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Gloire et honneur à la Cour de Justice de l’UE qui protège nos libertés contre les gouvernements policiers

Actualités du droit - Gilles Devers, 8/04/2014

Heureusement que l’Europe et ses juges sont là pour répondre à la...

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L-Espion-qui-venait-du-froid-affiche-9783.jpgHeureusement que l’Europe et ses juges sont là pour répondre à la vigilance des militants de la liberté, à l’heure où nos gouvernements redoublent d’énergie pour promouvoir le modèle moutonnier et faire de nous des numéros, espionnables à merci.

Le genre de trucs qui me désespère : nos concitoyens adorent être surveillés, et trouvent logique de voir leur vie privée piétinée par leurs gouvernements, au motif que ce serait le prix à payer contre les méchants terroristes divers et variés… Avec ce cri angélique, pur produit de la culture de la soumission : « Ils peuvent bien me surveiller, moi, je n’ai rien à me reprocher ».

Alors, un constat rassurant : les juges veillent sur nos libertés.

Le juge à l’honneur, c’est la Cour de Justice de l’Union Européenne, celle qui siège à Luxembourg. Très sous-estimée dans la chronique ambiante, car c’est la cour du libéralisme débridé et de la déréglementation néo-capitaliste et autres salades. Très drôle… C’est la seule juridiction internationale qui s’est opposée aux décisions illégales du Conseil de sécurité, et a fait plier le Conseil (Arrêt Kadi, 2008),... mais il est tellement jouissif de critiquer sans savoir et en prenant l’air éveillé d’un cadre UMP.  

Cette directive? 

Le texte en cause est la directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications. Conserver vos données personnelles, quel bonheur…

Le but est de fournir un cadre aux mesures nationales sur la conservation du trafic internet des particuliers. Eh oui, il y a tant de vilains bandits qu’il faut rendre ces données disponibles à « des fins de prévention, de recherche, de détection et de poursuite des infractions graves, comme notamment les infractions liées à la criminalité organisée et au terrorisme. » Voilà, le mot magique est lâché : terrorisme. C’est le sésame bien connu pour faire n’importe quoi.

En pratique, les fournisseurs d’accès se trouvent obligés de conserver les données relatives au trafic, à localisation ainsi que celles nécessaires à l’identification de l’abonné ou l’utilisateur. En revanche, ils ne peuvent conserver le contenu de la communication et des informations consultées. Génial, on va enfin pouvoir lutter contre les méchants terroristes en surveillant vos amis, vos contacts et l’autre moitié de votre cœur.  18910852.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpg

La Haute Cour d’Irlande et la Cour Constitutionnelle d’Autriche avaient été saisies par de fiers citoyens, et ces deux juridictions ont demandé à la Cour de Justice de l'UE d’examiner la validité de la directive.

Qu’autorise la directive ?

Elle permet de savoir avec quelle personne et par quel moyen un abonné a communiqué, de déterminer le temps de la communication ainsi que l’endroit à partir duquel celle-ci a eu lieu et de connaître la fréquence de ces communications. Donc, un ensemble d'indications très précises sur la vie privée des personnes : habitudes de la vie quotidienne, lieux de séjour permanents ou temporaires, déplacements journaliers ou autres, activités exercées, les relations sociales et les milieux sociaux fréquentés.

Pour la Cour, « imposant la conservation de ces données et en en permettant l’accès aux autorités nationales, la directive s’immisce de manière particulièrement grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ».

De plus, tout se fait en douce, de telle sorte que la personne espionnée ne peut se défendre : « Le fait que la conservation et l’utilisation ultérieure des données sont effectuées sans que l’abonné ou l’utilisateur inscrit en soit informé est susceptible de générer dans l’esprit des personnes concernées le sentiment que leur vie privée fait l’objet d’une surveillance constante ».

La directive ne permet pas de prendre connaissance du contenu des communications électroniques en tant que tel. Donc, ça c’est bon. Pour le flicage illicite, voir les méthodes de l’ami Obama, ce grand dépendeur d’andouilles.

Tout se joue dans l’absence de proportion.

Si la conservation prévues des données peut être considérée comme apte à réaliser l’objectif poursuivi de lutte contre les vilains bandits, « l’ingérence vaste et particulièrement grave de cette directive dans les droits fondamentaux en cause n’est pas suffisamment encadrée afin de garantir que cette ingérence soit effectivement limitée au strict nécessaire ». Oki ? Des méthodes de vilains bandits pour surveiller les vilains bandits ?

Premier point. La directive couvre de manière généralisée l’ensemble des individus, des moyens de communication électronique et des données relatives au trafic sans qu’aucune différenciation, limitation ou exception soit opérée en fonction de l’objectif de lutte contre les infractions graves.

en14950.jpgDeuxième point. La directive ne prévoit aucun critère objectif qui permettrait de garantir que les autorités nationales compétentes n’aient accès aux données et ne puissent les utiliser qu’aux seules fins de prévenir, détecter ou poursuivre pénalement des infractions susceptibles d’être considérées, au regard de l’ampleur et de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux en question, comme suffisamment graves pour justifier une telle ingérence. De plus, La directive ne prévoit pas les conditions matérielles et procédurales dans lesquelles les autorités nationales compétentes peuvent avoir accès à ces données et les utiliser. Et la Cour souligne : « L’accès aux données n’est notamment pas subordonné au contrôle préalable d’une juridiction ou d’une entité administrative indépendante ».

Troisièmement.  La directive impose une durée d’au moins six mois sans opérer une quelconque distinction par rapport à l’objectif poursuivi, et cette durée se situe entre 6 mois au minimum et 24 mois au maximum, sans définir de critères objectifs pouvant le justifier.

C’est donc l’arbitraire du flicage généralisé, mais ça ne suffit pas.

L'absence de garantie de destruction 

La directive ne prévoit pas de garanties permettant d’assurer une protection efficace contre les risques d’abus ainsi que contre l’utilisation illicites de ces données. Pour pas se fâcher avec les businessmen, la directive autorise les fournisseurs de services à « tenir compte de considérations économiques lors de la détermination du niveau de sécurité qu’ils appliquent ». Donc je prends un panier percé car c’est moins cher… Surtout, elle ne garantit pas la destruction des données au terme de leur durée de conservation… et vu les budgets à prévoir, les données seront donc gardées de manière illimitées…  

La directive ne garantit pas non plus le contrôle par une autorité indépendante, alors qu’un tel contrôle « effectué sur la base du droit de l’Union, constitue un élément essentiel du respect de la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel ».

La partie est donc gagnée pour nos amis irlandais et allemands. Il va falloir maintenant regarder de près ce vaut notre législation nationale, avec ces Sinistres de l’Intérieur qui frétillent tant devant Internet... L’arrêt de la Cour Européenne est un vrai encouragement à se battre pour nos libertés, contre les vilains maquereaux de l’espionnite aigüe.   

 

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