"J'ai changé" : une constante présidentielle...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 9/05/2020
On a le droit de s'offrir de petites joies avec certains travers de notre vie politique et de ceux qui ont l'honneur de présider notre pays.
Si Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron sont liés par une complicité quasi amicale, le second exploitant avec un grand art la propension du premier à se croire toujours nécessaire, autre chose les unit (voir le billet du 18 août 2019 "Macron-Sarkozy : l'habileté de l'un, la vanité de l'autre...").
En effet combien de fois, durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy ne nous a-t-il pas annoncé qu'il avait changé, moins d'ailleurs sur le plan politique que sur le plan personnel ! On pouvait faire des progrès en calcul rien qu'en dénombrant ses métamorphoses proclamées comme, d'ailleurs, dans un tout autre registre, la multitude de ses invocations à la présomption d'innocence.
Et Emmanuel Macron, notre Bonaparte de 2017 susceptible de devenir, on peut le craindre, notre Henri Queuille de 2021, n'est pas en reste, au point de nous donner le tournis. À plusieurs reprises, d'un air apparemment sincère, il nous a murmuré, quasiment sur le ton de la confidence, qu'il n'était plus le même et qu'il avait compris.
Sur le thème de l'écologie, pour les Gilets jaunes, au sujet de la réforme des retraites, pour le Covid-19 et enfin, je m'en souviens, sur sa lucidité recouvrée tenant à la confiance excessive qu'il octroyait à tel ou tel, notamment Alexandre Benalla (Huffington Post).
Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron nous ont offert, et pour le second je parie que ce n'est pas terminé, des histoires d'eux-mêmes évolutives, parfois contrastées. On ne s'ennuie pas en les laissant dérouler devant nous le fil de leurs mouvements psychologiques et politiques.
Faut-il les tourner en dérision ? je ne crois pas. Je ne suis pas sûr qu'ils aient cherché à nous tromper. Ils s'imaginaient vraiment que leurs changements affichés par le verbe allaient engendrer, dans la réalité, les voltes qu'ils souhaitaient.
Alors qu'illustres ou anonymes, au pouvoir ou non, nos tendances profondes demeurent les mêmes et qu'on s'aperçoit vite, l'âge ne faisant qu'accuser encore davantage la pente négative ou positive d'un tempérament, de cette stabilité.
Je doute par exemple que Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron se privent un jour d'une image flatteuse d'eux-mêmes.
Au fond on ne se refait pas : on s'aggrave
Il y a un paradoxe dans notre histoire politique. Les seuls qui ont indiscutablement changé sur le fond n'ont jamais eu l'envie de proclamer publiquement ces variations. Jacques Chirac ainsi a porté plusieurs casaques, influencé par des écuries parfois antagonistes. François Mitterrand a rompu en 1983 avec le catéchisme de l'idéologie socialiste qui lui avait permis de se faire élire. Mais Jacques Chirac en aurait eu trop à avouer et Mitterrand, jusqu'au bout, a tenu sur une ligne récusant le reproche d'une nouvelle orientation à tonalité libérale.
J'ai changé : une constante présidentielle. En tout cas pour Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron.
2022 sera-t-il pour le second l'équivalent de 2012 pour le premier ?