Volkswagen : Reste-t-il assez de non-fraudeurs pour licencier les fraudeurs ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 21/09/2015
C’est un asso étasunienne et allemande, L’International Council on Clean Transportation (ICCT), qui vient de mettre Volkswagen à poil, et le spectacle n’est pas affriolant : depuis fin 2008, les voitures étaient équipées d’un logiciel espion qui enclenchait un mécanisme de limitation des gaz polluants au moment des tests, alors que le niveau réel, pour l’usage courant de la voiture, était très supérieur. Les contrôles étatiques ont été bernés, pendant des années, le temps de vendre 482.000 véhicules aux US, dit-on. Wahou.
L’association a procédé à ses propres tests, et elle a réussi à empapaouter le logiciel vicelard : aussi, elle a trouvé de gros écarts, et a transmis à l'agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) et à une agence de l'Etat de Californie, qui enquêtent à vitesse grand V.
C’est de la fraude ultra-intéressée car Volkswagen en faisait des tonnes sur le thème de la voiture « propre » face à ses rivaux étasuniens, pas au niveau. C’est en plus une atteinte à la santé publique, car les voitures dégageaient tout ce qu’il ne faut pas, à commencer par le dioxyde d'azote, que nos poumons n’aiment pas du tout.
Ces faits d’une gravité exceptionnelle interrogent sur le nombre de personnes impliquées, et leur niveau dans la hiérarchie : peut-on imaginer qu’un tel système ait pu être imaginé, conçu et réalisé pendant presque dix ans, dans le but exclusif de flinguer les concurrents, sans que les plus hauts dirigeants aient donné leur feu vert ? En agissant de la sorte, les dirigeants ont mis en péril le groupe, c’est-à-dire l’emploi des salariés qui, eux, sont d'honnêtes gens.
Ce soir, les informations parlent d’une extension de l’enquête vers d’autres constructeurs impliqués dans diesel et vers l'Europe. Wait and see…
La direction du groupe a reconnu la fraude, a présenté des excuses, et dit qu’elle coopérerait avec la justice : « Nous avons reconnu les faits devant les autorités. Les accusations sont justifiées. Nous collaborons activement ».À vrai dire, Volkswagen n’a pas beaucoup d’autres solutions…
Alors, quelle sanctions ?
Amende civile
Sur le plan financier, on parle d’une amende civile fixée par la loi sur l'air propre (Clean Air Act) de 37.500 dollars par fraude. Nous serions déjà 18 milliards de dollars. L’amende correspond pratiquement au prix de vente de la voiture et c’est donc une catastrophe totale pour le groupe.
Bonne nouvelle : cette somme sera affectée à l’accueil des réfugiés en Europe.
- Ah bon ?
- Mais non, c’est pour rire !
Suites pénales
Il y a aussi des suites pénales, pour identifier les acteurs de la fraude, et leur juste degré de responsabilité. Il faut souhaiter que l’enquête soit soignée car c’est une affaire de près de 10 ans, et la haute hiérarchie de l’entreprise est nécessairement impliquée. Qui ? Quand ? Comment ?
Concurrence déloyale
A moins que tous les constructeurs fassent de même – nous verrons – il faudra prévoir de solides recours en concurrence déloyale, car Volkswagen s’est servi de l’argument du diesel propre pour prendre des parts de marché. A prévoir encore plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Licenciement des fraudeurs et des mafieux
Hier soir, la presse annonçait le début des règlements de compte dans la haute direction, sur fond de rivalités saignantes entre actionnaires, et des démissions sont attendues. Oki. Mais ça ne règle pas le problème de droit du travail.
Volkswagen va devoir assumer ses responsabilités d’employeur… et licencier pour faute grave tous ceux qui ont manqué à la loyauté inhérente à l’exécution du contrat de travail. Qui a imaginé le projet ? À quel degré ont été prises les décisions ? Qui fabrique ce logiciel ? Comment est-il facturé ? On trouve quoi en comptabilité ? Comment est-il installé ? Comment les contrôles internes ont-ils été truandés pour que rien n’apparaisse ? Quid des hauts responsables vantant les vertus des voitures, alors que tout était faux ? Les faits devront être appréciés avec beaucoup de sévérité, car a été imposée une terrible loi du silence, de telle sorte que cette affaire ne s’est pas ébruitée. Quelle ambiance de chiens !
L’une des difficultés va être de savoir qui va gérer cette enquête interne et qui prendra les sanctions, alors que c’est la haute direction qui a tout manigancé... Bref, reste-t-il assez de non-fraudeurs pour licencier les fraudeurs ? Il faudra peut-être inventer l’auto-licenciement…