mondiale, en mystifiant aussi les événements successifs. La guerre froide, qui divisa à nouveau l’Europe immédiatement après la Seconde guerre mondiale, ne fut pas provoquée par une attitude agressive de l’URSS mais par le plan de Washington d’imposer la domination étasunienne sur une Europe en grande partie détruite. Ici aussi les faits historiques parlent. Un mois à peine après le bombardement de Hiroshima et Nagasaki, en septembre 1945, on calculait déjà au Pentagone qu’il fallait plus de 200 bombes nucléaires pour attaquer l’URSS. En 1946, quand le discours de Churchill sur le « rideau de fer » ouvrait officiellement la guerre froide, les USA avaient 11 bombes nucléaires, qui en 1949 grimpaient à 235, alors que l’URSS n’en possédait pas encore. Mais en cette année-là l’URSS effectua la première explosion expérimentale, en commençant à construire son propre arsenal nucléaire.
Dans cette même année l’Otan fut fondée à Washington, en fonction anti-soviétique, six ans avant le Pacte de Varsovie constitué en 1955. La guerre froide terminée, à la suite de la dissolution en 1991 du Pacte de Varsovie et de l’Union Soviétique elle-même, l’Otan s’est étendue sur pression de Washington jusqu’à l’intérieur du territoire de l’ex URSS. Et quand la Russie, s’étant reprise de la crise, a reconquis son rôle international en liant des rapports économiques croissants avec l’UE, le putsch en Ukraine, sous gestion USA/Otan, a ramené l’Europe dans un climat de guerre froide.
En boycottant dans le sillage des USA le 70° anniversaire de la victoire sur le nazisme, l’Europe occidentale (celle des gouvernements) efface l’histoire de sa propre Résistance, qu’elle trahit en soutenant les nazis arrivés au gouvernement à Kiev. Elle sous-évalue la capacité de la Russie à réagir, quand elle est envoyée dans les cordes. Elle a l’illusion de pouvoir continuer à dicter sa loi, quand la présence à Moscou des plus grands représentants des Brics, à commencer par la Chine et de nombreux autres pays, confirme que la domination impériale de l’Occident est sur la voie du déclin.