Ça devient compliqué pour l'Arabie-Saoudite… enfin !
Actualités du droit - Gilles Devers, 24/01/2015
Après les faits du 11 septembre 2011, le Congrès des Etats-Unis (Territoire indien occupé, Amérique du Nord), avait procédé à une enquête et publié, en décembre 2002, un rapport 585 pages. Très bien. Sauf que Bush, le défenseur du Bien, avait fait censurer un passage de 28 pages… comme c’est dommage ! Dès 2003, le sénateur démocrate Charles Schumer, dans une lettre ouverte à Bush cosignée par 46 sénateurs, avait demandé la déclassification de ces 28 pages.
C’est ensuite celui qui avait dirigé cette commission d’enquête, Bob Graham, alors sénateur démocrate de Floride, qui avait fait la même demande, « convaincu qu'il y avait un lien direct entre au moins certains des terroristes qui ont perpétré les attentats du 11-Septembre et le gouvernement d'Arabie Saoudite ». Selon lui, ces pages restées secrètes «pointent le doigt vers l'Arabie saoudite comme principal financier». Point de vue confirmé par un autre sénateur démocrate, du Nebraska, Bob Kerrey : « Des éléments sur l'implication plausible d'agents présumés du gouvernement saoudien dans les attentats du 11-Septembre n'ont jamais été complètement poursuivis ».
Ce début janvier Bob Graham, entouré du représentant républicain de Caroline du Nord, Walter Jones, et du démocrate Stephen Lynch, est revenu à la charge auprès du Prix Nobel de la Paix Obama, expliquant que ce 28 pages censurées démontrent que l'Arabie Saoudite a participé au financement des attaques de 2001. Toujours selon Bob Graham, les documents mettraient en cause le consulat saoudien à Los Angeles, l'ambassade d'Arabie Saoudite à Washington ainsi que de riches Saoudiens installés à Sarasota en Floride. Comme c’est fâcheux… Rappelons que quinze des dix-neuf pirates de l'air ayant commis les attentats du 11-Septembre étaient saoudiens, et Ben Laden était saoudien. Mais l’Arabie Saoudite n’a rien à voir avec ça…
Sur ce plan, Obama poursuit la même politique que Bush : ce régime saoudien est pourri jusqu’à la moelle, déstabilise l’économie mondiale par son contrôle du prix du pétrole, nourrit le radicalisme musulman à partir des perversions du wahhâbisme, finance les djihadistes par milliers, et organise le terrorisme dans le monde entier,… de New-York à Grozny, mais à part ça, tout va bien. En réalité, si Obama refuse – pour combien de temps – la publication de ces 28 pages, c’est parce qu’il ne sait l’importance, et qu’il redoute une déstabilisation du régime. Car la situation se dégrade à vitesse grand V. Une fois de plus, les services pris la main dans le sac, ayant inventé des créatures, qui ensuite les dépassent.
Le 5 janvier, est survenu sur la frontière Nord entre l'Arabie saoudite et l'Irak, près de la ville d'Arar, un fait de grande importance, totalement passé sous silence dans la presse d’ici. La presse saoudienne a fait savoir que deux gardes-frontières saoudiens avaient pris par le feu d’assaillants, et abattus. Or, en guise de gardes-frontières, il s'agissait du général Oudah al Belaoui, commandant de la zone frontalière, et d’un de ses proches. Ce qui veut dire que s’il a été visé, c’est que des infirmations circulent entre l’armée saoudienne et les groupes rebelles, qui ont décidé d’exécuter celui qu’ils considèrent comme un traitre. Logique : c’était la même maison mère. Les saoudiens ont été les grands financeurs du djihadisme en Irak et en Syrie, dans le but de renverser les régimes de Bagdad et de Damas, alliés de l’Iran Chiite, et les Etats-Unis ont bien laissé faire, car tout était bon contre l’ennemi iranien. On voit le résultat aujourd’hui. Les combattants ont bien réussi, contrôlant avec Daech un large territoire en Irak et en Syrie, et ils se retrouvent… face à ceux qui les ont créés : l’Arabie-Saoudite et les Etats-Unis. D’où leur rancœur, et leur volonté d’en découdre avec le régime saoudien.
Depuis quelques mois, les attaques armées des djihadistes se multiplient à la frontière saoudienne, et début 2014, l'Arabie saoudite a mis l'EI sur la liste des organisations terroristes. C’est dire ce que représente l’exécution, sur dénonciation, du général Oudah al Belaoui, le commandant de la zone frontalière.
Daesh est bloqué sur le Nord irakien, peine en Syrie devant une armée qui reste très forte, et voit l’Arabie saoudite comme sa prochaine zone de conquête. Riyad masse ses troupes, par milliers, et a engagé en septembre la construction d'une « grande muraille » de plus de 950 km, le long de sa frontière avec l'Irak. Un régime assiégé, avec au sud une autre muraille de 1.800 km de frontières avec... le Yémen, qui vient de passer sous commandement chiite. La France soutient les yeux fermés le régime saoudien, y concluant ses plus importants marchés d’arme. Du coté US, les menaces de publication des 28 pages sont-elles un moyen de peser sur la réorganisation du pouvoir saoudien, ou le signe d’une prise de distance avec le régime sera lâché car, trop impliqué dans le terrorisme, il devient donc immaîtrisable. Comment garder cet allié, quand les dirigeants de Daech balanceront aussi leurs informations ? Quel poids réel pour l’Arabie Saoudite, alors qu’un accord sur le nucléaire avec l’Iran se dessine, ouvrant la voie vers un Iran qui sera le pôle de stabilité de la région ?