Licenciement des salariés exerçant un mandat à l'extérieur de l'entreprise
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud, 9/11/2012
Pour se prévaloir du régime de protection légale, les salariés doivent avoir informé leur employeur de l'existence de ce mandat
Le 14 mai 2012, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre sociale de la Cour de cassation, déclarait conforme aux principes d’égalité et de liberté garantis par la Constitution, les articles L 2411-1 et suivants du Code du travail .
Cette solution, encouragée par la Cour de cassation depuis près de cinq ans, n’avait jamais été consacrée par le législateur. Ainsi, le 14 septembre dernier , dès que l’occasion lui fut présentée, la chambre sociale
entérina la décision du Conseil. ( Cass, soc. 14 septembre 2012 n°11-21.307 )
1/ Le droit du travail protège les salariés titulaires d’un mandat extérieur à l’entreprise contre la procédure de licenciement dite « de droit commun ». De fait, en vertu des articles L 2411-1 et suivants du Code du travail, délégués syndicaux, délégués du personnel, représentants syndicaux du comité d’entreprise (…) ne peuvent être licenciés qu’après autorisation administrative de l’inspecteur du travail.
La méconnaissance de cette règle expose l’employeur à des sanctions à la fois civiles et pénales.
D’une part, un tel licenciement est frappé de nullité et ouvre droit à des indemnités au profil du salarié. Le non respect de cette procédure spécifique constitue d’autre part un délit au sens du droit pénal passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
La pratique révélait que si certains mandats étaient nécessairement connus de l’employeur, d’autres – parce qu’ils s’effectuaient en dehors du temps professionnel – ne l’étaient pas. Pour autant, en dépit de cette réalité, cette règle coercitive avait vocation à s’appliquer sans considération de la connaissance ou non de l’employeur dudit statut.
La Cour de cassation, dans son rapport annuel de 2007, sans remettre en cause le principe, appelait déjà le législateur à prendre en compte le fait que l’employeur de bonne foi puisse ignorer le mandat du salarié. Elle proposait ainsi que le licenciement prononcé dans l’ignorance de l’employeur soit annulé, sauf à ce que le salarié en informe son employeur dans les 15 jours. Cette solution, pourtant reformulée chaque année, ne fut jamais entendue.
2/ Suite à un durcissement de jurisprudence (sans doute pour inviter le législateur à réagir ?) la question devait à nouveau se poser.
A l’occasion d’un litige devant la chambre sociale , les requérants invoquaient une atteinte aux droits des employeurs : était contesté le fait que les salariés affiliés à la Sécurité Sociale puissent bénéficier de la protection légale attachée à leur statut alors même qu’ils n’avaient pas obligation d’en informer leur employeur ( Cass. Soc. 7 mars 2012 n°11-40.106 ) .demandaient à ce que la question soit transmise au Conseil Constitutionnel par la voie de l’art 61-1 de la Constitution.
La chambre sociale permis que la question, jugée sérieuse, soit portée devant le Conseil, lequel devait se prononcer sur la conformité des articles L 2411-1 13°, L 2411-3 et L 2411-18 du Code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution :
Le Conseil relève dans un premier temps que l’impératif d’indépendance des salariés, qui préside à l’existence de cette règle, implique ce régime dérogatoire et la préserve, dans son principe, de toute atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.
Il écarte ensuite la non conformité de la sanction pénale en rappelant qu’il n’existe pas de délit sans intention de le commettre. La chambre criminelle ne pourra plus, comme dans le passé , retenir la responsabilité pénale d’un employeur qui ignorait de bonne foi le statut de son salarié. ( Cass, crim. 30 novembre 1999 n° 99-81.885 ). S’agissant de la sanction civile, le Conseil déclare conforme l’article L 2411-1 13° sous réserve d’interprétation.
Puisque la protection accordée au salarié résulte d’un mandat extérieur à l’entreprise, celui ci ne pourra s’en prévaloir, sauf à méconnaitre la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle, s’il n’en informe pas son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement ou avant la notification de la rupture.
Par ailleurs, les dispositions contestées sont déclarées conformes au principe d’égalité devant la loi en ce qu’elles ne soumettent pas des personnes placées dans des situations identiques à des règles différentes.
3/ Le 14 septembre dernier, la chambre sociale, de nouveau saisie d’un tel litige, fit application de la décision rendue quelques mois plus tôt par le Conseil Constitutionnel.
Après avoir rappelé le principe dans un attendu liminaire, elle étend la solution initialement prévue aux salariés affiliés à la Sécurité Sociale aux autres mandats protégés par le Code du travail.
De la même manière, le salarié qui entend se prévaloir du régime de protection légale doit informer son employeur de son mandat ou bien rapporter la preuve de sa connaissance, quel que soit le mode de rupture, notamment lorsqu’aucun entretien préalable n’est requis.
Cette nouvelle jurisprudence semble sécuriser les employeurs qui, de manière légitime, peuvent ignorer l’existence d’un mandat extérieur à l’entreprise de l’un de leurs salariés.
Il appartient désormais à ces derniers d’informer ou non leur employeur de leur statut, en connaissance des conséquences qui y sont attachées.
Cette solution, encouragée par la Cour de cassation depuis près de cinq ans, n’avait jamais été consacrée par le législateur. Ainsi, le 14 septembre dernier , dès que l’occasion lui fut présentée, la chambre sociale
entérina la décision du Conseil. ( Cass, soc. 14 septembre 2012 n°11-21.307 )
1/ Le droit du travail protège les salariés titulaires d’un mandat extérieur à l’entreprise contre la procédure de licenciement dite « de droit commun ». De fait, en vertu des articles L 2411-1 et suivants du Code du travail, délégués syndicaux, délégués du personnel, représentants syndicaux du comité d’entreprise (…) ne peuvent être licenciés qu’après autorisation administrative de l’inspecteur du travail.
La méconnaissance de cette règle expose l’employeur à des sanctions à la fois civiles et pénales.
D’une part, un tel licenciement est frappé de nullité et ouvre droit à des indemnités au profil du salarié. Le non respect de cette procédure spécifique constitue d’autre part un délit au sens du droit pénal passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
La pratique révélait que si certains mandats étaient nécessairement connus de l’employeur, d’autres – parce qu’ils s’effectuaient en dehors du temps professionnel – ne l’étaient pas. Pour autant, en dépit de cette réalité, cette règle coercitive avait vocation à s’appliquer sans considération de la connaissance ou non de l’employeur dudit statut.
La Cour de cassation, dans son rapport annuel de 2007, sans remettre en cause le principe, appelait déjà le législateur à prendre en compte le fait que l’employeur de bonne foi puisse ignorer le mandat du salarié. Elle proposait ainsi que le licenciement prononcé dans l’ignorance de l’employeur soit annulé, sauf à ce que le salarié en informe son employeur dans les 15 jours. Cette solution, pourtant reformulée chaque année, ne fut jamais entendue.
2/ Suite à un durcissement de jurisprudence (sans doute pour inviter le législateur à réagir ?) la question devait à nouveau se poser.
A l’occasion d’un litige devant la chambre sociale , les requérants invoquaient une atteinte aux droits des employeurs : était contesté le fait que les salariés affiliés à la Sécurité Sociale puissent bénéficier de la protection légale attachée à leur statut alors même qu’ils n’avaient pas obligation d’en informer leur employeur ( Cass. Soc. 7 mars 2012 n°11-40.106 ) .demandaient à ce que la question soit transmise au Conseil Constitutionnel par la voie de l’art 61-1 de la Constitution.
La chambre sociale permis que la question, jugée sérieuse, soit portée devant le Conseil, lequel devait se prononcer sur la conformité des articles L 2411-1 13°, L 2411-3 et L 2411-18 du Code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution :
Le Conseil relève dans un premier temps que l’impératif d’indépendance des salariés, qui préside à l’existence de cette règle, implique ce régime dérogatoire et la préserve, dans son principe, de toute atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.
Il écarte ensuite la non conformité de la sanction pénale en rappelant qu’il n’existe pas de délit sans intention de le commettre. La chambre criminelle ne pourra plus, comme dans le passé , retenir la responsabilité pénale d’un employeur qui ignorait de bonne foi le statut de son salarié. ( Cass, crim. 30 novembre 1999 n° 99-81.885 ). S’agissant de la sanction civile, le Conseil déclare conforme l’article L 2411-1 13° sous réserve d’interprétation.
Puisque la protection accordée au salarié résulte d’un mandat extérieur à l’entreprise, celui ci ne pourra s’en prévaloir, sauf à méconnaitre la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle, s’il n’en informe pas son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement ou avant la notification de la rupture.
Par ailleurs, les dispositions contestées sont déclarées conformes au principe d’égalité devant la loi en ce qu’elles ne soumettent pas des personnes placées dans des situations identiques à des règles différentes.
3/ Le 14 septembre dernier, la chambre sociale, de nouveau saisie d’un tel litige, fit application de la décision rendue quelques mois plus tôt par le Conseil Constitutionnel.
Après avoir rappelé le principe dans un attendu liminaire, elle étend la solution initialement prévue aux salariés affiliés à la Sécurité Sociale aux autres mandats protégés par le Code du travail.
De la même manière, le salarié qui entend se prévaloir du régime de protection légale doit informer son employeur de son mandat ou bien rapporter la preuve de sa connaissance, quel que soit le mode de rupture, notamment lorsqu’aucun entretien préalable n’est requis.
Cette nouvelle jurisprudence semble sécuriser les employeurs qui, de manière légitime, peuvent ignorer l’existence d’un mandat extérieur à l’entreprise de l’un de leurs salariés.
Il appartient désormais à ces derniers d’informer ou non leur employeur de leur statut, en connaissance des conséquences qui y sont attachées.